
Avant même la demi-finale retour, vous avez déclaré que cette saison serait de toute façon réussie. Pourquoi ?
Christophe Bouchet : «Elle a viré à <span style='color:red'>très bonne</span> avec cette qualification pour la finale de la coupe d’Europe. Elle peut passer à <span style='color:red'>«excellente» </span>en cas de victoire. Nous n’avons pas eu un calendrier facile, nous n’avons volé aucun adversaire, et nous sommes encore là, en course.
Mais la saison restera aussi excessivement contrastée, compliquée. En championnat, on n’est pas dans les clous…».
Etes-vous agacé par le fait que l’équipe ait lâché prise assez tôt en championnat ?
Ch. B. : «Je ne suis pas de cet avis. On s’apercevra avec le recul que c’était mission impossible. La combinaison des rencontres nationales et internationales a conduit à deux mois «de la mort» pour nous, en novembre et en avril. Rencontrer dans le même mois le Real, Porto, Lyon, PSG et Monaco ce serait dur pour n’importe qui. Le meilleur exemple c’est le match retour contre Paris. Celui-là, en sandwich avec une demi-finale de coupe d’Europe, on peut le jouer dix fois et on le perdra dix fois».
La saison fut aussi marquée par une rupture avec le départ d’Alain Perrin…
Ch. B. : «Le ressort s’était déjà détérioré entre les joueurs et Alain Perrin à Madrid. Des victoires auraient ensuite remis tout le monde sous pression mais à un mois d’août euphorique a succédé un mois de novembre calamiteux, avec une série impressionnante de défaites à domicile».
«Alain Perrin a fait un bon résumé de lui-même. Une bonne idée ne peut être que la sienne. C’est dommage, car il est plein de valeurs. Mais il manque d’un poil de souplesse».
Avez-vous douté jusqu’à Liverpool de la pertinence de remplacer Perrin par Anigo ?
Ch. B. : «Non. La gestion de l’automne a été mauvaise. Les erreurs sont collectives. Avec le recul, on peut tout dire, tout écrire. Il a manqué un peu de tout partout : de chance, de ressort, de confiance. A la trêve, il y avait besoin d’une re-dynamisation. Alain n’a pas souhaité le faire».
Alain Perrin dit autre chose. Il affirme avoir eu le premier l’idée de faire venir José Anigo comme adjoint. Mais qu’il ne voulait pas que de l’extérieur cela donne l’impression de lui être imposé…
Ch. B. : «Par cette déclaration, Alain Perrin a fait un bon résumé de lui-même. Une bonne idée ne peut être que la sienne. C’est dommage, car il est plein de valeurs. Mais il manque d’un poil de souplesse. Si faire venir José était la bonne solution, il fallait l’appliquer, point».
Ce remplacement a brisé le couple Bouchet-Perrin…
Ch. B. : «Les médias façonnent une image, et après ils veulent s’y tenir. Ceci-dit, cette image de couple ne me déplaisait pas. Même si elle était inexacte, je me voyais mal la combattre, d’autant que j’avais de bons rapports avec lui».
En un an, la perception du travail d’Alain Perrin a considérablement changé. Tout cela n’est-il pas excessif ?
Ch. B. : «Alain Perrin a été l’homme <span style='color:red'>adéquat</span> au bon moment. Il a amené un cadre, il a été rassurant. Ce serait un raccourci très injuste que de l’accabler ou de lui faire porter le chapeau de tous les maux du club. Ce serait effectivement un bien mauvais procès».
«La ténacité de Robert Louis-Dreyfus est récompensée aujourd’hui»
Faut-il être Marseillais pour entraîner l’OM ?
Ch. B. : «Il faut s’ajuster à Marseille, c’est certain. Autant, les meilleurs joueurs de l’histoire du club, comme Skoblar ou Drogba, n’étaient pas Marseillais, autant les entraîneurs du cru comme Zatelli, Gili, Courbis ou aujourd’hui Anigo ont eu des résultats. L’exception à la règle, c’est Raymond Goethals, mais c’est un vrai caméléon. Une chose est sûre il y a un feeling a faire passer aux joueurs. Il faut peut-être l’avoir vécu soi-même pour mieux le véhiculer».
Pour en revenir à Alain Perrin, que vous inspire son apparente envie de revenir un jour ?
Ch. B. : «C’est humain. Cela montre qu’il a de l’âme et du ressort».
Au-delà du fait de jouer une finale, quels sont les motifs de satisfaction de 2003-04 ?
Ch. B. : «Déjà, je crois qu’on peut dire que Robert Louis-Dreyfus voit sa ténacité récompensée aujourd’hui. Le premier à louer, c’est lui. Quand tout allait mal en 2002, il a eu le courage de ne pas partir. Il y avait un trou de plusieurs dizaines de millions d’euros. La situation était telle qu’on aurait pu passer à la trappe, comme en 1994».
Malgré tout, certains vont jusqu’à s’interroger sur l’utilité d’avoir un actionnaire certes milliardaire mais qui n’investit plus. Qu’avez-vous à leur répondre ?
Ch. B. : «A la base, les gens deviennent actionnaires pour retirer des dividendes. Lui, il a accepté que cela lui ait coûté 170 millions d’euros, et il accepté aussi l’augure de ne pas gagner d’argent. Pour répondre clairement, Robert Louis-Dreyfus est le garant du fonctionnement du club. Par exemple, pour faire un transfert, il faut que quelqu’un garantisse la somme. Si demain l’OM s’effondre, tout le monde se retournera vers lui. Cet apport est fondamental».
10 millions d’euros investis sur 3 ans pour la Commanderie
Financièrement, le pari d’assainir les comptes est remporté. Est-ce le succès de la saison ?
Ch. B. : «Dès le mois de décembre, nous étions à l’équilibre. Et là, nous allons être très largement positifs en exploitation. Ce n’est pas un succès mais une condition du succès. La 2e, condition, à moyen terme, c’est d’avoir des structures».
Justement, où en est le projet de tout regrouper à la Commanderie ?
Ch. B. : «Tout était éparpillé. A la fin août, tout le club (la direction, les employés, le sportif, OMTV,…) sera sur un seul lieu, à la Commanderie. Depuis mon arrivée, l’OM aura investi 5 millions d’euros dans ce projet, la Mairie la moitié. Et d’ici juin 2005, nous injecterons encore 2 millions pour faire l’internat et le centre de formation. Le tout nous coûte moins d’argent que nos loyers respectifs. Si je pars demain, tout ça sera là. On ne pourra plus dire qu’il n’y a pas un vrai club à Marseille».
Comprenez-vous que les supporters préféreraient sans doute un joueur à 10 millions d’euros ?
Ch. B. : «Ces 10 millions d’euros investis sur 3 ans vont nous faire économiser beaucoup d’argent dans des transferts. Meilleur est l’outil mis à la disposition de la formation, plus il y aura des Flamini, des Gavanon ou bientôt des Nasri, des Yahiaoui, et des Leo. On pourrait aussi utiliser ces 10 millions pour acheter un seul joueur. Mais ce serait une histoire sans lendemain, ou presque. Encore faudrait-il que le joueur s’impose ensuite… Là, tout va au collectif Marseille».
Quelles seront les conséquences si l’OM ne joue pas la coupe d’Europe la saison prochaine ?
Ch. B. : «Ce sera plus compliqué financièrement, il y aura des efforts à faire. Peut-être que l’actionnaire devra y contribuer. Mais sportivement, cela ne devrait pas nous empêcher de recruter les trois ou quatre joueurs que nous avons dans le viseur. Quand on parle de pérennité, ce n’est pas juste pour faire beau, c’est justement pour absorber un pépin comme une année sans coupe d’Europe».
«Le club doit être capable de poursuivre sa route en mer calme comme dans la tempête».
La question de disputer ou non l’Intertoto est-elle tranchée ?
Ch. B. : «Non. Il est compliqué de la disputer, comme de ne pas y participer. Nous en discuterons après la finale avec Pape Diouf et José Anigo».
Pourquoi avoir confirmé José Anigo si rapidement ?
Ch. B. : «J’étais sûr du dénouement depuis plusieurs semaines. Je ne voyais pas l’intérêt de laisser traîner les choses. Les périodes d’attente sont les plus venimeuses».
Toutefois, José avait un objectif à sa prise de fonction. Vous auriez pu attendre la fin de la saison de voir s’il l’avait atteint…
Ch. B. : «Oui, mais l’objectif n’est pas forcément comptable. Le foot ce n’est pas que des points à la fin du championnat. Il s’écrit quelque chose entre José et ses joueurs».
Pouvez-vous nous expliquer les raisons du changement d’organigramme ?
Ch. B. : «Le club doit être capable de poursuivre sa route en mer calme comme dans la tempête. Il doit pouvoir être efficace indépendamment de l’aléa sportif. Il y a donc une nouvelle organisation avec un patron du secteur sportif (Pape Diouf) et un du non-sportif (Vivian Corzani). Ce sont des gens compétents qui nous renforcent. C’est un premier pas. Après, eux prendront des décisions pour faire avancer le bateau».
«La couverture du stade va revenir sur le tapis (...) Tout le monde est bien conscient qu’on est passé à côté de quelque chose en 1998»
En plus de la Commanderie, l’autre grand projet concerne le stade. Pourquoi ?
Ch. B. : «Il faut s’accrocher et batailler là-dessus. Nos déplacements européens nous ont montré à quel point le stade était un élément clé de développement. Nous avons une marge de progression gigantesque en la matière. Notamment pour ce qu’on appelle le «jour de match». Cela regroupe le confort, la protection des spectateurs mais aussi tout ce qui est autour du stade. La perspective de la coupe du Monde de Rugby, ou encore des Jeux Olympiques d’été où d’après ce qu’on sait le football sera en grande partie à Marseille, doit amener des réflexions».
Cela comprend la couverture du stade ?
Ch. B. : «C’est un sujet qui va revenir sur le tapis. Il trouble un peu la Mairie. Tout le monde est bien conscient qu’on est passé à côté de quelque chose en 1998».
Vous êtes entré au CA de Ligue. Cela a servi à quoi, concrètement, à aujourd’hui ?
Ch. B. : «L’OM ne pouvait plus rester isolé de son univers. C’était le but du jeu. Maintenant, le problème est profond à la Ligue. Il y a des points de blocage terribles pour des clubs comme le nôtre. On a organisé le foot français en se basant sur les droits tv. C’est prendre le problème à l’envers. Le jour où la manne n’est plus là, c’est un cataclysme. Et ce jour-là, ce n’est pas l’OM qui s’en sortira le plus mal. Nous, nous avons d’autres piliers solides.».