GARCIA : DE FAUX ESPOIRS EN VRAIES ILLUSIONS ?

BILLET- PARTIE 1 | « Ce n'est pas la girouette qui tourne c’est le vent ». Cet adage n’est surprenamment pas l’œuvre d’un supporter marseillais mais d’Edgar Faure, Président du Conseil en 1955 – sous la IVème République. Son bon sens commun pourrait aisément être jeté à la figure de nombres d’entre nous mais seuls les hommes focalisés sur l’écume des choses se hasarderaient à m’adresser la première pierre.

Garcia, une fin d'état de grâce

Il y a 2 ans, lorsque Garcia signa à l’Olympique de Marseille, beaucoup s’enthousiasmèrent de l’entrée du club dans une nouvelle ère. D’autres, non moins satisfaits vu le bordel crépusculaire « louisdreyfusien », émirent quelques réserves. Il faut dire qu’avec Rudi Garcia, l’OM avançait, et avance toujours, en terrain connu. Or l’exotisme et les idées fortes en matière de football exercent à Marseille, plus qu’ailleurs, une attraction primesautière.

Deux ans plus tard, Rudi Garcia vient de clore de la manière la plus piteuse sa campagne européenne par une nouvelle défaite cinglante (4-0). Elle s’ajoute aux 9 revers précédents. Des défaites qui portent le pourcentage de victoires de l’entraineur  à un médiocre 47.4%.

Elles s’accompagnent de surcroît  de performances globales ignobles en termes de spectacle. Après des débuts délicats, que les nombreuses absences, retards de préparation individuels ou collectifs justifiaient aisément, les dernières rencontres, mais aussi leur contexte, entre déclarations et révélations plus ou moins fumeuses, ont plongé les plus prudents dans le doute.

L’objet de cet article n’est pourtant pas d’hurler avec les loups et clouer le récent finaliste de l’Europa League au pilori mais de revenir sur plusieurs points qui justifient une critique de fond du travail de Rudi Garcia et fournissent une explication tangible aux piètres performances de l’équipe.

Un recrutement raté ? Un coach tout puissant ?

L’argument revient en boucle sur les lèvres des observateurs. Rudi Garcia jouit d’une position inédite à l’OM par sa toute-puissance sur le secteur sportif. Il impose ses choix et ses joueurs. Ainsi, il existe chez lui la tentation persistante de faire appel aux hommes qu’il a déjà connu quitte à recycler des anciens plus ou moins glorieux. Si les rumeurs Gervinho, Cabaye ou Divock Origi ne se sont pas concrétisées, ce sont Adil Rami puis Kévin Strootman qui ont rejoint un contingent de rapatriés, pour certains revanchards (Mandanda, Thauvin, Payet). Un confort absolu pour un coach que celui de pouvoir s’appuyer sur des cadres connus, des valeurs sûres.

Le corollaire à cette stratégie de recrutement est la constitution d’un effectif, certes expérimenté mais sur la pente descendante, composé de cadres avec lesquels construire sur le long terme est délicat. Des joueurs qui n’offrent pas, de plus, de perspectives juteuses de reventes et ne peuvent non plus briller par l’enthousiasme propre à la jeunesse.

De fait, c’est surtout le manque d’idées que les supporters retiennent de ces choix de joueurs. Alors que 3 postes apparaissaient à l’évidence comme lacunaires : latéral gauche, milieu offensif gauche et avant-centre, c’est un ancien de la Roma (Radonjic), qui renforce l’escouade offensive. Pour le coup l’argument de la « Garcia connexion » ne tient pas forcément la route tant l’opération se révèle être un montage impliquant pléthore d’intermédiaires nébuleux.

Mais à  regarder de près peut-on sincèrement juger négativement les venues de Rami, Strootman, Payet ?

Si l’on analyse à l’aune purement financière, on est droit de s’interroger sur l’efficience des investissements en termes de constitution d’actif joueurs « liquides » (pour paraphraser un ancien président). Si l’on raisonne sportivement, les choses sont plus contrastées selon les opinions de chacun mais on ne remettra pas en cause les qualités intrinsèques de la majorité des recrues. Sur le plan mental, le pédigrée de certaines pouvait attester, à leur signature, de leur adéquation avec l’environnement olympien. D’autres profils psychologiques et techniques peuvent interroger quant à leur adaptation évidemment…

Pour autant, force est de constater que l’équipe manque de poids sur les postes précités et que l’absence de renfort offensif notable (pas forcément au poste iconique de numéro 9 car les possibilités étaient minces – notez que Moussa Dembélé était suivi depuis plusieurs saisons par le staff de Garcia et Zubizaretta et que son profil n’a donc pas fait l’unanimité) au prétexte d’une attaque prolifique la saison dernière, se range au rayon des arbitrages contestables (comme quoi la vidéo ne résout pas tout).

Je ne couvre pas d’un voile pudique l’incompréhensible recrutement de Gregory Sertic qui partage le même représentant (et le conflit d’intérêt –évident- est mis en lumière par l’excellent Romain Molina), mais l’évidence a déjà cristallisé un flot de critiques méritées au regard du niveau notoire du joueur et de la générosité de ses émoluments.

L’histoire frappe ainsi par sa résonance avec celle de la Roma et ses campagnes de recrutement ratées. Les atermoiements ou l’attentisme érigé en stratégie lors des mercati limitent terriblement la capacité d’action, l’agilité, du club sur de nombreux dossiers. Les récentes prolongations de contrats valident pourtant l’organisation en place et plaident plutôt pour des prises de décisions collégiales du triumvirat en matière de recrutement.

Que l’entraîneur dispose du dernier mot n’est en rien anormal. La construction de l’effectif, manifestement déséquilibré par une surabondance de joueurs axiaux (le manque de latéraux défensifs et offensifs gauchers notamment), ne repose pas donc sur ses seules épaules.

En revanche, la mise en place d’une équipe, sa cohésion, son organisation et son animation relèvent de la responsabilité exclusive du coach. Et le constat sur ces plans est terrible à bien des égards.

Des errements tactiques inexplicables

Rudi Garcia, comme chacun le sait est un adepte, certains diraient apôtre, du 4-3-3. C’est avec ce système de jeu qu’il connait ses premiers émois de victoire. C’est ce système de jeu qu’il installe à son arrivée avec l’entrée de Lopez dans l’équipe. C’est dans ce système de jeu que l’OM trébuche en début de saison dernière en raison du manque d’impact physique et/ou de culture tactique du trio Zambo, Lopez, Sanson. C’est dans ce système de jeu que la défense est assaillie par des attaquants lancés qu’un Gustavo esseulé ne parvient à contenir.

C’est ce système de jeu qu’il abandonne dans le courant du mois d’octobre au profit du 4-5-1 grâce auquel l’OM effectue une saison brillante tant en termes de jeu que de résultat

Fort du recrutement fin août du hollandais bien arrimé, c’est ce système (4-3-3) que privilégie encore Rudi Garcia à l’orée de  la nouvelle saison, et ce dès le retour de Gustavo au milieu. La triplette Sanson, Gustavo, Strootman est alléchante sur le papier tant elle semble complémentaire. Mais le collectif ne trouve pas d’équilibre dans cette organisation. Le bloc équipe est systématiquement mis hors de position sur les renversements de jeu, en difficulté dans la gestion de la latéralité Le milieu est étiré entre la retenue d’un Strootman, qui est cantonné au rôle de sentinelle, et l'allant de Sanson - puit de potentiel peu avare en énergie cinétique - qui peine à se trouver un positionnement juste et se montre faillible dans la conservation du ballon.

Qu’importe, Rudi s’épanche sur la nouvelle adaptabilité de son équipe à évoluer dans différentes organisations. Durant la préparation, l’Olympique de Marseille expérimentait ainsi (déjà) la défense à 3 axiaux. Cet audacieux préquel aux aventures récentes vous est narré avec une grande subtilité par l’excellent Benedetto.

Cela rappelle de mauvais souvenirs... Mais on n'en est pas encore là.

Je vous invite à relire les analyses de mon estimé collègue. Non, Rudi Garcia n’est pas « un concombre de mer » / l’ibère Michel. Il a mené une réflexion sur le style de jeu qu’il compte mettre en œuvre cette saison. En étant aux premières loges d’une Coupe du Monde ayant couronné le jeu de transition, peut-être a-t-il été inspiré ? A moins que les oppositions face aux Red Bulls l’aient convaincu bien avant ou qu’il ait humé, lucidement, l’air du temps. Malheureusement, l’air du temps n’a rien à voir avec les épaisses volutes d’herbe à pipe recrachées par le calumet du Mister. Voilà donc pour la théorie.

Dans les faits, ce sont surtout les forces qui avaient été fondatrices dans l’excellent exercice précédent qui ont pris l’air. L’Olympique de Marseille se démarquait l’an dernier par la qualité de son pressing et de sa récupération, grâce à l’abattage défensif de Zambo, Luiz Gustavo et Ocampos (cf : l’OM 2ème PPDA des 5 grands championnats par la grenouille sceptique d’OMFORUM). L’équipe affichait, portée par ses intentions de jeu conquérantes, un état d’esprit irréprochable. Payet, joueur créatif et inspiré, était placé dans les meilleures dispositions en meneur de jeu.

Une seule continuité, la perméabilité défensive

« New is always better ». A croire que Rudi s’est entiché de Barney à l’heure de ses mises en place tactiques. Il semble s’évertuer depuis 20 matchs désormais  à changer systématiquement ses plans au fil des matchs dans une subtile bouillie mêlant constance (dans la médiocrité) et instabilité. L’OM a donc évolué dans près de 4 systèmes différents. En 20 rencontres c’est assez édifiant ! L’OM n’a jamais aligné la même charnière centrale 2 matchs consécutivement (à part enchaînement Monaco – Guingamp). Payet a été placé ailier gauche dans un 433 face à des équipes évoluant en 352 avec des latéraux offensifs (Nice, Lazio, Montpellier…) ce qui, vous en conviendrez, est une idée des plus saugrenue dans ces configurations de matchs.

Je déplore principalement, comme tant d’autres, que cette équipe n’affiche plus aucune intention en termes de pressing haut. On y verra sans doute là, cette volonté « garciesque » de muer une équipe de possession haute en une formation privilégiant les attaques sur jeu de transition et recherchant donc d’avantage de profondeur.  On y verra sans doute également le déficit de confiance du collectif qui enjoint nos défenseurs à reculer et jouer bas. On y verra aussi l’expression d’un plan de jeu récurrent : un bloc médian pour fermer les espaces, des attaquants et milieux qui ne se jettent pas et ne vont pas chercher l’adversaire, des latéraux qui resserrent l’axe, en lieu et place d’aller chercher leur vis-à-vis (ailier au latéral). La somme de ces préceptes forme à mes yeux une équation indigeste.

Et pourtant, l’OM continue de prendre des valises de buts à  un rythme soutenu. Donc Garcia réagit, change ses plans, change ses hommes et n’installe aucune stabilité, aucune continuité. A quoi bon miser sur la stabilité de l’effectif si ce n’est pas pour construire sur l’existant, bonifier les points faibles et capitaliser sur les certitudes ?

Cette absence de continuité dans les choix vaut tout autant pour l’animation offensive qui repose pour l’essentiel sur des individualités. Rudi Garcia semble dernièrement avoir fait le pari du 3-5-2. Comme pour mieux entériner son désir de changement d’optique de jeu. Sans doute souhaite-il démontrer qu’il peut aussi innover, ne pas rester figer dans ses sacro-saintes certitudes tactiques. L’option est ambitieuse mais elle nécessite un travail tactique de fond conséquent et surtout l’adhésion des joueurs. La confiance est le carburant du footballeur et le collectif olympien semble en panne sèche. La faute sans doute à une gestion humaine déficiente.

A VENIR EN PARTIE 2

  • La gestion des hommes : de la force à la faiblesse.
  • Une communication qui agace
  • Mais quel genre de coach est Rudi Garcia ? …
  • Et maintenant Jacques-Henri ?

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