Le principe des systèmes hybrides
Un système hybride consiste à associer un accélérateur de particules à un réacteur nucléaire. L'idée n'est pas nouvelle puisque les premières recherches ont été menées dès 1950 par l'équipe du prix Nobel
E. LAWRENCE, et se sont poursuivies notamment au Laboratoire de Los Alamos pour l'incinération du plutonium.
La logique de base de ce couplage exploite le phénomène de
spallation : on a constaté que le choc d'une particule (le plus souvent un proton) à très haute énergie (de quelques centaines de mégaélectronvolts (MeV) , à quelques gigaélectronvolts (GeV) sur un noyau cible pouvait permettre par interactions successives l'émission d'un grand nombre de neutrons. Un accélérateur peut ainsi faire office de générateur de neutrons pouvant alimenter un réacteur nucléaire sous-critique : c'est le principe de base du système hybride. L'appoint en neutrons de l'accélérateur sert au contrôle de la réaction en chaîne qui est ainsi entretenue dans un milieu multiplicateur de neutron sous-critique.
L'intérêt des systèmes hybrides
La plupart des grands pays nucléaires mènent des études préliminaires sur les systèmes hybrides, essentiellement dans l'optique de l'incinération des déchets nucléaires. Certains y voient aussi l'ébauche (sans doute pour le très long terme) d'une nouvelle génération de centrales de production d'électricité nucléaire.
Incinération des déchets nucléaires
L'exploitation des réacteurs nucléaires produit une large gamme de déchets, dont certains à "vie longue" (les actinides mineurs et quelques produits de fission) qui resteront radioactifs pendant des dizaines de milliers d'années (et, pour certains, pendant des millions d'années). On cherche donc à transformer ces isotopes radioactifs à vie longue en isotopes stables (c'est-à-dire non radioactifs) ou à durée de vie beaucoup plus courte : c'est la transmutation. Cette opération "consommant" des neutrons, on a pensé utiliser le système hybride pour transmuter les déchets nucléaires à vie longue.
Dans sa fonction d'incinérateur, le système hybride offre deux atouts fondamentaux :
La possibilité d'adapter la physique aux besoins de la transmutation :
C'est la propriété fondamentale qui a d'ailleurs motivé les recherches sur les systèmes hybrides pour l'incinération des déchets nucléaires. Les cœurs incinérateurs ayant de fortes concentrations en actinides mineurs, leurs propriétés neutroniques (réactivité, dynamique, etc.) seront sensiblement différents des coeurs actuels à base d'uranium et de plutonium. Pouvoir contrôler le réacteur en ajustant le bilan neutronique par le flux de neutrons extérieurs venant de l'accélérateur confère aux hybrides beaucoup de souplesse pour accueillir des combustibles variés;
La possibilité d'optimiser le système accélérateur/réacteur :
Pour optimiser la fonction d'incinération des déchets, on peut jouer sur chacune des 2 composantes (accélérateur et réacteur). Les recherches ont montré que le meilleur schéma associait un accélérateur de protons à un réacteur à neutrons rapides. On trouve ici la confirmation de l'efficacité des neutrons rapides dans les opérations de transmutation, phénomène motivant les recherches menées par Superphénix puis Phénix.
Production d'électricité
Le professeur Carlo RUBBIA, prix Nobel de physique et directeur au CERN (Centre Européen de Recherches Nucléaires), a proposé en 1993 le concept "d'amplificateur d'énergie ". Il s'agit d'un système hybride avec réacteur à neutrons rapides, utilisant comme combustible du thorium et comme fluide caloporteur du plomb fondu (et non du sodium fondu comme dans le cas de Superphénix). Dans le "projet Rubbia", le système a cette fois pour vocation la production électro-nucléaire. Par rapport aux autres types de réacteurs, le système hybride offrirait, selon le Dr Rubbia, plusieurs atouts fondamentaux :
Fonctionnement en mode sous-critique, donc plus grande sûreté d'exploitation. En fait le système hybride ne permet d'améliorer la situation que vis-à-vis d'un des risques nucléaires, celui de l'accident de type Tchernobyl ; en revanche ce dispositif n'apporte aucune solution vis-à-vis du risque de fusion de cœur par perte de refroidissement. Dans la pratique, un système hybride devrait donc être exploité dans les mêmes conditions de précaution et de sûreté qu'un réacteur classique.
Fonctionnement en circuit fermé (le combustible irradié déchargé est réintroduit après extraction des produits de fission) ce qui réduit notablement la production de déchets.
Toutefois le Comité Scientifique et Technique d'Euratom s'est montré très réservé sur cette utilisation potentielle des systèmes hybrides pour la production d'électricité
L'état actuel des recherches dans le monde
Les principaux pays engagés dans la recherche sur les systèmes hybrides.
On peut principalement mentionner :
Union Européenne : les recherches sont menées au sein du Programme Cadre de Recherche et Développement de l'Union Européenne. La France y joue un rôle déterminant.
USA : le projet du Laboratoire National de Los Alamos vise principalement à l'incinération du plutonium. Après avoir étudié un réacteur sous-critique à sels fondus, il examine, comme le Pr Rubbia, un cœur sous-critique rapide.
Japon : dans le cadre du projet OMEGA (Options Making Extra Gains from Actinides and fission Products), le JAERI (Japan Atomic Energy Research Institute) travaille sur différents modèles d'hybrides à neutrons rapides destinés à l'incinération du plutonium et des actinides mineurs.
Suisse : à l'Institut Paul Scherrer (PSI) de Villingen, on étudie le fonctionnement des accélérateurs de particules, ce qui fournit une base de donnée très précieuse sur les réactions de spallation.
Notons que tous ces travaux font l'objet de nombreux échanges internationaux.
Le programme français
Au sein de l'Union Européenne, la France s'est engagée dans un programme ambitieux sur les systèmes hybrides. Les recherches actuelles sont principalement menées dans le cadre du premier axe de la loi du 30 décembre 1991 sur la gestion des déchets radioactifs à forte activité et à vie longue : cet axe stipule en effet d'étudier toutes les voies de transmutation des déchets. Un Groupement de Recherche sur la Gestion des Déchets par des Options Nouvelles (GEDEON) a été créé en janvier 1996 associant le CEA, EDF et le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique).
Les principales recherches préalables à un développement des réacteurs hybrides
Les systèmes hybrides paraissent séduisants dans leur principe mais beaucoup de progrès restent à accomplir avant de disposer d'outils opérationnels. Parmi les principaux verrous technologiques, nous mentionnerons :
L'absence d'accélérateurs de puissance suffisante : dans la quasi-totalité des systèmes projetés, l'accélérateur de particules est un accélérateur de protons de 1 GeV environ ; les intensités requises sont de l'ordre de 10 à 40 mA par GW thermique. Or de tels accélérateurs n'existent pas : les outils actuellement les plus puissants sont le cyclotron de l'Institut Paul Scherrer (600 MeV et 1,5 mA) et l'accélérateur de Los Alamos (800 MeV et 1 mA).
Le problème de l'interface entre l'accélérateur et le réacteur : afin de maintenir un vide poussé au niveau de l'accélérateur, il est nécessaire d'insérer une interface entre celui-ci et la "cible de spallation" du réacteur. Le problème de cette "fenêtre" n'est toujours pas résolu.
Le système de refroidissement au plomb : on est très loin d'avoir résolu tous les problèmes liés à l'utilisation du plomb comme caloporteur ; citons : les problèmes de corrosivité du plomb (l'inadaptation des aciers actuellement disponibles imposera le développement d'une nouvelle métallurgie), les difficultés de maintien en température pour conserver l'indispensable fluidité, les problèmes mécaniques (liés à la circulation du plomb fondu dans les circuits) etc.
Que peut-on attendre des systèmes hybrides ?
Au niveau de l'incinération des déchets
Il s'agit d'une voie apparemment prometteuse pour autant que l'on puisse résoudre les multiples problèmes techniques qui subsistent. D'après le projet mené dans le cadre de GEDEON, la radiotoxicité des déchets nucléaires à longue vie pourrait être réduite d'un facteur 100 à l'aide de 5 ou 6 réacteurs incinérateurs dédiés. Chaque incinérateur serait constitué d'un accélérateur de haute intensité (1 GeV et 20 à 40 mA) et d'un réacteur sous-critique avec pour combustible principal les actinides mineurs. Le projet d'un démonstrateur européen de beaucoup plus petite taille pourrait déboucher aux alentours de la période 2010-2015.
Au niveau de la production d'électricité
Il paraît actuellement très douteux que l'on puisse concevoir à court ou moyen terme une centrale économiquement rentable en couplant deux outils aussi complexes et aussi coûteux qu'un accélérateur de particules et un réacteur à neutrons rapides. Un certain nombre de ruptures technologiques préalables paraissent indispensables avant qu'un système hybride puisse prétendre remplacer les réacteurs classiques du parc nucléaire mondial. Néanmoins les travaux menés dans le cadre de la gestion des déchets pourraient apporter une contribution au progrès de ce nouveau type de réacteur, qui constitue peut-être une voie pour le long terme, au même titre que la fusion nucléaire.

je répondrai aux autres questions plus tard
j'ai une conférence sur l'épiderme des cnidaires à faire
