Bien sûr la controverse est vieille comme le travelling de Kapo, et, puisque la question est à la mode, on pourra me trouver très hypocrite : ça ne m'a pas gêné quand je regardais Black Hawk Down (bon, un peu quand même

Et puisqu'il faut le juger comme n'importe quel film : bof. Que ce soit en tant que gros morceau de tension ou en tant que film d'enquête qui piétine, on a vu bien mieux. En revanche, je ne suis pas sûr qu'on ait déjà vu bien mieux qu'Anaïs Demoustier cheveux courts et pantalon en cuir.
J'ai aussi vu La Vie Scolaire (Grand Corps Malade, Mehdi Idir) : qui n'est pas sorti en 2019 après Jésus-Christ, mais en 1 avant Samuel Paty. On perçoit - et on saluera si on le souhaite - la volonté de montrer la Seine Saint-Denis sous un jour moins sordide que dans les JTs, et j'ai été agréablement surpris de rire volontiers à plusieurs reprises, mais il y a un noeud de l'intrigue déjà problématique à l'époque et impossible à accepter désormais : un conflit larvé entre un élève et un de ses professeurs, qui finira par exploser en une agression verbale.
Le hic, c'est que jusqu'à cette explosion, l'élève n'aura été montré que sous un jour sympathique, une personnalité solaire malgré ses problèmes personnels (un père en prison, un pote se tue à moto), le verbe haut, et une relation privilégiée avec la CPE (débat parallèle : Zita Hanrot = Zita Hanrhot). A l'inverse, le professeur n'a que des défauts : il est sévère, son enseignement austère, suspicieux par principe d'élèves qu'il ne connait pas encore, même ses collègues ne le respectent pas, on le montre volontiers comme ne faisant pas partie de la bande. Se produit ce qu'il doit se produire : au moment de son agression, le film semble nous dire qu'il l'a bien cherché. On devine que les auteurs ont projeté dans ce personnage toutes les généralisations médiocres qu'on fait tous à un moment, et dont on est tous censé se défaire à un moment : il est ce prof "qui n'arrive pas à nous intéresser à sa matière", ce prof "qui manque de psychologie", ce prof "qui se fout de ses élèves", bref ce prof coupable de n'être qu'un prof au lieu d'embrasser sa triple mission d'enseignant/éducateur de MJC/maman de substitution. Ce manque de recul, symptomatique je crois, quand quasiment tous mes potes ont cristallisé des griefs particuliers envers deux ou trois profs en une critique globale de l'Education nationale, était maladroit en 2019. Il est difficilement tolérable en 2022, quand on "victim-blame" des gens qui se font décapiter ou poignarder dans la vraie vie scolaire.
(Ah, et la sanction de l'élève, c'est ... d'aller en SEGPA

Enfin, j'ai revu Taxi (Gérard Pirès) : film que j'estime (spoiler alert : estimais) plutôt, et je n'étais pas le seul car j'ai souvenir qu'il avait eu droit à l'époque à une critique bienveillante jusque dans Télérama (le petit sourire gêné qui semble vouloir dire "plaisir coupable"). Le film a en partie bien vieilli car il est devenu mou, dans le bon sens du terme. C'est à dire mou comme un Bébel random devient mou, une molesse qui rend le film patrimonial, ringard, et finalement franchouillard (tous ces inserts de carambolages craignos là). Mais passé la nostalgie et quelques scènes de comédie qui fonctionnent encore à peu près, c'est festival.
Festival de racisme d'abord : "Le coup des coréens", bien sûr, qui fait chercher le nom de Thierry Roland parmi les scénaristes, mais aussi le personnage de Samy Nacéri, qui s'appelle Daniel et qui rêve de sandwiches au jambon. J'ai sûrement trop écouté La Rumeur pour y voir autre chose qu'un fantasme d'assimilation, mais en 2022 c'est plus un personnage, c'est un tract pour Zemmour. Festival de misogynie surtout : outre le fait qu'une agression sexuelle soit vecteur de comédie (obligation contractuelle pour qui voudrait avoir sa carte "comédie française"), outre que le fait qu'on voit moins le visage de Pétra que sa poitrine, le personnage de Marion Cotillard n'est caractérisé que par son envie de baiser (en passant : je ne vais pas me faire passer pour un allié : pendant les 86 minutes que dure le film, je n'étais caractérisé que par mon envie de baiser Marion Cotillard).
Le film se découvre aussi un nouveau défaut : en 1997, le bad guy était un allemand. En 2022, c'est Emmanuel Macron. On a d'autant plus de mal à l'imaginer braquant une banque.
