A la demande générale de Bédécarrax
Rocky Balboa, dernier opus éponyme. Tout est fait pour nous servir
ad nauseam les vignettes du boxeur de Philadelphie en abusant des clichés propres à sa légende. On sert les mêmes ingrédients en saupoudrant d’une épaisse couche de nostalgie. Ce qui en fait un
film typiquement formaté en fonction des attentes du public.
MEGA SPOIL ROCKY BALBOA
Rocky vit seul depuis la mort de sa femme, il passe ses journées à parler à une pierre tombale. La sénilité le guette. Son endive de fils évite à raison son lourdaud de paternel. Et Paulie n’a plus rien de la truculence qui assurait son charme. Ces deux là n’ont pas vieilli, ils se sont fanés. Deux tortues dans un aquarium nous révèlent les intentions de Sly. Et si vous êtes aveugle, le thème envahissant de Conti ne laisse planer aucun doute sur le fait que le film ne prendra aucun risque dans le fond comme dans la forme. Ou comment inventer le remake fallacieux.
Une réal mollassonne, des dialogues affligeants et une langueur qui se traine tout le film comme le morne ennui d’un dimanche après-midi. On assiste aux divagations d’un Rocky pathétique qui se complait dans la contemplation de son malheur. C'est ici que j'ai rencontré Adrien, c’est ici qu’on a fait du patin à glace et c’est là qu’elle m’a suc.. euh, enfin bref. J'espérais de la pudeur et de la subtilité dans le traitement de sa douleur. On peut dire que c'est littéralement l'opposé qui nous est servi à la louche.
Un bon tiers du film s’écoule ainsi avant que le spectateur consterné daigne entrouvrir une paupière alourdie par l’indigestion de misérabilisme. Enfin un combat se profile. Et on comprend que tout ce qui précédait n’était voué qu'à servir de mobile pour son accomplissement. Comprenez bien que Rocky n’a pas d’autres raisons de vivre, il tient un boui-boui miteux où on le prie de ressasser à la lie des anecdotes sans saveur. Un déclin proche de LaMotta, la bedaine en moins. Un semblant de dignité en plus.
Mais la nostalgie est omniprésente. Dans sa façon de capturer les rues où le temps semble s’être figé (immeubles vétustes, lampadaires falots, trottoirs rutilants et façade décrépites) Stallone renoue avec les spectres d'une époque où le ciné était moins tape à l’œil, pour ne pas dire moins putassier. Un bon point. Sans doute le seul. Dommage que ses intentions louables soient desservies par une mise en scène plan-plan.
Les problèmes de Rocky Balboa demeurent ces interminables scènes de meublage totalement dépourvues d’intérêt. L’amourette platonique avec Marie dont on se fout éperdument, la séquence du chenil où Rocky va chercher un chien avec le grand dadais de cette dernière. Il aurait pu tout aussi bien acheter une perceuse à castorama, que c'eut été aussi désolant. Et toujours Rocky de nous infliger cette philosophie ringarde et cet humour lourdingue qui inspirent un vague sentiment de pitié mêlé à de la gêne.
Rocky embarasse alors qu'il nous touchait dans le premier épisode. Dans le 1, c'était marrant de le voir porter des lunettes de grand-mère parce que ça faisait le mec qui essaie de se donner un look intello pour masquer son analphabétisme. Là, de le revoir chausser les mêmes lunettes, c'est juste un clin d'oeil crapuleux. C'est même plus un remake, c'est une parodie. On peut également se demander comment Rocky a pu ne pas évoluer alors qu'il a tutoyé les étoiles, gagné en assurance et révélé une réelle prestance dans l'épisode 3 et 4.
Donc.
A la suite d’une simulation vidéo qui émoustille les médias à défaut de nous intriguer, un promoteur sans vergogne se présente pour proposer un combat contre le champion en titre. Dixon, un mec oubliable dont la totale absence de charisme tranche avec ses glorieux prédécesseurs. Bien sûr, la presse ricane de revoir un sexagénaire remonter sur le ring. Rocky se pose en martyre au grand coeur qui encaisse au bien dans la vie que sur le ring. Sly a la clairvoyance de devancer les préjugés. Une façon de défier les journalistes réels de prendre part à la curée des journalistes fictifs. Pas bête le Sly.
Après tout va très vite. Tout va trop vite. Tout juste a-t-on droit à un énième laïus de Rocky pour son fiston, asséné avec un moralisme douteux qui flaire bon la naphtaline. La vie fait pas de cadeau, si tu sais ce que tu vaux alors bla bla bla. Ouais ok, on lui dira. Faudra que je revoie en vo la scène qui est plombée en vf par la voix de golmon de Alain Dorval.
Sly ne prend pas la peine d’introduire le coach Duke qui apparait comme s’il avait patiemment attendu son tour de parler. Il effectue un rapide check up des lacunes du champion et détermine le profil de l’entraînement dont on ne verra qu’un modique échantillon. C'était bien la peine de nous faire saliver. Il aura fallu que Gonna fly know retentisse pour que notre petit cœur frémisse de joie. Sly passe à côté de l’essentiel.
Arrive le combat. Dernier pied de nez, Rocky ne fait pas son entrée sur une zik belliqueuse comme son opposant (mouarf). Au bord du ring, Mike Tyson assure une cameo merdique dont on se serait bien passé tant elle contrarie l’esprit que le film s'attache à transcrire. Revoir Clubber Lang aurait été autrement plus sympa.
Rien d’innovant pour ce qui est du combat. Sauf que les coups sont portés, les poings ne passent plus à 50 cm des visages comme dans les précédents opus. Niveau mise en scène, pas de révolution, pas d’idées nouvelles, encore une fois aucune prise de risque sinon l’utilisation de ces filtres moches qui assurent un effet de mauvais goût (image n/b et sang écarlate, genre on l'a jamais vu ailleurs.) Quel dommage que Sly ait pas conservé ce plan fixe sur ses yeux tuméfiés, ce regard hagard qu'on voit dans le teaser.
Du coup, pas d’intensité, pas de suspense, pas d'émotion. On est à des années lumières des confrontations épiques avec Creed.
(Niveau mise en scène, je recommande Cinderella man, mauvais film certes mais qui propose des combats à mille lieues de ce dernier Rocky, je referme la parenthèse.)
Dernier round, Rocky s’effondre mais pas complètement. Lui revient l’écho de son propre sermon à l’instar du petit scarabée qui se souvient de l’enseignement de son maitre au moment fatidique. Et voilà qu’il se relève pour perdre debout et sortir sous les applaudissements d’une foule déjà acquise à son blase. Un honneur retrouvé face à un adversaire à la main brisée. Super, ça lui fera de nouvelles histoires à raconter dans son resto de seconde zone.
Conclusion : à trop tirer sur la corde sensible, elle te pète entre les doigts. Tuer Adrien était une mauvaise idée, une solution de facilité à peine digne d'une soap opéra. Présenter un Rocky à l’humilité rampante qui semble ne pas avoir évolué depuis sa jeunesse analphabète était une aberration. Au final, cet épisode ne conclue pas la saga, il la trahit, la plombe et la tire vers le bas.