

je me disait aussi que ca pouver pas etre un trucage

Je dois l’avouer, je panique en avion. Ce week-end je suis allé à Oslo avec Codor. Il a donc fallu que je fasse bonne figure. Pas question de faire dans mon froc devant un autre blogueur. Imaginez la honte. On n’est pas à l’abri d’un post assassin...
Et pourtant, c’est à chaque fois la même chose, je flippe comme une femelle mangouste.
Je flippe environ trois jours avant. Les premiers symptômes sont une légère prise de poids due à l’absorption frénétique de M&M's Crispi. Je me dis que si je dois y rester, il n’y a pas de mal à se faire du bien. Troubles du sommeil, difficultés de langage, perte de cheveux et apparition de plaques rouges sur les joues, voici comment se passe un vol en avion traditionnel. Je ne vous parle pas des quelques heures qui précèdent le décollage, où je pars dans des délires mortuaires à faire vomir d’angoisse Marilyn Manson.
Le pire c’est l’ambiance d’aéroport. Depuis le 11 septembre, je guette le terroriste. Et tout le monde est suspect !!!
La moindre petite vieille qui porte un cabas louche et mon radar interne se met en alerte. Prêt à dénoncer à la moindre perle de sueur sur un front récalcitrant. Je rêverais d’être employé des douanes. De te dévisager le pékin moyen, de rentrer dans son sac pour y dénicher le vibromasseur rempli d’explosifs ou le rasoir électrique gonflé à la dynamite. Mais je ne suis qu’un passager qui doit ôter sa ceinture devant la jeune et jolie employée des douanes. C’est bizarre, mais de faire glisser ma ceinture devant cette fille me gêne. C’est vrai ça quand même, c’est intime comme geste...
Je sens comme une ambiance d’attentat, un brouhaha de destins qui ne savent pas qu’ils vont bientôt mourir. Ces enfants qui courent et s’amusent gaiement, ces mères qui les regardent avec amour, ces deux nones (Y'a-t-il un pilote dans l'avion ?), ces businessmen, ce couple d’amoureux. Un peu comme dans Terminator, ces images de jardin d'enfant avant le grand Boum. Je voudrais tout arrêter et leur dire de ne pas y aller. Je voudrais faire demi-tour, j’ai un sale pressentiment. Mais comme j’ai à chaque fois le même, je me dis que ce n’est pas un pressentiment. Que je suis juste un gros trouillard et que tout le monde va se moquer. Mais je me souviens toujours de ces histoires de gens qui ont avancé ou reculé leur vol parce qu’ils avaient eu un bad feeling. Dommage que j’ai toujours un bad feeling... A quoi ça sert d'avancer mon vol ? Si ça se trouve c’est celui d’avant qui va exploser ! Arrggghhhh...
J’ai mal au bide c’est une horreur, comme à l’oral du BAC. Je voudrais rentrer cher moi, prétexter une grippe foudroyante qui vient de me faire tripler de volume, des boutons sur le nez et une crise subite d’hémorroïdes qui m’interdirait toute position assise... Mais non, tout va bien, je suis là et bien là et tous ces morts en sursis aussi.
Appel à l'embarquement ! Je ne comprends pas pourquoi tous ces gens se ruent vers l'embarquement avec tant d'entrain. "Les places sont numérotées, personne ne va vous piquer votre siège !" ai-je envie de gueuler. Mais non, ils préfèrent rester 20 minutes debout...
J'attends. Allez-y, je me laisse une dernière chance de changer d'avis bande de fous inconscients. "Comment voulez-vous qu'un truc aussi lourd puisse voler ? Vous croyez vraiment tout ce qu'on dit !" Bande de malades... Je suis sûr que le pilote est bourré et qu'il veut se suicider aujourd'hui. Sa femme l'a quitté, il veut partir avec les honneurs de l'actualité. C'est sûr, c'est pour ma gueule, c'est aujourd'hui...
Je m'installe contre le hublot parce que si on tombe, je pourrai voir la mort de près. Le premier qui veut mon hublot je lui crève les yeux ! L'avion fait plein de bruits bizarres, des bip, des cling et des bruits de robot.
- "C'est quoi ce bruit ?" dis-je à Codor.
- "Ils ont fermé les soutes..." répond-il sereinement, sans me regarder, tout en continuant la lecture de l'Equipe.
Comment peut-on lire le journal dans un moment pareil ? Est-il fou ce blogueur ?
Moi je veux regarder l'horizon, me souvenir de tout avant d'emporter quelques souvenirs au ciel. Les gars au sol se gèlent les miches dans leurs chasubles fluorescentes. "Si je survis à ce vol, je ne reprendrai jamais l'avion ! C'est juré". C'est juré mais je me le dis la même chose à chaque fois. Je n'ai aucune volonté avec le monde du transport.
Voilà. On y est. Ce moment insupportable où l'avion stoppe sur la piste. Je sais que dans quelques secondes, il va mettre le turbo ; mon avenir, désormais, est entre les mains du Commandant Delamarre qui, si ça se trouve, est un gros maniaco-dépressif dégénéré qui pue du bec. Je l'insulte mentalement et me dis que le type est un salaud. Si je pouvais je me lèverais pour aller vérifier, entamer un dialogue, devenir une sorte de médiateur... Mais si je me lève on va me piquer le hublot. Et je vais rater la démo du gilet.
Je vérifie bien que le mien se trouve sous le siège, c'est bon. Je ne vois pas bien à quelle occasion m'en servir, mais visiblement, ils insistent tellement pour qu'on écoute... Comment ça se passe en cas de problème ? Je ne peux m'empêcher d'y penser. Déjà que je mets dix minutes à enfiler une chaussette à ma fille, je m’imagine bien tenter d'enfiler une bouée de sauvetage, à la hâte, pendant que l’eau rentre dans l’appareil, que tout le monde hurle et que les flammes me lèchent les poumons. Ou alors je le mets maintenant, en prévision. Julien me dit que non, qu'il n'a pas envie d'avoir la honte ; je le comprends et me ravise. Mais c'est très regrettable...
Une question me vient à l'esprit et je la pose à Julien :
- "Comment se fait-il que la queue de l'avion de ne touche pas le sol au décollage ?"
Il me regarde un peu effondré, mais respecte mon angoisse...
- "En fait, elle touche le sol mais elle est super solide et tu ne sens rien...", me dit-il calmement.
Le gars se fout de ma gueule !!! Ce n'est pas si con comme question, pensez-y ! OK. Je n'ai donc aucun soutien de la part de mon camarade blogueur. Les autres aussi sont bien installés ; tout le monde lit, enlève ses pompes, commande à boire. OK. C'est le complot des inconscients.
J'ai tellement les mains moites que j'ai la couverture de l'Equipe imprimée sur les paumes. Il n'y a plus qu'à regarder le monde d'en haut en espérant que tout se passe bien. Qu'on ne croise pas un pélikan ivre mort qui s'infiltre dans le moteur, qu'on ne croise pas un autre avion maladroit, qu'il n'y ait ni bombe, ni prise d'otage, ni panne de moteur, ni je ne sais quoi... Je veux revoir ma famille. Et si je meurs, comment je ferai pour expliquer mon silence sur le blog ? Les gens ne comprendraient pas...