Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Episode tierce
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- Deruda : visiblement c'est ton père qui t'a placé
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Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Episode tierce
Vingt-quatre heures de la vie d’une femme ou Pourquoi j’ai épousé Gai Luron - Episode Avant Dernier
Dimanche, 12h08
De retour de la Commanderie, Alain gare sa Vel Satis diesel marron au pied de son immeuble. Il coupe le moteur, s’enfonce un peu plus dans le siège en simili-velours (de série), et essaie d’analyser la raison de ses échecs répétés, tout en fixant d’un œil las le sapin désodorisant parfum vanille des îles accroché au rétroviseur intérieur de sa berline. Oh, bien sûr, la solution la plus simple serait d’apprendre par cœur l’une des blagues imparables du livre de Jean Roucas qu’il garde précieusement dans la boîte à gants, là, à portée de main. Mais non, Alain ne veut pas céder à la facilité… Sylvette, il veut la reconquérir tout seul, à la force du poignet, sans recourir aux traits d’esprit d’un autre – fût il l’auteur comique le plus doué de sa génération…
Alain remonte dans son F3, avalant les marches quatre par quatre avec la fébrilité d’une pucelle lâchée dans un vestiaire de rugbymen. Il embrasse affectueusement Monette, sa mère, non sans lui faire discrètement remarquer à l’oreille que le gris de sa teinture tirait de plus en plus vers le bleu. Ah, Monette, longtemps, elle fut le seul amour de sa vie… Et puis il y a eu Sylvette… Alain s’est souvent demandé par quel facétieux hasard sa vie était jalonnée de femmes portant un prénom en "ette", et il aime alors à se souvenir de Paulette, la volumineuse dame rousse qui sentait l’eau de Cologne et l’avait initié aux mystères de l’amour dans un petit hôtel de Nancy alors qu’il n’avait que 22 ans…
Alain rejoint à présent Sylvette dans la cuisine. Lorsqu’il s’aperçoit que sa tendre moitié, comme pour se faire pardonner, lui a préparé son plat préféré, le merlan frit coquillettes, un flot d’émotion manque de le faire vaciller. Tout n’est donc pas perdu, bon sang de bois. Ragaillardi, Alain décide alors de déboucher une bonne bouteille de Fanta Citron parce que hein, on est quand même dimanche, après tout…
Le repas se déroule sans heurts, rythmé par le feulement suave de Claire Chazal sur la Grundig du salon, lorsque tout à coup, entre le Caprice des Dieux et la Danette au café, Alain se lève de sa chaise et se dirige vers la mini-chaîne posée sur le vaisselier en pin suédois pour y introduire un CD. Les premières mesures du "You never can tell" de Chuck Berry résonnent alors dans la pièce. Sylvette a déjà compris et se glace d’effroi. Dans sa quête désespérée pour faire rire sa femme, Alain se lance alors dans un twist endiablé, se déhanchant lascivement tout en faisant glisser deux doigts en V devant ses yeux, comme John Travolta dans Pulp Fiction. Car Alain ressemble à John Travolta…
Alain sait qu’il ressemble à John Travolta depuis que l’une des ses élèves de 4ème B du collège Jean Meyrand de Nancy où il était prof de gym le lui avait fait remarquer en gloussant - ce qui n’avait pas manqué de provoquer en lui une réaction que son jogging en acrylique avait eu du mal à contenir. Depuis, Sylvette redoute par dessus tout les soirées dansantes entre amis où son mari, enivré par un ou deux verres de sangria, se met à imiter l’acteur américain en faisant tourner sa veste au dessus de sa tête, avant de la lancer immanquablement sur le buffet - et après, je te raconte pas pour ravoir les tâches de tarama sur un costume marron…
Monette laisse choir sa cuillère dans ses coquillettes, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. Un mince filet de bave vient poindre aux commissures de ses lèvres livides. De son côté, Sylvette détourne son regard et récite deux Pater Noster en se signant fébrilement. De temps à autre, malgré elle, elle jette un œil apeuré vers l’homme de sa vie, improbable twister de supérette, pathétique dans son numéro de derviche-tourneur hollywoodien…
Le morceau de Chuck Berry s’achève enfin. Le silence envahit à nouveau la pièce. Hoquetant, soufflant, frôlant l’apoplexie, Alain éponge avec la manche de sa chemise les deux litres de sueur qui dégoulinent sur son front. Au loin, Claire Chazal annonce un temps orageux pour l’après-midi. "Pas faux !" songe-t-il, en croisant le regard furibond de sa femme…
(A suivre)
Retrouvez les épisodes précédents de cette extraordinaire saga <a href='http://www.omforum.com/phpBB/viewtopic.php?t=8391/' target='_blank'>ici</a> et <a href='http://www.omforum.com/phpBB/viewtopic.php?t=8408/' target='_blank'>là</a>
Dimanche, 12h08
De retour de la Commanderie, Alain gare sa Vel Satis diesel marron au pied de son immeuble. Il coupe le moteur, s’enfonce un peu plus dans le siège en simili-velours (de série), et essaie d’analyser la raison de ses échecs répétés, tout en fixant d’un œil las le sapin désodorisant parfum vanille des îles accroché au rétroviseur intérieur de sa berline. Oh, bien sûr, la solution la plus simple serait d’apprendre par cœur l’une des blagues imparables du livre de Jean Roucas qu’il garde précieusement dans la boîte à gants, là, à portée de main. Mais non, Alain ne veut pas céder à la facilité… Sylvette, il veut la reconquérir tout seul, à la force du poignet, sans recourir aux traits d’esprit d’un autre – fût il l’auteur comique le plus doué de sa génération…
Alain remonte dans son F3, avalant les marches quatre par quatre avec la fébrilité d’une pucelle lâchée dans un vestiaire de rugbymen. Il embrasse affectueusement Monette, sa mère, non sans lui faire discrètement remarquer à l’oreille que le gris de sa teinture tirait de plus en plus vers le bleu. Ah, Monette, longtemps, elle fut le seul amour de sa vie… Et puis il y a eu Sylvette… Alain s’est souvent demandé par quel facétieux hasard sa vie était jalonnée de femmes portant un prénom en "ette", et il aime alors à se souvenir de Paulette, la volumineuse dame rousse qui sentait l’eau de Cologne et l’avait initié aux mystères de l’amour dans un petit hôtel de Nancy alors qu’il n’avait que 22 ans…
Alain rejoint à présent Sylvette dans la cuisine. Lorsqu’il s’aperçoit que sa tendre moitié, comme pour se faire pardonner, lui a préparé son plat préféré, le merlan frit coquillettes, un flot d’émotion manque de le faire vaciller. Tout n’est donc pas perdu, bon sang de bois. Ragaillardi, Alain décide alors de déboucher une bonne bouteille de Fanta Citron parce que hein, on est quand même dimanche, après tout…
Le repas se déroule sans heurts, rythmé par le feulement suave de Claire Chazal sur la Grundig du salon, lorsque tout à coup, entre le Caprice des Dieux et la Danette au café, Alain se lève de sa chaise et se dirige vers la mini-chaîne posée sur le vaisselier en pin suédois pour y introduire un CD. Les premières mesures du "You never can tell" de Chuck Berry résonnent alors dans la pièce. Sylvette a déjà compris et se glace d’effroi. Dans sa quête désespérée pour faire rire sa femme, Alain se lance alors dans un twist endiablé, se déhanchant lascivement tout en faisant glisser deux doigts en V devant ses yeux, comme John Travolta dans Pulp Fiction. Car Alain ressemble à John Travolta…
Alain sait qu’il ressemble à John Travolta depuis que l’une des ses élèves de 4ème B du collège Jean Meyrand de Nancy où il était prof de gym le lui avait fait remarquer en gloussant - ce qui n’avait pas manqué de provoquer en lui une réaction que son jogging en acrylique avait eu du mal à contenir. Depuis, Sylvette redoute par dessus tout les soirées dansantes entre amis où son mari, enivré par un ou deux verres de sangria, se met à imiter l’acteur américain en faisant tourner sa veste au dessus de sa tête, avant de la lancer immanquablement sur le buffet - et après, je te raconte pas pour ravoir les tâches de tarama sur un costume marron…
Monette laisse choir sa cuillère dans ses coquillettes, les yeux écarquillés et la bouche entrouverte. Un mince filet de bave vient poindre aux commissures de ses lèvres livides. De son côté, Sylvette détourne son regard et récite deux Pater Noster en se signant fébrilement. De temps à autre, malgré elle, elle jette un œil apeuré vers l’homme de sa vie, improbable twister de supérette, pathétique dans son numéro de derviche-tourneur hollywoodien…
Le morceau de Chuck Berry s’achève enfin. Le silence envahit à nouveau la pièce. Hoquetant, soufflant, frôlant l’apoplexie, Alain éponge avec la manche de sa chemise les deux litres de sueur qui dégoulinent sur son front. Au loin, Claire Chazal annonce un temps orageux pour l’après-midi. "Pas faux !" songe-t-il, en croisant le regard furibond de sa femme…
(A suivre)
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Re: Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Episode tier
Oh, bien sûr, la solution la plus simple serait d’apprendre par cœur l’une des blagues imparables du livre de Jean Roucas qu’il garde précieusement dans la boîte à gants, là, à portée de main. Mais non, Alain ne veut pas céder à la facilité… Sylvette, il veut la reconquérir tout seul, à la force du poignet, sans recourir aux traits d’esprit d’un autre – fût il l’auteur comique le plus doué de sa génération…

Alain rejoint à présent Sylvette dans la cuisine. Lorsqu’il s’aperçoit que sa tendre moitié, comme pour se faire pardonner, lui a préparé son plat préféré, le merlan frit coquillettes, un flot d’émotion manque de le faire vaciller. Tout n’est donc pas perdu, bon sang de bois. Ragaillardi, Alain décide alors de déboucher une bonne bouteille de Fanta Citron parce que hein, on est quand même dimanche, après tout…


Les premières mesures du "You never can tell" de Chuck Berry résonnent alors dans la pièce. Sylvette a déjà compris et se glace d’effroi. Dans sa quête désespérée pour faire rire sa femme, Alain se lance alors dans un twist endiablé, se déhanchant lascivement tout en faisant glisser deux doigts en V devant ses yeux, comme John Travolta dans Pulp Fiction. Car Alain ressemble à John Travolta…



L'apothésose



