Rendez-vous était pris au Vélodrome à 18 h 30 dans les salons du Président, pour une rencontre fatidique avec José Anigo.
J’arrive vers
midi à Marseille, donc très légèrement en avance. Après avoir pris une chambre dans un hôtel miteux, je décide de tuer le temps en allant claquer mon fric à la boutique de l’OM, comme tout bon touriste qui se respecte. Personne ne me reconnait dans la rue, ce qui ne manque pas de me plonger dans un profond désarroi mais pas trop.
Vers
14 h 30, je commence à avoir faim. Je me dis que j’aurais quand même dû noter l’adresse du resto de Bud quelque part avant de venir. Finalement, pas le temps de manger, mon téléphone sonne. Soupçonnant un appel piégé, je le jette de toutes mes forces contre un mur en hurlant
« tout le monde à terre !! » Mais c’était juste mon éditeur qui voulait s’assurer que j'étais bien arrivé.
Vers
15 h 30, je rencontre pour la première fois Roman Perrusset. C’est lui qui a monté le projet du Petit José en démarchant les maisons d’édition avec un jusqueboutisme qui force le respect. Il a joué aussi une part active au projet en faisant le tri parmi les textes du blog et en les ordonnant par thèmes. Autant dire qu’il me doit tout.
On prend quelques verres dans un bar de la plaine, on fait connaissance. J’apprends que c’est un grand supporter de l’OM, immense fan de Van Buyten et qu’il regrette Alain Perrin. J’opine à tout ce qu’il dit même lorsqu’il affirme que Van Buyten est facile le plus grand défenseur de l’histoire de l’OM. Il est vrai que je suis très peu contrariant
(une chance qu’il ne me loue pas les vertus du 3° reich.)
Le mec de So Foot appelle pour finalement reporter l’interview à dimanche car il ne pouvait être là aujourd’hui. Si j’aurais su, je l’aurais reportée à jamais.

Il est bientôt
17 h et je commence à avoir l’angoisse de la soirée qui se profile inéluctablement. Surtout que tout le monde m’aide vachement à aller mieux en me demandant
« alors pas trop la pression ? » Du coup, j’en reprends une, de pression.
17 h 30 mais j’avance. On se retrouve devant le vélodrome
(pas moyen de se gourer, c’est marqué dessur) avec l’éditeur de Mango et Roman. On va boire un coup dans un troquet en face du stade. L’éditeur me dit qu’il est très content des retours presse, que le livre est bien distribué et que je dois pas me faire de soucis pour ce soir car ça va très bien se passer. L’éditeur ressemble à Michael J. Fox dans Spin City, ce qui est un sacré compliment. Pour ma part, je me contente d’opiner en commençant à flipper sérieusement. En plus, j’ai faim.
17 h 45 : Gilles Rof arrive, c’est le journaliste de Marseille Hebdo. Il m’offre un tee-shirt FCPanino de Ribery « le monde est à lui » puis me demande avec un sourire innocent
« alors pas trop la pression ? » Je ne réponds pas mais l’envie de lui griffer le visage se suggère fortement à mon esprit.
18 h 00 et quelques. On s’avance vers le stade. Je sais à présent ce que ressent un prisonnier dans le couloir de la mort ou pire, un homme qui s’avance d’un pas lent et résigné vers l’autel de son mariage. Je m’efforce de paraître digne alors que mon âme toute entière me supplie de faire demi-tour pendant qu’il en est encore temps.
On prend les invites avec mon nom à moi écrit sur l’enveloppe. Un stadier me fouille sans aucun préliminaire des pieds à la tête. J’en profite pour lui glisser mon numéro de téléphone à ce grand fou. Comment décrire ensuite ce petit pincement au cœur lorsque je m’avance vers ce stade où je n'avais pas mis les pieds depuis si longtemps ? C’est très personnel tout ça, faut pas rester là messieurs.
On arrive devant l’entrée des présidentielles. L’éditeur dit que nous sommes attendus et je veux bien le croire sur parole. Les vigiles sont tous des clones de José, molosse au crane poli en costard cravate. Ils me regardent d’un œil suspicieux. Je m’efforce de grimacer un sourire mais la peur sclérose mon visage néanmoins chafouin.
On entre dans les couloirs VIP et je croise Diam’s et aussi Jean Pierre Foucault ainsi qu’un parterre de personnalités qui semblent tous familiers des lieux. Les journalistes de Marseille Hebdo plaisantent en me racontant que José est furieux et qu’il va me défoncer la gueule. Bizarrement, j’ai du mal à trouver ça drôle.
Un homme en costard, clone hilare de José, me dit
« alors c’est toi l’auteur du livre. C’est marrant à lire surtout quand on connait José. » Il me dit qu’il le connait depuis 20 ans et tout. Je ne connais personne depuis aussi longtemps à part mes parents mais ça compte pas.
Arrivé au salon du Président. Lieu cossu et ouaté qui se compose d’un buffet garni derrière lequel se dresse une hôtesse au sourire figé, un coin sofa, un écran placenta et surtout la coupe des champions dont on me dit que c’est la vraie de vraie. Du coup, je prends une photo.
Je fais brièvement la connaissance de Laurent Oreggia qui me demande où j’ai trouvé les extraits d’interview de José que l’on retrouve dans le livre. Alors que je m’apprête à lui répondre
« dans ton cul », l’éditeur vient in extremis à sa rescousse. C’était moins une. Soudain j’observe avec inquiétude les caméras d’OMTV qui investissent les lieux.
J’ai trop bu donc je demande où est le petit coin. L’occasion de me retrouver seul en tête à tête avec la partie la moins présentable de mon anatomie. A cet instant très précis, je me maudis d’avoir eu l’idée de ce blog qui m’a conduit jusque ici. J’ai envie de me rouler en boule, tel un petit cloporte sous l’obscurité réconfortante d’un gros caillou mais c’est impossible, il n’y a aucun caillou en vue.
Je redescends dans le salon. L’éditeur semble soulagé de me revoir, il a dû craindre que je me sois enfui pour le Panama. José n’est pas encore là. On me branche un micro au col de ma chemise. Je fixe mon attention sur l’écran où l’ol prend sa raclée, ce qui ne manque pas de réjouir toutes les personnes présentes. Que des gens bien. Pour faire mon malin, je dis que c'est sûr, ils vont égaliser à la dernière minute. Bien sûr, les quenelles n’en feront rien, exprès pour me contrarier. Je les retiens.
Il est
19 h 00 passé. José attend sûrement la fin du match pour venir, me dit-on alors que j’ai rien demandé. Il y a pas mal de passages devant la porte. Essentiellement des sosies d’Anigo qui donnent à chaque fois des fois espoirs aux journalistes et me prodiguent des suées glacées dans la nuque. L’arbitre siffle la fin de la partie et sans le savoir, il fait cesser mon cœur de battre.
Avec plus d'une demi-heure de retard, José arrive enfin. Il s’avance tout sourire et tend sa grosse paluche
« A qui je dis bonjour en premier ? » L’éditeur me désigne et c’est parti pour le grand rendez-vous tant fantasmé. José est là, face à moi. Tout ce que j’avais prévu de lui dire s’évapore d’un coup d’un seul et mon cerveau se place en mode sans échec.
Comme prévu, c’est surtout José qui parle. Il fait son ouane man show. Moi j’acquiesce à tout ce qu’il dit. Je fais ça super bien. Il me demande si je suis supporter de l’OM
(quelle question !) et pourquoi d’abord c’est tombé sur lui. Je lui explique que c’est parce que c’est un personnage entier, plein de passion et que j’aurais jamais pu faire ça pour un type glacial comme Bouchet. Il est d’accord
(ouf !)
Il me raconte qu’il a beaucoup parlé à une époque parce que ça l’amuser de balancer des conneries aux journalistes, je sens qu’il essaie de prendre ses distances par rapport à sa caricature, de prendre tout ça de haut. Genre grand seigneur à peine effleuré par la piqure insignifiante de la dérision. C’est de bonne guerre. Il dit aux journalistes
" vous auriez bien aimé que je le prenne mal heing ?" Mais non José, mais non.
Il me demande pourquoi j’en fais pas un sur paris puisque je suis supporter de l’OM après tout. Je lui dis que paris m’indiffère trop pour que ce soit possible. En fait, j’aurais dû lui expliquer que la dérision nait d’un sentiment de détresse. C’est pour ça que les mauvais résultats de l’OM ont rendu le Petit José possible. Mais je trouve pas les mots et puis ça n’a aucune importance.
On prend une photo tous les deux avec la coupe. José dit
« en espérant qu’on la regagne un jour ! » J’ai envie de répondre
« en espérant surtout que lyon la gagne jamais. » Mais encore une fois, y a rien qui sort. Je me sens comme un intrus, pas à ma place. Je sens José pressé d’en finir. Le match va pas tarder, il a la tête ailleurs et ça se comprend.
Je parviens quand même à me faire l’écho de mon paternel qui a joué en son temps contre José et aussi contre Emon
(il l’avait même pris au marquage.) José me demande dans quel club il était. Je lui parle de l’OAC. Il me parle de Nîmes, de l’époque qui était différente. Je le sens sincère et nostalgique ; séquence émotion.
Les journalistes prennent le relais. Ils veulent savoir le regard qu’il porte sur sa caricature. Il dit qu’il se reconnait parfois au détour d’une phrase, qu’il trouve ça sympa, bien fait mais qu’il rit souvent jaune. Il dit qu’il trouve ça plus marrant quand c’est les autres qui prennent. Il ajoute que le livre passe assez car c’est « dilué » et pas uniquement centré sur lui. Puis il ajoute très justement que ça l’aide un peu à prendre du recul et qu’il sera sans doute plus objectif sur l’OM quand il sera plus en poste.
Ultime poignée de main avant de partir. Formule de courtoisie oblige, il me dit que je suis le bienvenu au stade, puis il espère que je porterai chance à l’OM ce soir. Sur ce point, l’article de Marseille Hebdo résume bien l’affaire. Je me risque à lui demander un autographe. Et il signe en donnant l’impression de ne pas en avoir très envie.
Soulagement quand José disparait. L’éditeur me félicite
(on se demande bien pourquoi) et on fait un petit bilan de la rencontre sous l’œil et l’oreille des journalistes et des attachés de presse, des personnes responsables de la comm. Tout le monde affiche un sourire de façade. J’ai sué huit litres mais j’ai survécu. Ce que j’ignore, c’est que le vrai supplice commence maintenant
(et je parle pas du match.)
Le journaliste d’OMTV braque gentiment sa caméra sur moi et me pose des questions sur la genèse du Petit José, sur les raisons qui m’ont poussé à choisir José comme personnage, comment je perçois le début de saison de l’OM, sur l’inspiration et des tas d’autres questions prévisibles auxquelles il m’est pourtant très difficile de répondre.
Dans mon dos, Déruda et Cissé font leur entrée. J’entends Déruda s’en prendre aux journalistes qui leur présentent le livre
« s’y avait pas l’OM, vous écririez sur quoi ? » il demande, ajoutant
« vous m’avez encore découpé en 12 ! » Oh demi portion, comment tu veux qu’on te découpe en 12 ?
déruda
Le mec de OMTV achève la torture en me demandant de lire un passage du livre face caméra. Je mets dix minutes à chercher en tournant les pages d’un air livide. J’ai l’impression que tout est à chier. L’éditeur en choisit un pour moi et je me mets à lire tel un enfant attardé, avec un ton laborieux et un bégaiement qui me fait achopper à chaque syllabe. Mort de mon âme en cet instant.
Les journalistes de Marseille hebdo sont morts de rire en me voyant sur le gril. Je profite des derniers instants qu’il me reste dans le salon pour prendre une photo avec Djibril et lui demander un autographe pour mon petit frère qui le vénère. Cissé accepte en me faisant bien ressentir toute la joie qu’il éprouve au travers de cet immense sourire chaleureux qui illumine la photo.
20 h 00. Direction la tribune présidentielle. Deux rangs derrière Foucault et Pape Diouf. Je suis assis à côté de Roman qui vibre plus que moi. J’ai du mal à rentrer dans le match. Je contemple d’un regard altier la plèbe des anonymes dans les tribunes populaires. En fait, je préfèrerais être parmi eux. Et pour mieux me donner raison, le destin me colle trois dirigeants lorientais juste à côté de moi. Bandeurs de Gignac !
A la mi-temps, on essaie de s’incruster dans le salon où sont les petits fours et le champagne. Mais on n’a pas le carton, l’OM n’ayant pas daigné faire les choses en grand. Demi-tour déçu et affamé en tribune. Avant la reprise, je réussis à me glisser près du Pape. Livre en main, je lui dis que c’est moi le coupable. Il me dit
« bravo c’est génial ! » On se serre la main et je regagne ma place avec le sentiment d’être vachement considéré.
Fin du match. Défaite. Bronca du public qui a chanté « mouille le maillot. » Mouiller le maillot c’est bien, apprendre à faire des passes c’est mieux. Que dire ? C’était une purge atroce. Une négation du foot avec un fond de jeu inexistant. Aucun joueur qui va au duel, des relances calamiteuses, des erreurs individuelles consternantes. On ressort affligés par tant de nullité et passablement inquiets pour l'avenir.
23 h : Direction un bar où on retrouve les journalistes de Marseille Hebdo pour y noyer notre dépit. A noter la présence de Philippe Djan
(pas sûr pour l’orthographe) qui a commenté le match pour RMC. Les discussions tournent autour de l’OM, des biscuits qui circulent, du Petit José et des procès à venir qui risquent encore d’éclabousser le club. Merci RLD.
Retour à l’hôtel vers
2 h. Mon estomac me rappelle qu’il n’a rien avalé de la journée alors je lui prends un kebab en chemin. Je me couche avec un sentiment d’irréalité par rapport à cette parenthèse enchantée. Je repense à ma performance face à José. J’ai été nul à chier sur toute la ligne, encore pire que l’OM contre lorient. Mon quart d’heure de gloire est achevé.
José, tu ne me liras pas et c’est trop dommage. J’aurais voulu te dire bien des choses en somme mais le sentiment d’être facultatif m’a ôté toute possibilité de les exprimer. C’est bien que tu aies pris le livre comme ça, c’est ce qu’il fallait faire. Tu m’en voudras pas si je ne te remercie pas mais j’estime qu’on est quittes. Par contre, je suis navré si j’ai pu t’offenser en tentant d’être drôle. C’était pas le but. Sincèrement. Crois-le ou pas mais le blog m’a appris à bien t’aimer. Tu perçois l’ironie de la chose ? Ah oui, t’aurais quand même pu me filer un maillot de l’OM. (T’es vraiment un radin.)
Merci à Marseille Hebdo pour les photos
