Bon, allez. De toute façon, ce n'est pas à
17h 18h que je commencerai à bosser
Gros morceau, Demon's Souls. Gros Morceau.
Vu de loin, il s'agit d'un action RPG tout ce qu'il y a de plus classique. Une jauge de HP, une jauge de MP, du levelling, un inventaire, etc. Le jeu s'articule autour d'un hub central, qui donne accès à 5 mondes, découpés en 4 niveaux, chaque niveau ponctué par un boss. C'est un classicisme qu'on peut étendre à l'univers et aux mécaniques de jeu.
L'univers, parce que chaque monde semble être issu de l'imaginaire d'un enfant de 8 ans. Ca ne ressemble pas à un compliment, mais ce design globalement générique laisse beaucoup d'espace qu'il convient au joueur d'incarner à sa guise. Le premier monde, par exemple, est un chateau fort qui ressemble à une carte Playmobil, avec ses donjons et ses dragons, ses soldats et ses gobelins. Ca a la gueule de mes parties de
Hero Quest de quand j'étais môme.
Les mécaniques de jeu, car le système de combat est assez peu sophistiqué. Un arme dans une main, un bouclier dans l'autre, un coup fort un coup faible et aucune technique spéciale, le personnage se bat comme n'importe qui se battrait. Je pare avec mon bouclier chting! je donne un coup d'estoc chting! je fais deux pas en arrière et je laisse l'ennemi s'approcher tchouf je fais un pas sur le côté et je l'attaque au flan chtroung! il est touché. Et je recommence. On trouve quelques subtilités, les armes infligent quatre types de dégats auxquels les ennemis seront plus ou moins sensibles, il y a une quinzaine de classe de départ qui influeront sur le style de jeu de l'avatar (plutôt magicien, plutôt tank, plutôt
tarlouze félin, etc) mais à la différence d'un Vagrant Story, auquel on peut effectivement penser, le système de jeu est plutôt "invisible" (malgré des feuilles de stats qui font trois kilomètres). Encore une fois, tu as moins l'impression de traduire en jeu vidéo une partie de jdr papier qu'un combat de figurines Musclor.
Lors des combats, la différence se fera dans la gestion de sa jauge d'endurance, qui régit nos actions aussi bien que celles de nos ennemis. Chaque geste (esquive, parade, coup faible, coup fort) la consomme plus ou moins, et dès lors qu'elle est vide, on ne peut plus rien, juste fuir. Cette sévérité interdit au joueur de se résoudre au bourrinage et lui conseille de rester toujours sur ses gardes, car un héros fatigué se fera saigner en trois coups même par le plus faible des gobelins.
Mais ne t'inquiètes pas, jeune paladin, car dans Demon's Souls il est normal de mourir. C'est même la première chose que tu feras. Un personnage existe soit en tant qu'humain, soit en tant que fantôme. Un humain qui meurt deviendra fantôme, tandis qu'un fantôme qui meurt le restera. Et un fantôme qui tue un boss redeviendra humain (et mourra certainement dans le quart d'heure qui suit). L'âme est la denrée unique de Demon's Souls : elle conditionne les montées de niveau, les achats d'équipements et de sorts. Chaque ennemi lâche une quantité fixe d'âme et quand tu meurs, tu perds toutes celles que tu avais pu amasser. Enfin, pas tout à fait, puisqu'elles restent disponibles à l'endroit de ta dernière mort. Tout ça génère un stress de tous les diables, car si tu crèves avec 75 000 âmes en ta possession, tu vas faire très attention en essayant d'aller les récupérer (puisque n'est mémorisé que ton dernier cadavre)
C'est de cette manière que Demon's Souls s'apprend. Au fil des parties et de tes expériences, tu mourras à chaque fois un peu plus loin. Tes expériences, mais aussi celles des autres, car Demon's Souls est un faux jeu multijoueurs.
Les joueurs n'évoluent pas réellement ensemble, mais disposent de certains moyens pour intéragir les uns avec les autres. Par exemple, si je sais que derrière cette porte, un squelette se planque, je peux laisser un message "Attention derrière cette porte". "Tu trouveras un objet utile ici". "Le monstre suivant est sensible aux flèches". "N'avance pas si tu n'es pas niveau 30". Chaque joueur bénéfie donc du retour d'expérience de tous les autres, d'autant plus qu'en mourrant, tu laisses à disposition le film de ta mort : le terrain de jeu est jalonné de tâches de sang qui permettent de rejouer une mort, et ainsi avertir malgré toi d'un éventuel danger. D'où l'impression d'un jeu dont les joueurs tissent la légende, et qui n'aurait pas de sens s'il était facilement abordable : c'est un territoire maudit, et qui désire le rester.
Il existe deux autres interactions majeures. On l'a vu, un joueur est soit humain soit fantôme. Eh bien, un fantôme dispose à tout moment de la possibilité de s'incarner dans le monde d'un joueur humain, soit pour l'aider à conclure son niveau, soit pour le tuer. Il est même possible d'être convoqué par un certain boss pour l'aider à affronter ses adversaires. Dans les deux cas, un fantôme qui accomplit sa mission récupère sa vie (et sa partie devient donc envahissable). On ne fait pas forcément le malin quand apparait le message "un fantôme rouge envahit votre monde".
Malheureusement, le jeu fait son âge maintenant, je ne sais pas s'il est encore joué. Au pire, l'expérience offline est déjà excellente.
En vrac, quelques derniers détails qui méritent d'être mentionnés : Demon's Souls débute avec la fin de l'humanité, et l'histoire du jeu est contée d'une manière volontairement imprécise, au gré de détails d'atmosphère et des quelques PNJ plus ou moins sympathiques qu'on rencontre (qu'on peut tous affronter, leur mort étant Koh-Lanta-irrévocable) et qui font office de figures légendaires en background. Il faut aussi savoir qu'on n'a pas la main sur notre sauvegarde : chaque action est définitive, tu ne peux jamais abuser le jeu en tentant un truc puis en chargeant ta sauvegarde. Demon's Souls tire sa force de tous ces détails là, de l'opacité qu'il dégage. Il faudra un temps fou avant de commencer à s'emparer du jeu, tu es fragile, en sursis, insignifiant, tu n'es pas le héros d'une histoire, juste un type qui s'efforce de survivre. Ainsi, plus qu'à la fin du récit (un new game+ ultra hardcore est d'ailleurs disponible), le jeu s'achève réellement lorsque l'on aquiert le sentiment d'avoir survécu.