CINÉMA | Ad Astra : Vers l'infini et mon papa

Le cinéma de James Gray quitte New York et la terre ferme, mais continue à développer sa thématique familiale. Ad Astra est un peu la face B de Lost City of Z : un fils cherche à renouer le lien avec un père ivre de conquêtes.

Fly me to the mou

Ad Astra fait d’emblée le choix d’une réalisation anti-spectaculaire, centrée toute entière sur le personnage de Roy McBride (Brad Pitt) dont les pensées introspectives sont livrées en voix off. L’homme, tout en contrôle et maitrise, va au fil de son trajet spatial, s’ouvrir à l’influence des planètes.

J'ai rarement vu un film aussi défait, indifférent à ses propres péripéties, témoin l'absolue mollesse de cette course-poursuite lunaire en rover, censée j'imagine retranscrire la pesanteur lunaire mais qui rappelle bien malgré elle que pour fonctionner, le cinéma de James Gray a besoin de gravité (lol). Ça n'est pas à proprement parler raté, mais même dans ses écarts les plus pulp la tension y est - au mieux - flottante, extérieure à elle-même comme peut l'être le personnage de Brad Pitt, ou un Calogéro en apesanteur.

La gloire de mon père

Que Cristina Cordula se rassure, on est dans le thème, car l'indifférence, celle qui dérange, c'est précisément le sujet du film. L'indifférence d'un père absent, l'indifférence d'un Dieu muet, l'indifférence du cosmos dont nous serions les seuls résidents, et le silence qui semble être la seule réponse à toutes les interrogations, celles du héros comme celles de l'espèce.

Dans Star Wars, la révélation « Luke, je suis ton père » était le twist central de la trilogie, son dilemme cornélien. Dans Ad Astra, Tommy Lee Jones, se préoccupe autant de son fils Brad Pitt que de son premier don de sperme, et a préféré fuir à l'autre bout de la galaxie plutôt que de payer sa pension alimentaire. "Un papa, une maman"... vraiment ?

Les debriefings auquel se soumet Brad Pitt au cours du film, censés tenir lieu d'évaluations psychologiques, d'abord machinaux et factuels, auront beau se faire de plus en plus sincères, intimes, déprimés au fur et à mesure que la carapace se fissure, l'interface s'en fout, seules l'intéresse ses constantes vitales, consacrant ainsi l'être humain comme simple appareil biologique, sans quintessence, sans destinée.

Astra Blues

Partant, le film aurait pu être plus plombant que ça. Il échoue à mettre en images la "solitude ontologique" présente à l'écrit (et dans son envahissante voix-off), alors que c'est d'habitude une victoire facile pour les films de dedans l'espace. Pour deux raisons à mon avis. Parce qu'il se déroule finalement assez peu dans l'espace #mercicapitaineévidence: et parce qu'il se fout pas mal des distances parcourues. Le trajet de la Terre à Neptune semble aussi anodin qu'un Paris-New York, et le film n'est de toute façon pas un monument de hard-SF #mercicapitaineeuphémisme:

Mais aussi parce que le film finit par faire le choix doux-amer de la dépression joyeuse, et face à l'hébétude provoquée par la vertigineuse question "Pourquoi vivre seul ?" qui semble torturer Brad Pitt, il préfèrera s'en poser une autre : "Comment vivre seul ?". Avec comme réponse une épiphanie tardive qu'on aurait pu trouver benête (si ce mot avait existé), et qui rappellera celle de Into the Wild : "Bah avec les autres". Brad Pitt se paye ainsi, la psychanalyse la plus chère de l'histoire.

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