G.bédécarrax a écrit :Sleeping Dogs (PC/PS4/XOne/PS3/X360)
Les
open-worlds se suivent et se ressemblent, et à l'exception des Assassin's Creed (qui en conservent pourtant certaines limites) ils s'évaluent encore souvent à l'aune de GTA, qu'il s'agisse de le parodier (Saints Row), de le moderniser (Watch Dogs) ou d'en faire varier le lieu et/ou l'époque (Red Dead Redemption). Sleeping Dogs ne s'affranchit pas
du tout de la règle, et son décor hongkongais lui donne des allures de contrefaçon vendue en loucedé à côté des dernières baskets
Mike et du nouvel écran plat par
Suny. Le jeu est sans véritable fausse note, propose quelques bonnes idées (des combats à main nues sympas, la possibilité de sauter d'une voiture à l'autre) et réveillera bien entendu vos envies de marathon "Le syndicat du crime", d'autant que la narration est bien moins polyphonique que dans un GTA, et ne s'éloigne que rarement de sa trame principale (qui est quelconque).
Puisqu'il est sans audace, il prolonge les (mauvaises) habitudes qu'a pris le genre avec les gains de performance que permet la génération PS360, à savoir de proposer des terrains de jeu qui sont de véritables miniaturisations de leur modèle là où les GTA PS2 jouaient la carte de la ré-interprétation. Le Hong-Kong de Sleeping Dogs est aussi ennuyeux que le New-York de GTA IV, aussi ennuyeux qu'une vraie ville en fait, car l'exercice de réplication est en fait
trop réussi : l'aire de jeu n'est plus un terrain de jeu, plutôt un vaste réseau de rues anonymes qui feignent d'être habitées. Loin du Miami cartoon de Vice City ou de l'anthologie mafieuse qu'était Liberty City version GTA 3, comme si grâce aux moyens techniques qui permettent de reproduire une ville, il n'était plus nécessaire de la regarder. Les dimensions n'aident pas, Hong-Kong est trop grande pour être habitée, trop petite pour qu'on s'y oublie, mais ces défauts là sont ceux du genre tout entier : chaque ville n'est qu'un
reskin d'une autre, censée impressionner par ses métriques (terrain de jeu de plus en plus vaste, PNJ de plus en plus nombreux, distance d'affichage de plus en plus élevée, ...) mais dont l'âme est bien moins élastique.
Et au fond, les missions souffrent du même problème, trop dirigistes dans leur déroulement, trop fonctionnelles dans leur level design, elles ne sont que les déclinaisons d'un unique modèle (d'un point A vers un point B, où je fusillerai de plus en plus de malfrats, à chaque fois dissimulé derrière les mêmes caisses) et n'autorisent plus aucune variété d'approche, loin d'un San Andreas où on pouvait surgir au beau milieu d'un deal en jetpack. Dans la foulée des frères Houser qui veulent faire des GTA une grande tribune sur l'Amérique, l'open world est devenu un genre sur-écrit, qui préfère les enjeux scénaristiques aux enjeux ludiques, et croit qu'ils viendront au secours d'un gameplay superficiel, secondés par des éléments de RPG qui chiffrent la progression du joueur et créent l'illusion d'une difficulté croissante (alors qu'on ne devient jamais vraiment meilleur, juste plus résistant).
Le paradoxe est cocasse pour un genre qui se prétend ouvert, et qui alors qu'il implémente de mieux en mieux les gameplays qu'il synthétise (la conduite est OK, le tir à couvert en progrès) choisit de les circonscrire dans des missions mollement orchestrées qui ne récompensent que la docilité du joueur, et qui singe si bien le réel qu'il n'envisage la liberté que dans le loisir, une myriade d'activités annexes ennuyeuses qui ne sont jamais que d'autres ordres à suivre.
P.S : ce n'est que le message d'un mec qui en a un peu marre des GTA-like - et qui a très très peur pour son Metal Gear Solid d'amour - si vous aimez le genre et que vous êtes un peu en manque, il fait très largement le taff, d'autant qu'il a le bon goût d'être plutôt court (une quinzaine d'heures pour la trame principale).