C'est parti.
Bon, je vais éviter de partir dans la branlette philosophique à base "d'existentialisme chrétien" ou de "espace-temps matriciel deleuzien' (sic), d'une part parce que ça me gonfle, et d'autre part parce que ce film est avant tout une expérience de cinéma et non pas une thèse de Schopenhauer.
De tous les films de Malick, il est à mon sens le plus ambitieux, le plus hermétique... le plus pompeux également, pas forcément le meilleur (
Thin Red Line, what else ?)
Au contraire de ses autres films, il est difficile de voir dans
Tree of Life une oeuvre originale. Pour débuter, les laborieuses 20 premières minutes, filmant un big-bang-cgi sur fond de musique orchestrale, évoquent forcément
2001. La marque de Kubrick imprimera d'ailleurs l'ensemble du film. C'est longuet, Malick a visiblement été emballé par
Home de Yann Arthus Bertrand (il lui a même piqué une musique -créditée à la fin du film- cqfd) et il filme les arbres sous tous les angles de sa caméra. Arbres, véritables De Lorean, qui nous feront remonter jusqu'aux dinosaures, rappelant bien entendu les singes de l'odyssée de l'espace.
C'est à ce moment que Malick précise son propos : le film parle de Dieu, de la Terre, de la violence, de la filiation (rien que ça, ouaip). La véritable narration commence, le film décolle : c'est l'histoire de Sean Penn qui n'a pas le moral dans sa tour de verre du XIXème siècle, et qui pense à sa moman, son popa et sa famille. La construction du film fonctionne par flashback et un montage déconstruit, où les scènes s'enchaînent par réminiscence : par exemple, il n'y a pas de lien logique entre la scène des deux dinosaures qui se battent dans la forêt, et la scène suivante où les enfants jouent dans une même forêt. Si ce n'est que les enfants trouvent une pierre qui "ressemble à un os de dinosaure". A travers cette ellipse de 50 millions d'années, Malick illustrera l'unicité de la Terre, le relativisme temporel, l'"espace-temps matriciel deleuzien' (re-sic),
on est bien peu de chose et mon amie la rose l'arbre me l'a dit ce matin, blabla.
Derrière ce message théologico-paganisto-miyazakien qui frôle parfois la niaiserie embarrassante, ce film déchire pour plusieurs raisons :
D'abord ,comme toujours chez Malick, il déchire par la réal, la photo & la musique. Il peut filmer des pieds et des arbres pendant trois plombes, ma foi, ça prend aux tripes. La composition des plans est déchirante de beauté, les mouvements de caméra sont graciles, aériens et un autre épithète flagorneur. La musique fait 50% du film et la Moldau de Smetana fera toujours son effet, même sur la pire des daubes.
Ensuite, il déchire par cette dualité que Mallick annonce au début du film. Les gosses vont se construire entre la figure de la Nature -le père autoritaire, Brad Pitt- et la figure de la Grace -la mère lumineuse- Jessica Chastain. Cette dernière, filmée constamment comme dans une pub Ricoré, est le poumon du film. Certes, tout ce qui la touche est fortement plagié (
"hommage !") sur
le Miroir de Tarkovski (autre réalisateur hantant ce film), et ça en est presque gênant. Mais c'est réussi, elle est la grâce, tellement remplie de probité, de dévouement et de bonté qu'on la verrait bien comme héroïne d'un bouquin de la Comtesse de Ségur ou d'un rape & revenge (au choix)
Rien ou presque n'est expliqué, dans ce film. Quelques dialogues, guère. Beaucoup de questionnement, d'introspection, de sensoriel. Ca touche à l'indicible et l'histoire de cette famille ordinaire, qui se construit dans une guerre sourde perpétuelle, m'a personnellement bouleversé. Pas par le fond du script, au final assez quelconque, mais par les moments d'humanité universelle qu'elle fait résonner en nous, faisant resurgir au détour d'une scène des souvenirs de notre propre enfance. Le final est sublime. A la fin du film, j'ai eu envie d'appeler mes parents. Alors j'ai compris que je venais de voir un chef d'oeuvre
