Greenwood Not Welcome

À l'heure où les négociations pour l'arrivée de Mason Greenwood sont annoncées comme de plus en plus chaudes, il semble nécessaire d'expliquer, une nouvelle fois et avant que le mal ne soit irréversible, pourquoi ce transfert paraît inconcevable au vu des valeurs affichées par le club et pourquoi il signifierait pour nombre d'entre nous une ligne rouge qui endommagerait de façon irrémédiable la passion que nous avons pour ce club.

Volée de bois vert

Précisons d'emblée qu'il ne s'agit pas ici de patauger dans des débats technico-judiciaires, le sujet n'est pas là. Rappelons simplement que, dans un domaine où le taux de condamnations est ridiculement faible au regard de la réalité des violences sexistes et sexuelles et a fortiori lorsque leurs auteurs sont des hommes puissants et célèbres, se baser uniquement sur l'absence de condamnation en justice pour donner blanc-seing à la direction pour accueillir Greenwood les bras grands ouverts à la Commanderie est, pour le dire poliment, franchement paresseux.

Sans remettre en cause la présomption d'innocence de Mason Greenwood, rappelons simplement que des éléments extrêmement tangibles et encore publiquement accessibles le désignent comme l'auteur possible (osons dire vraisemblable) de violences allant jusqu'au viol sur sa compagne, et que celui-ci ne s'est absolument jamais expliqué sur ces éléments, sa seule défense depuis lors n'ayant été que de s'enfoncer dans un mutisme prolongé ponctué d'un seul communiqué commun avec Manchester United au contenu bien tiède où il n'est question que de "prendre sa part de responsabilité dans les situations qui ont amené à la publication (de sa compagne) sur les réseaux sociaux" tout en niant avoir commis les violences concernées.

"Marseille est antifasciste", pas anti-sexiste

Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'un homme qui a commis des actes, jusqu'aux plus graves, ne peut pas être réhabilité. Encore faut-il pour cela, au strict minimum, en assumer la responsabilité et donner des gages que le travail de déconstruction des causes des violences a été entamé. Rien de tel n'est présent ici. A l'heure actuelle et faute d'un énorme effort de clarification qui serait difficilement crédible dans des délais aussi courts, il est absolument fantaisiste qu'un club, quel qu'il soit, puisse prétendre engager Mason Greenwood sans se compromettre fortement en termes d'exemplarité dans la lutte contre le sexisme.

L'atteinte des résultats sportifs ne saurait être à mon sens l'alpha et l'oméga d'un club de football. L'uniformisation amenée par les évolutions de ce sport tendent à le faire oublier, mais les clubs existent d'abord pour porter une identité et des valeurs ; la réussite sportive atteinte au mépris de ces attributs ne peut qu'être vidée de son sens. Il existe bien des façons de devenir supporter de l'OM, certaines étant liées à son statut glorieux de plus beau palmarès français ; mais à l'heure où notre club brille davantage pour ses suicides stratégiques répétés et pour son statut de plus en plus affirmé de club de losers (pas toujours) magnifiques, pourquoi continue-t-on malgré tout à l'aimer, au-delà d'un éventuel réflexe identitaire lié à la ville qu'il représente, sinon parce qu'il est porteur d'une certaine idée de la place du sport dans la société et de valeurs humanistes ?

Greenwood, Veretout, envers et contre tout

La direction menée par Pablo Longoria semble avoir tranché que seule la fin justifie les moyens et que tous les talents sont bons à prendre pour atteindre l'excellence sportive, au mépris des beaux efforts réalisés par le club ces dernières années notamment via sa fondation, en accord avec le rôle social que celui-ci a dans la ville. Nous avions déjà eu un aperçu de ce cynisme lors de la signature de Jordan Veretout, où la rhétorique utilisée pour défendre ce transfert face à la sordide affaire familiale entourant le joueurs était digne des éditorialistes les plus bêtement conservateurs. Nous sommes ici à une toute autre échelle, Greenwood étant lui un potentiel agresseur direct et non un simple témoin passif.

Il ne s'agit pas d'être naïf : oui, le milieu du football y compris à l'OM est très probablement gangrené par ce type d'affaires privées, et beaucoup sont habilement mises sous le tapis pour protéger les intérêts financiers en jeu. Mais à défaut d'exiger une pureté absolue des acteurs qui ne peut être qu'utopique, au moins peut-on aimablement demander à ne pas être pris pour des imbéciles lorsque l'une de ces affaires éclate sur la place publique et à ne pas nous demander d'enterrer dans le sable toutes nos valeurs qui sont supposément partagées par le club au nom du divertissement et de ces jeux du cirque des temps modernes.

Sur l'éthique, jamais les premiers ?

A l'heure où la société est bousculée par des poussées de fièvre réactionnaires et où il faut lutter jour après jour pour que les droits des minorités, y compris les femmes, se maintiennent à défaut de progresser, le signal donné par ce mouvement est désastreux. Il n'est pas trop tard pour y renoncer et pour pouvoir nous permettre à tous de garder au moins une illusion de fierté lorsque, je n'en doute pas, les hommes de De Zerbi atteindront brillamment leurs objectifs sportifs et enflammeront le Vélodrome.

En attendant, j'invite tous ceux qui y sont sensibles à se mobiliser et à faire entendre leur indignation avant de se retrouver devant le fait accompli. Cet appel pourra peut-être faire sourire au vu de l'insignifiance de son auteur, mais je crois que l'actualité démontre qu'en agissant tous à notre échelle il est possible de faire entendre raison à ceux qui détiennent les clés de notre passion et que cela relève de notre responsabilité de nous faire entendre, respectueusement mais fermement.