Henry l'intouchable ?
07/12/2006 - 16:43
Par FABRICE VOISIN
De Sports.fr
C'est peu de dire que les déclarations de certains joueurs de l'équipe de France parues dimanche dernier dans le Journal du Dimanche, critiquant, sous couvert d'anonymat, l'attitude de Thierry Henry, ont déclenché un petit séisme dans le Landerneau du football français. Et s'il a dans un premier temps feint de prendre ces attaques inédites avec indifférence et mépris, l'attaquant d'Arsenal a en réalité fait jouer ses réseaux à plein pour orchestrer une véritable contre-attaque médiatique pour les discréditer...
Henry détendu mardi lors de l'ouverture d'un magasin de mode à Londres.La presse sportive française va-t-elle devoir apprendre à s'autocensurer? La question se pose cette semaine au lendemain d'un article qui a fait grand bruit dans le petit monde du football hexagonal. Paru dans le Journal du Dimanche daté du 3 décembre, il donnait la parole à certains joueurs de l'équipe de France qui, sous couvert d'anonymat, se permettaient de critiquer l'attitude de Thierry Henry au sein du groupe France. "Il a un melon énorme, on ne peut rien lui dire car il ne supporte pas la critique", entendait-on de la bouche d'un international qui ajoutait: "Après le premier départ de Zidane, il a voulu prendre le pouvoir et a été maladroit". Plus loin, on apprenait que le meilleur buteur en activité des Bleus (39 buts) avait intrigué pour éclipser, avec succès, David Trezeguet, tandis qu'un membre du staff mettait la couche finale: "Il est intelligent et brillant mais peut se montrer irascible et méprisant. Quand on le lui fait remarquer, il prétend qu'il a été éduqué comme ça."
Bref, une véritable attaque en règle écornant sérieusement l'image du Thierry Henry ouvert, partageur, tel qu'il se présente souvent dans les médias. Inutile de dire que lorsque ces propos lui ont été rapportés, le sang de l'intéressé n'a fait qu'un tour. Et si dans l'édition de jeudi du Parisien, l'attaquant des Gunners affirme que "l'indifférence est la meilleure réponse" à cet article qu'il qualifiait lundi dans L'Equipe de "coup monté", force est de constater que c'est une véritable contre-attaque médiatique qu'il a lancée depuis lundi, faisant jouer ses nombreux réseaux pour discréditer ceux qui ont osé s'attaquer à lui.
La page 2 de L'Equipe de lundi intitulée "Les mises au point de Thierry Henry", une interview dans Le Parisien de jeudi, un autre entretien à paraître dans France Football, le joueur n'a pas ménagé sa peine pour répondre point par point à ses pourfendeurs. Cette offensive va se poursuivre dans les jours qui viennent, cette fois-ci sur le petit écran, puisque le journaliste Pierre Ménès, devenu un proche, lui qui a longtemps couvert l'actualité du foot anglais et particulièrement d'Arsenal pour L'Equipe, s'est rendu dans la semaine à Londres pour une grande interview qui sera diffusée samedi dans l'émission 100% Foot sur M6. TF1 a également été sollicité, avec un nouveau sujet sur Thierry Henry dans Télé Foot de dimanche. Bref, le ban et l'arrière-ban de la presse spécialisée a été mobilisé pour permettre à «Titi» de redorer son blason.
Vieira: "Ce n'est pas vrai"
Mais l'attaquant international ne s'est pas contenté de cela puisqu'il a également envoyé au front certains de ses coéquipiers. Dans L'Equipe de jeudi, Patrick Vieira répond ainsi à l'article du JDD en affirmant "qu'il ne correspond pas à la réalité des choses." Et le capitaine de l'équipe de France d'ajouter: "Cette suspicion générale est insupportable parce qu'elle repose sur des propos anonymes, impossibles à prouver (...) Cela ne correspond pas aux moments de vie que l'on a partagés tout au long de notre aventure, ni à notre attitude en Allemagne face aux sollicitations." Le milieu de l'Inter Milan affirme s'être entretenu de tout cela avec son ancien coéquipier sous le maillot d'Arsenal. "Comme lui, j'ai été extrêmement choqué et déçu par ses propos anonymes qui sont, par définition, difficiles à avérer. Je ne m'attendais pas à ça, parce qu'encore une fois, ce n'est pas vrai."
Même son de cloche chez le sélectionneur Raymond Domenech qui, logiquement, défend sa chapelle, critiquant ce "dénigrement" et estimant "scandaleux de laisser entendre qu'il règne au sein du groupe France un esprit de clans et que certains joueurs pourraient être mis à l'écart." Toutes ces critiques anonymes ne seraient-elles finalement qu'un tissu de mensonges de la part de joueurs aigris? Difficile de séparer le bon grain de l'ivraie dans ces propos, surtout en l'absence de leurs auteurs, restés anonymes. Le seront-ils longtemps? Apparemment, certains tentent de dénicher les «gorges profondes» de l'équipe de France. Le fameux membre du staff des Bleus ferait ainsi l'objet d'une intense traque dans les couloirs de la Fédération Française de Football, Patrick Vieira lui-même ne niant pas qu'il aimerait que les masques tombent: "Il y a deux manières de voir les choses, explique-t-il dans L'Equipe. La première, c'est de dire qu'on est au-dessus de tout ça parce que nous, à l'intérieur de l'équipe, savons que la relation entre nous est vraiment bonne. La deuxième consiste à savoir si quelqu'un, malgré tout ce qu'on a vécu ensemble, est réellement irrité par le comportement d'Untel ou Untel. Si c'est le cas, il faudra qu'il se manifeste devant le groupe. Mais je serais surpris et déçu qu'il existe."
Reste que les propos retranscrits dans le Journal du Dimanche n'ont pas été inventés et que les «taupes» existent bel et bien. Et si le procédé n'est guère élégant, il montre bien, et l'ampleur des réactions le prouve davantage, combien il est difficile aujourd'hui de se montrer un tant soit peu critique à l'égard d'un joueur unanimement considéré, et à juste titre, comme l'un des meilleurs attaquants que l'équipe de France ait jamais compté. Faudra-t-il désormais marcher au pas lorsqu'il s'agira de parler de l'équipe de France ?
