J'y reviens.
Oui donc, c'est un faux remake du premier
Silent Hill, une relecture tout au plus. Mêmes personnages, topographie voisine, mais gameplay et scénario aux antipodes. Expurgé de tout ce qui affiliait Silent Hill à la première génération de Resident Evil (finis les items, les combats, les lieux-labyrinthes dont on doit s'extirper), le jeu se résumerait presque à un point&click horrifique, et son impact est exponentiel à l'intérêt que le joueur voudra bien lui porter.
Le jeu est toujours découpé en deux phases, cette fois bien différenciées point de vue gameplay. Lors des phases d'exploration, modulo quelques énigmes reloues à base de digicodes, il est moins question de trouver une sortie que des indices : les décors regorgent d'informations laissées à la disposition du joueur, que ce soit sous forme d'affiches, d'objets "souvenirs" ou de numéros à composer (détail marrant : la wiimote, qui contrôle normalement la lampe torche, fait alors office de combiné). Vierges d'adversité (le jeu ne fait de toute façon jamais peur - ce n'est pas son objectif), ces déambulations mélancoliques mènent doucement l'histoire vers son dénouement.
Et puis, après chaque révélation scénaristique, la ville sera prise par les glaces et le jeu bascule alors dans sa version cauchemardesque, tellement pourrie qu'il serait facile de condamner le jeu uniquement sur ces chefs d'accusation. Silent Hill est alors envahie par des monstres au design très neutre ( dans un premier temps ) qu'on ne peut que fuir, ou repousser à la faveur de gestes débiles et reconnus une fois sur trois par cette putain de wiimote. Mais à la faveur soit d'un solide sens de l'orientation, soit de courage et de patience, on finit par s'y faire et par s'en sortir sans trop de heurts, et plus le jeu avance, plus celles-ci sont sensées.
Au milieu de tout ça, le jeu est séquencé par des passages de thérapie (?), basé sur le test de
Myer-Briggs, et qui influent sur quelques détails du jeu ainsi que certains passages optionnels. Mais en fait, c'est l'attitude tout entière du joueur qui est analysée. Passer trop de temps à fixer les bouteilles d'alcool chez le psy fera du héros un alcoolique notoire, regarder un certain personnage se changer, ou tenter de joindre les nanas dont le numéro figure dans les chiottes exagéreront ses tendances lubriques, etc. Notre attitude influera aussi sur le design des monstres. L'idée est de personnaliser au maximum l'expérience (le jeu se conclue d'ailleurs sur le bilan du psy), difficile de dire si elle est concluante, ou s'il s'agit plus d'un gadget en surcouche.
Très clairement, le jeu est une expérience fascinante, et une vraie réussite de narration, qui se révèle lors d'un dénouement intense où les différentes phases s'entremèlent et drapent le jeu d'un tissu poétique insoupçonné jusqu'alors. Le jeu prend d'ailleurs une épaisseur assez dingue dans sa dernière heure, c'en est vertigineux. Les frontières des genres s'effacent, les contours de l'expérience se précisent et on en sort avec l'intuition d'avoir vécu un truc assez neuf, que seul le jeu vidéo autorise. Dans mon parcours de joueur, c'est une impression assez rare.