
Je me pose simplement la question du diagnostic qui a mené à la généralisation (en cours) du port du masque en extérieur.
Si c'est la remontée des cas testés, sur une base scientifique et sanitaire, je comprends. Mais j'ai également l'impression que la coercition est l'unique réponse à l'idée selon laquelle "les gens ne respectent pas les gestes barrière".
Au quotidien, depuis mon retour à Paris, j'ai l'impression que la mesure est très largement respectée. Alors c'est sûr, pour chaque personne que je croise, j'ignore si le masque a été changé régulièrement et correctement utilisé. Il y a également des gens qui le portent mal et d'autres qui ne le portent pas, mais ça me parait endémique (même si j'entends également les témoignages de personnes en situation de devoir le faire porter à d'autres, comme ton père et son bar ou Pigboss plus haut).
Etait-ce nécessaire, du coup, sur cette base qui me paraît plutôt mince, de rentrer dans ce qu'on pourrait appeler une logique de surenchère ?
L'idéalisme nous pousserait à rester dans un protocole purement "démocratique" et donc de laisser les gens se responsabiliser, et d'avaler le venin de l'incivisme endémique.
Le pragmatisme nous entraîne dans une logique de contrôle (je me souviens du débat médiatique des débuts de la pandémie, autour de l'efficacité supérieure qu'aurait les régimes restrictifs des libertés individuelles à endiguer la contagion).
Cependant, à moyen terme, la surenchère ne me paraît pas si pragmatique que ça, à cause de la magie de la rétroaction. En pédagogie, on nous apprend à éviter la "surcharge cognitive": l'idée c'est que si tu proposes à tes élèves une activité beaucoup trop difficile, contraignante et complexe, une partie des élèves "fera de son mieux" (ce qui est le but) et mais la majorité ne fera rien du tout car la réussite de l'activité est vécue comme inatteignable.
Je crains que la généralisation du port du masque en extérieur n'en vienne à fragiliser le port du masque à l'intérieur.
Porter un masque en France, ce n'est pas socialement neutre, et je trouve que ça a été intégré déjà de façon ultra rapide, même si des résistances subsistent. L'excuse "les gens ne respectent pas les gestes barrière" pour justifier les mesures actuelles, c'est un manque de lucidité basé sur un diagnostic discutable.
Il y a des comportements sociaux qui mettent beaucoup plus de temps à changer: ne pas fumer à l'intérieur, ne pas boire et conduire, ne pas emmerder les femmes, ne pas frapper les gosses. Là, la coercition me paraît utile.
Pour le masque à l'extérieur, j'ai plus l'impression qu'on est dans un compromis social du type "le sac kraft marron pour cacher la bouteille d'alcool qu'on consomme dans la rue malgré une interdiction". Et c'est dommage, parce que faire du port du masque une telle mesure d'affichage, ça va surtout généraliser les masques "sales".