L'enquête judiciaire sur les transferts suspects du PSG
LE MONDE | 09.02.05 | 14h17 • MIS A JOUR LE 09.02.05 | 14h42
A 12 h 15 par e-mail, découvrez toute l'actualité économique et financière. Abonnez-vous au Monde.fr
Pierre Lescure devrait être interrogé par les juges Van Ruymbeke et Desset, jeudi 17 février, en qualité de témoin assisté dans l'enquête concernant les commissions versées par le club à l'occasion de l'achat de certains joueurs entre 1998 et 2003, notamment le recrutement du Brésilien Christian.
À défaut de jouer les premiers rôles dans le championnat de France de football, le Paris-Saint-Germain occupe le devant de la scène judiciaire. Le club est au centre de l'instruction ouverte le 3 janvier par le parquet de Paris pour "abus de biens sociaux, complicité et recel". Confiée aux juges Renaud Van Ruymbeke et Françoise Desset, elle vise les transferts de joueurs effectués par le PSG entre 1998 et 2003. Une centaine de transactions et environ 80 agents de joueurs sont visés par l'enquête.
Les deux magistrats, qui multiplient les auditions, viennent de convoquer Pierre Lescure, président de Canal+ entre 1994 et 2002. L'ex-dirigeant de la chaîne cryptée - propriétaire du club -, attendu au pôle financier jeudi 17 février, sera interrogé en qualité de témoin assisté, un statut hybride entre celui de témoin, contre lequel ne pèse aucune charge, et celui de mis en examen, contre qui il existe des indices graves et concordants.
Lundi 7 février, l'ancien président (de décembre 1998 à juin 2003) du PSG, Laurent Perpère, a lui-même été questionné par M. Van Ruymbeke en qualité de témoin assisté.
Le 1er février, c'est le successeur de M. Perpère, Francis Graille, qui avait été entendu par les juges, mais en tant que partie civile. En effet, dès l'ouverture de l'enquête, le groupe Canal+ (filiale de Vivendi Universal) et le club lui-même s'étaient constitués partie civile. Ils ont fourni, courant janvier, de nombreux documents comptables, à la demande du magistrat. "Les transferts concernent bien les gestions précédentes, de Charles Biétry (août à décembre 1998) à Laurent Perpère (décembre 1998 à juin 2003). Cela ne concerne pas la gestion de l'actuel président, Francis Graille", avait indiqué à la mi-janvier le club de la capitale.
Confiée par les magistrats aux policiers de la division nationale des investigations financières (DNIF), les recherches se concentrent sur les importantes commissions perçues par différents intermédiaires à l'occasion des transferts opérés par le club.
La brigade financière, qui a mené les premières investigations l'année dernière dans le cadre d'une enquête préliminaire, soulignait dans un rapport de synthèse de décembre 2004 : "On relève des pertes significatives lors de la revente de certains joueurs, mais aussi des commissions significatives versées à des agents, auxquels s'ajoutent parfois des intermédiaires, dans des paradis fiscaux ou encore à l'étranger dans la majorité des cas."
"Par ailleurs, ajoutaient les policiers, certains joueurs acquis pour des montants importants ont été revendus très rapidement, de quelques mois à une ou deux saisons, à perte, alors que leurs contrats portaient sur quatre à sept saisons." Les enquêteurs citaient à titre d'exemples les transferts de Nicolas Anelka, Stéphane Dalmat, Paulo Cesar ou Kaba Diawara, et pointaient le montage complexe mis au point par Canal+ et le PSG à l'occasion du recrutement, en 2001, du Brésilien Ronaldinho.
Tout récemment, les juges ont été mis sur la piste d'un nouveau transfert suspect. Il s'agit du recrutement, en 1999, du Brésilien Christian. Désireux d'acquérir cet attaquant, le club s'adresse alors à Manuel Barbosa. Cet agent portugais affirme à la direction du PSG être le détenteur des droits économiques de Christian (alors joueur de l'International Porto Alegre). Il chiffre alors le coût du joueur à 8 millions de dollars. Le PSG va verser, sans rechigner... 11,2 millions de dollars à M. Barbosa. Deux virements (2,1 millions et 6 millions) sont effectués le 9 juillet 1999, un troisième de 3 millions le 26 août 1999. Les fonds sont versés sur un compte ouvert à Madère par la société IOA, dont M. Barbosa est l'ayant droit, immatriculée aux îles Vierges britanniques, un paradis fiscal.
C'est alors qu'apparaît un second intermédiaire, espagnol, M. Minguela. Il affirme être le seul agent de Christian, et qu'il faut payer directement Porto Alegre ! De fait, en août 1999, Porto Alegre refuse de libérer son joueur. Pour débloquer la situation, M. Perpère va à Barcelone pour négocier avec M. Minguela, qui lui explique que le PSG doit verser 7 millions de dollars à l'International Porto Alegre. Le PSG s'exécute, en septembre 1999. Au total, Paris a donc versé 17,8 millions de dollars (14 millions d'euros) pour un joueur qui en valait la moitié tout au plus.
Au cours de son audition, M. Perpère a été interrogé sur ce dossier. L'ex-patron du PSG, qui a rappelé que les transferts étaient gérés par le directeur sportif de l'époque, Jean-Luc Lamarche et, surtout, le directeur financier, Alain Frelot, s'est souvenu qu'il avait demandé à M. Barbosa de rembourser les fonds indûment perçus. D'après M. Perpère, l'agent aurait accepté d'en rendre une partie. Encore débiteur de 2 millions de dollars, il aurait proposé au club, en 2002, afin d'éponger sa dette, le joueur portugais Teixeira. M. Barbosa aurait toutefois touché 145 000 euros sur ce transfert.
Devant le juge, M. Perpère a indiqué que Manuel Barbosa lui avait été présenté comme un agent réputé, à l'origine de la venue de "plusieurs des grands joueurs brésiliens qui ont joué au PSG", comme Rai et Valdo. "J'ai demandé son avis à Michel Denisot-président du PSG de 1991 à 1998-, qui m'a dit qu'il avait toujours travaillé avec lui et qu'on pouvait lui faire confiance", a ajouté M. Perpère. Sollicité par Le Monde, M. Barbosa, en déplacement au Brésil, n'a pu être joint.
Gérard Davet et Fabrice Lhomme
Dilemne... rire ou pleurer?