Un jour, Fabrice Fiorèse sera peut-être plus célèbre pour ses glaces, domaine dans lequel il vient de se reconvertir du côté d’Annecy, que pour la haine qu’il a suscitée lors son transfert du PSG à l’OM à l’été 2004. Impossible de ne pas se souvenir des «Fiorèse, Fiorèse, on t’enc…» (entre autres amabilités) des supporters parisiens ou encore du cordon de CRS qui le protégeait à chacun de ses corners lors de son retour au Parc lors de la 13e journée de la saison 2004-2005 de Ligue 1. «Le calvaire de Fiorèse», avait d’ailleurs titré L’Equipe le lendemain. Ironie du sort : après deux saisons et demie passées dans la capitale, l’ancien milieu de terrain n’a pas seulement été pris en grippe par les supporters du PSG, mais aussi par ceux de l’OM, qui ne l’ont jamais adopté. Fiorèse a donc réussi l‘exploit de se faire détester par les deux camps. Retour avec lui sur cette période très «loose».
«Fabrice Fiorèse, les premières images qui me reviennent quand je pense à toi, c’est ton retour au Parc des Princes et la haine des supporters à ton égard. Toi, quel(s) souvenir(s) en gardes-tu ?
Psychologiquement, j’étais prêt à voir des choses invraisemblables, inimaginables. Mais à la base, ça me faisait plutôt rire, parce que je suis un peu provocateur. Une heure trente avant le match, le staff de l’OM m’avait dit de ne pas aller sur le terrain, mais je leur avais répondu : «Vous m’avez fait venir au club, je vais aller sur le terrain et faire comme d’habitude». Là, j’ai vite pris la température, mais je n’ai pas eu peur. Tu sais que tu es moins en danger sur le terrain qu’en dehors. Après, ce qui m’a étonné, c’est qu’un fameux latéral gauche qui est encore au PSG m’a mis un attentat devant la tribune présidentielle. Il a failli me péter la cheville alors qu’il n’avait rien à avoir dans ces histoires. Vraiment un petit con. Quand je vois que huit ans après, vu ce qu’il a apporté à ce club, il est toujours là, je me dis qu’il a vraiment dû… Pour certains, on devrait faire un test de QI. Il n’y a pas que les pieds qui comptent.
Avec le recul, que t’inspirent les réactions que ton départ a suscitées ?
Je me suis toujours dit : c’est hallucinant, c’est démesuré. Je suis toujours parti du principe que ce n’était que du sport… Avant le joueur qui tape dans un ballon, il y a l’humain aussi. Qu’il y ait une rivalité entre les deux clubs, je le comprends, mais que ça devienne à ce point de la haine….
En quittant le PSG pour l’OM dans les dernières heures du mercato alors que tu étais considéré comme le chouchou du Parc, tu n’avais pas imaginé que ça allait être très mal perçu ?
Le problème, c’est qu’on a fait croire que c’était prémédité, alors que pas du tout. Dans l’intérêt du club, il valait mieux dire que Fiorèse partait comme un voleur. Vahid (Halilhodzic) a très bien joué le coup. On venait de prendre un point en trois matches. Ça l’a bien arrangé pendant 15 jours que les médias me tombent dessus.
Si ce n’était pas prémédité, qu’est-ce qui t’a poussé à faire ce choix ?
Une semaine avant la fin du mercato, on s’est pris le bec. Comme les résultats n’étaient pas terribles, ça commençait à crier dans les chaumières (sic). Le club avait fait venir Rothen et Yepes, qui n’étaient que l’ombre d’eux-mêmes. Vahid ne les avait pas mis dans les meilleures conditions, or, au PSG, il faut être bon tout de suite. En tant que vice-capitaine, je suis allé lui parler pour lui dire de donner plus de lest, d’aider les nouveaux, mais il a pensé que je venais revendiquer des choses dans mon intérêt… Il s’est senti trahi, il est devenu parano, il a tout mélangé…
A l’époque, Frédéric Dehu, avec qui tu t’entendais très bien, s’était déjà engagé avec l’OM depuis quelques semaines. Tu peux comprendre que les gens y aient vu une coïncidence «un peu trop grosse» ?
Mais à trois jours de la fin du mercato, je n’avais qu’un club sur moi : Sochaux. Guy Lacombe avait su que j’étais en froid avec Vahid, et il m’avait proposé de venir. José (Anigo), je ne l’ai eu que 48 heures avant la fin du mercato. Ils venaient d’en prendre trois à Metz. Ils jouaient en 3-5-2 et Lizarazu militait pour qu’ils jouent en 4-4-2. Ils avaient quelqu’un pour jouer à gauche, mais personne à droite…
Et Frédéric Déhu ? Quel rôle a-t-il joué dans ta venue ?
C’était un concours de circonstances. Fred, le pauvre, venait de perdre son papa. Je le considérais comme un grand frère, alors quand il est allé à l’enterrement de son papa, une semaine avant la fin du mercato, je lui ai dit de passer deux jours à la maison plutôt que d’aller à l’hôtel. Du coup, il a vécu en direct le clash avec Vahid. Et quand il est retourné à la Commanderie, c’est là qu’il a parlé de ma situation.
A l’arrivée, tu débarques à Marseille. Et là, rien ne se passe comme tu veux…
Déjà, j’ai eu un handicap monstrueux, c’est que les supporters marseillais pensaient que j’étais parisien d’origine. L’autre handicap que j’ai eu, c’est que quelques mois avant, j’avais marqué à la dernière minute (1-0), un soir où sincèrement, on aurait dû en prendre 5. Ça avait été une joie extrême et j’avais fait un poing rageur. Vahid a joué avec ça. Dans ces déclarations, il l’a joué fine : comment peut-il aller dans un club alors qu’il a fait un bras d’honneur aux supporters marseillais quelques mois avant ? Et puis, j’ai pris plus de deux mois pour marquer un but, j’avais pris le numéro 11 de Drogba… Tout ça a fait que c’était invivable. Quand 60 000 personnes te sifflent dès que tu touches la balle alors que tu es censé être dans ton jardin, c’est impossible d’être performant. Le pire, c’est que ça a rejailli sur mes équipiers. Eux aussi, du coup, prenaient la bronca le temps que je leur redonne le ballon. Ça a mis toute l’équipe en difficulté. J’étais devenu un pestiféré.
Au quotidien, comment l’as-tu vécu ?
J’étais convaincu que je pouvais faire quelque chose, mais quand tu ne te sens pas bien, pas épaulé, tu es un peu comme un lion en cage. C’est : «Démerde toi ou crève». Au départ, je pensais que ça allait s’arranger, mais au bout de trois mois, j’ai compris. A la sortie de la Commanderie, j’allais pour signer des autographes et là, le petit groupe de supporters partait en me disant : «Va te faire enc… Tu crois qu’on en veux de ta signature ?» J’ai surtout essayé de protéger ma famille. Mon quotidien se résumait à : maison-Commanderie ; Commanderie-maison. L’OM a flingué ma carrière, mais je suis aussi responsable de mon choix. Je n’avais pas mesuré l’ampleur du truc.»