Je prévoyais d'en faire un papier pour OMFCulture, mais après l'avoir recommencé X fois, j'ai abandonné
C'est que je trouve que "Un Flic à la Maternelle" est un objet curieux, qui vient consacrer une tendance que je crois amorcée par "l'ère du blockbuster", que l'on situe grosso modo fin 70s-début 80. Soit un recours de plus en plus systématique, et de moins en moins responsable, à la violence et plus particulièrement aux armes à feu, dans des films grand public, puis tous publics.
Après le sujet est trop vaste pour ma maigre connaissance du sujet, mais il me semble que dans l'histoire du cinéma américain, la violence est d'abord contenue dans des genres précis (polars, films noirs puis d'horreur notamment), pour un public consentant.
Avec une exception notable, le western (hors spaghetti) qui est encore un genre populaire, s'adressant à tous, mais où la violence :
1) trouve une justification historique.
2) est rarement graphique : la mort y est le plus souvent un simple bond vers l’arrière et le hors champ.
Il y a malgré tout une charge idéologique, qui légitime la violence comme instrument de justice (c'est OK pour un gentil de tirer sur un méchant, puisque le méchant est méchant) mais il me semble qu'un môme des 50s, devant un western de l'époque, comprend les raisons de la violence à l'écran.
Et je pense qu'avec la consécration du film d'action comme forme majeure du blockbuster, les producteurs et les créatifs ont fini par ne plus se poser la question suivante : "est-ce que la présence d'armes à feu et de scènes violentes dans mon film se justifie ?". Die Hard s'en tire car c'est un film pour adultes. Indiana Jones et les James Bond s'en tirent parce qu'ils sont ouvertement pulp et légers.
Même Terminator s'en tire, malgré tous les paradoxes qu'il charrie : je crois que le film est
Rated R aux Etats-Unis, et interdit aux moins de 12 ans en France. Malgré tout c'est un film dont on parle au JT, c'est un film
qui a sa gamme de jouets. Je pense aussi que c'est un budget qui ne pouvait être rentable sans l'argent des
kids, mais c'est à vérifier.
Mais il s'en tire, précisément parce que c'est le sujet du film. Les films de Stallone, de Schwarzy, de Bruce Willis, ont beau ne pas leur être destinés, les mômes de l'époque les connaissent, certains les ont vus, les racontent dans les cours de récré. Terminator 2 est exactement ce spectacle-là, l'histoire d'un pré-ado qui voit des choses qu'il ne devrait pas voir. C'est une compilation des fantasmes de la pop-culture de l'époque, il vient officialiser ce qu'est le cinéma pour ados, et révèle un secret de polichinelle, comme le monde attend le
coming-out de Hugh Jackman.
Mais au milieu de tout ça, "Un Flic à la Maternelle" est un projet nettement plus pervers. On pourrait trop vite l'inclure dans la trilogie Ivan Reitman, la tentative de Schwarzy de s'imposer comme un acteur de comédie et de diversifier ses assets, mais au contraire de "Junior" et de "Jumeaux", "Un Flic à la Maternelle" n'est pas "Schwarzy dans un film pour enfants", c'est même tout l'inverse : c'est un film d'action pour enfants. Je sais pas si tu te rends compte de l'absurdité du truc ? Un film d'action. pour. enfants ?
A savoir que dans un film où la majorité des blagues reposent sur l'emploi des mots "pénis", "vagin" et "banane pourrie", un film au générique pastel, un film où la proviseure est une naine, un film où le meilleur ami de quelqu'un est un furet, on peut aussi voir :
- Des coups de feu, et Schwarzy agonisant, baignant dans son propre sang.
- Un kidnapping, une femme et un enfant battu.
- Un Schwarzy fringué comme Terminator démanteler un repère de junkies, armé de ses punchlines et de son fusil à pompe.
- une pute faire une overdose.
J'ai d'ailleurs une pensée pour toutes les mamans qui ont dû expliquer à leurs enfants dans la même journée ce qu'était une pute, et une overdose.
(Un autre truc, tiens : c'est aussi un film où un des méchants est une maman).
Ca me semble être un niveau d'irresponsabilité inouï, et pas forcément démenti depuis. Il y a un tas de choses qui paraissent "normales", vis-à-vis de la violence dans le cinéma grand public aujourd'hui, et qui ne l'étaient pas auparavant. La simple existence d'un film comme "Un Flic à la Maternelle", malgré l'absurdité de son point de départ, en atteste. Et symbolise un cinéma américain qui a cessé de questionner son rapport à la violence, qui est presque devenu un invariable.
Last Action Hero était un avertissement, puisque derrière le lol tout l'intérêt du film est le parallèle qu'il trace entre la violence de fiction du "film dans le film", et la violence réelle de sa dernière partie. En opposant l'un et l'autre, il vient surligner tout ce qu'un film d'action charrie comme hypothèses de départ, qui l'éloignent de la vraie vie.
Après je ne veux pas donner l'air d'être un vieux con puritain, et j'ignore bien si ça a contribué à banaliser ou déréaliser la violence à l'échelle d'une société, je dis juste que c'est un sujet qu'on ne considère même plus, et que mine de rien ça n'est pas idéologiquement neutre.
(La situation est bien pire dans le jeu vidéo, qui sous prétexte de "c'est pas la vraie vie lol" s'autorise à proposer des scènes de guerre de plus en plus réalistes, sans questionner ce que ça implique. Il y a bien quelques jeux qui prennent le sujet en considération, comme "Spec Ops The Line" ou la série des Metal Gear Solid, mais globalement osef).