Non seulement je ne partage pas du tout cet avis, mais pire, je le trouve extrêmement naïf

.
Puisque le mot "Art" a droit à sa majuscule, je conclus qu'on parle de l'art en opposition à la
tekhne pure et dure (c'est à dire, par exemple, le genre d'art de "le médecin exerce son art" ie : savoir-faire). Et on se demande alors en quoi, pourquoi, une série peut être "jugée" a fortiori comme oeuvre "d'Art". Les séries n'en sont pas. Quand elles sont présentées comme telles c'est soit un argument commercial, soit au premier sens du mot art, plus précisément c'est parce qu'elles sont considérées comme extrêmement bien exécutées, en termes de forme/narration/jeu/etc. Au sens de tekhne, quoi. Certainement pas comme de l'Art majusculé ('tain, j'ai failli même Kagansker et appeler Hegel à notre rescousse sur ce point :-| , puisque c'est lui qui a le mieux expliqué l'évolution du concept en le replaçant dans l'histoire -ce qu'il a fait avec tout, puisque c'était son obsession).
On parle d'un objet commercial, un objet passe-temps, de loisir, éventuellement brillamment construit, mais rien d'autre. Il n'existe pas de série télé (ni d'émission télé, du moins depuis au moins une trentaine d'années et sur des chaînes commerciales -JC Averty en 2013 c'est pas possible sauf sur une chaîne locale) qui dépasse ce stade, de série qui transcende. Pas d'objet là au monde qui soit juste une proposition d'un sujet aux autres sujets. Toutes les séries ont des pilotes approuvés par les networks, toutes fonctionnent sur des formats précis (42mn, 22mn, Procedural, sitcom, etc.), pour des raisons précises.
Et les seules séries que tu considères comme "Art" majusculé a posteriori ne le sont que parce qu'elles ont innové, qu'elles ont chamboulé des codes formels ie
en termes d'exécution, il ne s'agit toujours pas d'Art. Twin Peaks constitue la première pierre au pont entre le cinéma et la télé, le début des showrunners talentueux, le début de l'adoubement du media par la noblesse du septième art. La deuxième saison est à chier, mais c'est l'innovation qui lui vaut une place au panthéon. En ce qui concerne les sopranos ou 6 feet under même chose : c'est l'innovation narrative made in HBO fin années 90 qui est célébrée ici, et certainement pas l'avènement d'oeuvres "d'Art" majeures, sauf encore une fois dans le premier sens du terme.
L'autre souci dans cet avis, c'est ce qui est dit sur Lost (et pourrait être dit sur 24, Prison Break, et plein d'autres séries), sur le soufflet qui retombe : ces séries ont des saisons. Comme on dit en foot quand on est con "la vérité du jour n'est pas celle du lendemain", et si la saison 3 de Lost est excellente, la saison 6 est pourrie, il est logique qu'elle suscite l'engouement à un moment et la déception à un autre. On verra si ses innovations narratives (flashbacks puis flashforwards puis flashsideways, pour citer Lindelof) lui vaudront la postérité ou pas, pour l'instant on restera avec quelques épisodes à étudier pour tous les apprentis showrunners tant pour savoir ce qu'il faut faire comme le monumental pilote, exemple parfait de "In Media Res" encore plus réussi dans le genre que les débuts finalement très formulaïques de tous les Lucas-Spielberg de l'époque, ou bien la narration inventive de "Flashes before your eyes", que pour savoir ce qu'il ne faut pas faire, c'est à dire globalement prendre les gens pour des cons en prétendant avoir un plan, et chier allègrement dans la bouche du public en torchant une fin à la va-vite.
On pourrait aussi affirmer qu'alors les séries qui restent (à défaut de dire que celles-là sont "de l'art" parce qu'elles survivent au passage du temps) sont exactement celles dont la qualité reste homogène tout au long des saisons, mais c'est faux, cf le contre-exemple Twin Peaks plus haut. De toute façon, dans ce cas-là, on parlerait de série ayant su conserver sa qualité en termes d'exécution.
(c'est marrant ce débat d'ailleurs, ça a été un des sujets de l'épreuve du triptyque de HEC, "les séries sont-elles le nouveau cinéma ?")
(ouais, je le sais parce que je donne des cours de culture générale/philo à des prépas HEC en ce moment

)
Evidemment, une grande partie du raisonnement s'applique aussi au cinéma, en fait ça s'applique à toutes les formes "d'art" nécessitant un financement, si on exclut de très rares cas de mécénat, on parle presque toujours d'oeuvres/produits qui ne sont pas indépendants, ça nous envoie tout droit dans le mur de la question de l'art désintéressé

(ça n'est même pas qu'une question d'argent d'ailleurs, parce que même des films immenses à la "Alexandre Nevsky" se retrouvent à l'opposé du "désintéressé"

)
Ah, en ce qui concerne Breaking Bad : c'est très bien joué, très bien écrit, très bien réalisé (et très bien monté, TWSS).