
L'Equipe
« Je ne suis pas un jouet »
PAPE DIOUF, le président de l’OM, commente le recrutement et la «reconstruction ». Mais il évoque aussi l’hypothèse de son départ.
Un peu partout, l’avant-saison est le temps de l’apaisement, de la réconciliation et des grandes déclarations. À Marseille, pourtant, les tensions entre dirigeants sont encore palpables. Là-bas, la rumeur annonce le prochain départ de Pape Diouf, dès que cessera la période des transferts et que son entregent ne sera plus nécessaire. Le président de l’OM répond sans détours.
MARSEILLE –
de notre envoyé spécial
« VOUS ETES PRÉSIDENT de l’OM. Mais êtes-vous amené à le rester ?
– Oui, tant que les conditions sont réunies afin que je puisse exercer ma fonction dans sa plénitude.
– Donc, elles sont actuellement réunies ?
– Oui, dans une certaine mesure. Même s’il y a des corrections à apporter, je suis en situation d’assumer ma fonction.
– Il est pourtant clair que l’attelage mis en place par Louis Acariès (missionné par Robert Louis-Dreyfus) avec Thierry de la Brosse (pôle administratif), José Anigo (pôle sportif) et vous ne fonctionne pas…
– Il n’est pas exact de dire que Louis Acariès a installé cet organigramme. Il a considéré la situation et a essayé d’en tirer le meilleur parti, en ménageant les susceptibilités et en rassemblant. Pour le reste, il faut être très clair. Dans mes relations avec le sportif, il y a une parfaite symbiose. Entre José Anigo et moi, il y a eu des malentendus, des incompréhensions à un moment donné, c’est indiscutable. Mais nous nous sommes rencontrés et avons pris le parti de travailler ensemble. Et il n’y a pas l’ombre d’une divergence entre nous, nous sommes en parfaite osmose. Avec le responsable administratif du club, Thierry de la Brosse, il y a, c’est vrai un problème, je n’ai pas besoin de le nier. Un problème qui demande, à terme, une solution, c’est évident.
– Vu de l’extérieur, la cohabitation entre vous et Thierry de la Brosse n’apparaît pas comme fonctionnelle. En clair, c’est vous ou lui, mais pas les deux…
– Je laisse le soin à ceux qui ont le pouvoir et la possibilité de changer les choses de répondre si c’est l’un ou l’autre. Mais il est certain que pour le bien du club, la paix sociale interne, il serait bienvenu que les principaux dirigeants du club parlent le même langage, aient la même vision des choses.
– Vous êtes évidemment instruit des rumeurs qui font de vous un président dont le mandat s’arrêterait à la fin du marché des transferts, une fois que vous l’aurez conduit pour l’OM…
– À partir du moment où on sait qu’il y a des problèmes avec la direction générale, il n’est pas difficile de supputer. Jamais personne, dans le cercle de ceux qui comptent dans le club, n’est venu me dire cela. Au contraire, en particulier du côté de l’actionnaire principal, je ressens plus de confiance qu’autre chose. Par ailleurs, je ne suis pas un élément malléable, j’ai assez de caractère pour dire non, si j’ai à le dire. Je ne suis pas un jouet que l’on prend et que l’on pose. Et je ne suis pas quelqu’un qui s’accroche à son poste. Si je devais partir demain, je le ferais, mais ce n’est pas d’actualité.
« On a tout lieu d’être satisfaits de notre recrutement »
– Comment caractériser le marché des transferts de l’OM. Un recrutement malin, celui d’un club qui n’a pas de moyens, les deux à la fois ?
– Robert Louis-Dreyfus a recommandé de faire avec les moyens du bord. Nous avons donc essayé d’être imaginatifs, d’user du système D, d’être intelligents. Si l’on fait l’inventaire de notre recrutement, nous avons tout lieu d’être satisfaits par rapport à des concurrents qui avaient plus de moyens.
– Ce n’est pas non plus un recrutement flamboyant pour un club comme Marseille…
– D’un club comme l’OM, on peut attendre quelque chose plus en cinémascope et en couleurs. Maintenant, nous avions fait ce type de recrutement pas plus tard que la saison dernière, avec les résultats contrastés qu’on connaît. Nous sommes dans une phase de reconstruction.
– Un discours assez peu mobilisateur pour les supporters…
– Leur réaction est légitime. Marseille a une double vocation. Celle, par tradition, d’animer le marché des transferts et l’autre, qui est de jouer les premiers rôles. Cette année, dans l’animation du marché des transferts, nous n’avons pas été très présents, c’est vrai. Et nous n’avons pas la prétention de dire que nous serons en Ligue des champions. Cela peut, c’est vrai, contrarier nos supporters. Mais il faut être réalistes et regarder les choses en face.
– Depuis la saison 1998-1999 et la deuxième place en L 1, Marseille va donc connaître sa septième saison de transition d’affilée…
– À partir du moment où nous ne disposons pas des moyens d’une autre politique, nous faisons avec ce que nous avons. Je parlerais plutôt de reconstruction avec deux objectifs. Présenter au Vélodrome une équipe à l’image de ce qu’en attendent les supporters, plaisante, conquérante et nous projeter le plus haut possible au classement.
– Vous savez bien que la question reste posée : un an après son départ, où est passé l’argent du transfert de Drogba ?
– Il y a un an, nous avons opéré un recrutement onéreux avec Pedretti, Eduardo Costa, Luyindula. En fait, on a un peu plus vendu que ce que nous avons acheté. Mais il faut aussi savoir que la vente de Didier Drogba a permis au club de se remettre à jour sur le plan financier, n’oublions pas que les comptes n’étaient pas à zéro.
– Donc la vente de Drogba a bien servi à remettre les compteurs à zéro…
– Cela n’a pas servi qu’à cela. Mais je constate aussi que cette vente a créé une onde de choc de nature à rendre les gens suspicieux. J’estime que ç’aurait été une faute professionnelle de ne pas répondre à l’offre de Chelsea pour Drogba.
– Mais un an plus tard, le président de l’OM n’a pas d’argent pour recruter …
– Je n’ai pas la chance d’avoir l’enveloppe dont tout président peut rêver. Mais il faut se souvenir que ces dernières années, des erreurs ont été commises dans le recrutement et nous en sommes à les corriger. Pas dans le recrutement lui-même, mais dans des pratiques qui ont conduit le club à connaître des instructions judiciaires. Et quand je suis arrivé, je ne pouvais pas dire : je suis Tarzan, je sais ce qu’il faut faire.
– La qualification en "demi-finale" de l’Intertoto lance-t-elle bien la saison marseillaise ?
– C’est une qualification contre une bonne équipe des Young Boys. L’équipe connaît un crescendo sur le plan physique et, samedi soir, le comportement d’individualités comme Oruma a montré la justesse de nos choix. Il y a des choses à améliorer, mais il y a place pour l’espoir. »
DOMINIQUE ROUSSEAU