U17 CHAMPIONS DE FRANCE | Pourquoi si peu des 16 ans nationaux champions de France ont percé ?

Disclaimer : malgré la déception légitime ressentie par tous les intervenants, ils ont su rester très loyaux à leur ancien club pour la très grande majorité d'entre-eux. Cette analyse n'engage donc que son auteur.

Les dizaines d'heures passées à préparer puis réaliser ce dossier nous ont permis de mieux comprendre ce qui était arrivé à ces deux générations de joueurs, si prometteuses et dont la suite de leur carrière a été pour la plupart très cahotique.

Évacuons tout de suite les constats propres à tous les centres de formation. Le football professionnel est terrible, c'est beaucoup d'appelés et très peu d'élus (le contraire des élections départementales en Lozère). Un rapide regard sur tous les effectifs des équipes de jeunes, même chez des vainqueurs de Gambardella, démontre que la grande majorité des jeunes ne perce pas. La pression est énorme, les entourages parfois douteux et nombreux sont ceux qui se perdent en route.

Il semble néanmoins très clair que le cas de ces deux générations est en revanche assez atypique, de par son ampleur. Comme le disait Éric Thiery, chacun de ces joueurs aurait au minimum du jouer en CFA2, au minimum. Et les parcours des joueurs nous ont démontré le contraire pour beaucoup d'entre eux.

Nous avons ressorti trois causes majeures à cette situation :

  • Les jeunes n'étaient pas une priorité
  • Le contexte leur a été défavorable
  • L'OM a mangé ses enfants

Les jeunes n'étaient pas une priorité 

Le premier élément qui a été dévastateur pour ces deux générations, c'était le fait que pour l'OM, les jeunes et la formation n'étaient pas une priorité. Tous les efforts étaient consacrés à l'équipe première, et les appétences de certains dirigeants pour des transferts nombreux et lucratifs pour les intermédiaires ont fait en sorte que l'effectif professionnel était souvent composé de 25 à 30 professionnels, dont certains très médiocres, et qui bloquaient toute opportunité de jouer en équipe 1, même des bribes de match.

De plus, même avec la bonne volonté de certains éducateurs, il manquait de savoir-faire à l'OM en termes de formation. Comment gérer des générations performantes ? Comment accompagner leur progression ? Là où Rennes ou Lyon ont pu faire leurs preuves pendant 20 ans, c'étaient les premières générations performantes depuis longtemps à émerger à l'OM. Ils ont clairement payé les pots cassés.

La gestion des prêts d'Osei, N'Doumbou ou Ammari a également démontré un grand amateurisme. Les clubs dans lesquels ils ont été prêtés n'étaient visiblement pas appropriés, et leur progression, interrompue au lieu d'être accélérée à l'image d'un André Ayew à Lorient puis à Arles-Avignon. Quand Ammari est prêté à Rouen dans un piège total, Osei à Bayonne avec un entraineur qui ne veut pas de lui, cela a des conséquences désastreuses pour les joueurs.

Ensuite, ces deux générations sont arrivées après les relativement faibles 88/89/90. Il a donc fallu reconstruire complètement une equipe réserve, et les décideurs marseillais ont fait la funeste erreur de promouvoir toute une génération de jeunes joueurs de 18/19 ans, très peu encadrés. Pas encore prêts à supporter la dureté du CFA2, division très hétérogène composée de vieux briscards et d'anciens des centres de formation, l'équipe a coulé et s'est retrouvée en DH, laissant une tâche incrustée dans le dossier de ces jeunes joueurs.

La totalité du club n'avait pas de culture de formation.

Le contexte leur a été défavorable

Les générations 91 et 92 ont également connu la malchance d'un contexte très défavorable, avec le passage à la tête de l'équipe d'un entraineur uniquement axé par les résultats à court terme, Didier Deschamps. Comme à Monaco au début des années 2000, Deschamps privilégie des joueurs d'expérience immédiatement performants. Le constat est encore plus marqué dans le contexte marseillais, qui est très destructeur. Il n'a donc naturellement pas eu tendance à donner leur chance à des jeunes joueurs, ce qui a eu un impact majeur sur l'espoir de percer pour les pensionnaires du centre de formation. Les arrivées de Andrade et de Bracigliano sont révélatrices de cette orientation de Deschamps.

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Le constat a encore été aggravé par le conflit ouvert entre Anigo et Deschamps. Anigo a utilisé de manière très habile politiquement la carte des jeunes et de l'identité OM contre les mercenaires de Deschamps. Les jeunes sont donc devenus de la chair à canon dans ce conflit. Et Deschamps s'en est également servi pour attaquer Anigo. Il a utilisé les comportements de certains jeunes professionnels de l'OM, qui auraient du être mieux encadrés, pour les dévaloriser et démontrer à la fois que la formation de l'OM (chapeautée par Anigo, le directeur sportif) n'était pas au niveau. Chris Gadi et Nicolas Crus sont les deux meilleurs exemples de joueurs victimes de cet affrontement, utilisés par Anigo pour démontrer que Deschamps gaspillait l'argent de l'OM, et par Deschamps pour renvoyer à Anigo les lacunes de la formation.

Le changement de direction à la tête du centre de formation a également abouti à un ménage fort. Malgré les recommandations de Franck Passi ou d'Éric Thiery, Henri Stambouli a décidé de faire un grand nettoyage et a sciemment sacrifié la totalité des générations 91 et 92, et une partie importante de la 93, pour faire la place à deux générations qu'il a chouchouté et décidé de promouvoir, les 94 d'Aloé et les 95 de Sparagna et Andonian. Il est fréquent que l'arrivée d'un nouveau dirigeant se concrétise par des départs massifs et c'est ce qui s'est passé, malheureusement pour de nombreux jeunes joueurs qui auraient pu continuer à progresser et à aider a minima la réserve à remonter en CFA. Le niveau atteint par un Abergel ou un Pommier, dont les potentiels étaient largement inférieurs à celui de plusieurs champions de France, démontre cette hypothèse.

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L'OM a mangé ses enfants

La formation marseillaise a vécu un traumatisme majeur, dont les effets se font encore ressentir au club, avec le départ libre de Flamini à Arsenal. Suite à cet événement, Anigo s'est interdit de faire jouer un jeune en équipe 1, s'il n'était pas lié par un contrat professionnel. Les générations 91 et 92 ont été en quelque sorte cachées pour éviter ces sollicitations et plusieurs joueurs ont reçu des pressions énormes pour les amener à parapher un contrat. C'est l'autre conséquence dramatique de l'affaire Flamini avec des contrats professionnels proposés à des jeunes joueurs qui n'étaient pas prêts à gérer cet enjeu. Presque tous les contrats pros de ces deux générations ont été signés trop tôt.

Quand on demande à Benatia pourquoi il a quitté l'OM, la réponse porte sur un conflit d'agent. Il est de notoriété publique que le choix de l'agent avait un impact majeur sur la capacité des jeunes du centre de formation à évoluer dans le club. Certains joueurs ont donc probablement du être black-listés ou écartés au profit d'un joueur qui avait le bon agent, proche d'Anigo.

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Dernière situation, qui est peut-être la pire de toutes, c'est que l'OM ne souhaitait surtout pas voir un de ces anciens espoirs réussir ailleurs. Certains membres de l'encadrement du club ont donc volontairement pénalisé la carrière des jeunes joueurs de ces générations. Plusieurs façon de faire ont été utilisées mais la plus répandue a semble-t-il été de contacter d'autres clubs potentiellement désintéressés pour leur conseiller de ne pas prendre les joueurs. Il ne fallait pas que les lacunes de la formation olympienne apparaissent au grand jour.

L'avenir du centre est rose

Pour finir sur une note d'espoir, il est clair que la situation a nettement évolué. Tout d'abord, et c'est là le plus gros changement, Labrune a mis l'accent sur la formation et compte énormément sur les jeunes pour compléter l'équipe professionnelle. Même si ce choix a été guidé par des motifs économiques, il est salutaire pour les jeunes du centre de formation.

La venue de Marcelo Bielsa au club a donné un élan incroyable aux progressions des jeunes olympiens. Le technicien argentin n'hésite pas à donner leur chance à des joueurs du centre et suit réellement la progression de plusieurs jeunes. On le voit fréquemment se déplacer pour des matchs des catégories inférieures et la création du groupe Élite permet à une quinzaine de jeunes de faire tous les entraînements du groupe professionnel, ce qui est une source de progression inouïe.

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Par ailleurs, et même si ceux qui étaient présents au club faisaient déjà du bon travail, plusieurs éducateurs de grande qualité sont arrivés récemment au club comme les anciens directeurs des centres de formation d'Auxerre (Guerreiro, entraineur des U17) ou de Brest (Nado, entraineur des U19). Nous regrettons néanmoins toujours le départ d'Eric Thiery qui aurait parfaitement complété cette equipe renforcée.

Il existe un nombre important de jeunes qui démontrent un grand potentiel et beaucoup de qualités et l´OM redevient de plus en plus attractif pour son marché local de recrutement. L'avenir est donc plein de promesses pour le centre de formation de l'OM.

Malgré tout, il faudra garder le souvenir de ces deux générations injustement sacrifiées, qui ont marqué pour toujours le palmarès du club, avec un doublé historique en U17. Merci pour tout les gars et bonne continuation dans vos projets. On ne vous oubliera pas.

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