Les creuses : triangulaires, contours tourmentés, bivalves dissymétriques et très rugueuses. Elles ont deux origines - les plus nombreuses sont les japonaises (Crassostrea gigas - 98% de la consommation mondiale), le reste étant constitué de portugaises (Gryphea angulata ou Crassostrea angulata). Ces deux espèces sont des "rapportées". On la trouve le long du littoral, de préférence près de l'embouchure d'un fleuve (mélange eau douce/eau salée) ou d'une incision (incise) dans la côte.
Les plates : rondes, régulières, bivalves assez symétriques, dite aussi "arcachonnaise" ou "gravette" (Ostrea Edulis - (Linné)). C'est l'espèce indigène. On la trouve en eaux plus profondes que les creuses.
Huître creuse - Huître plate
Histoire
En 1868, le Morlaisien, un navire ayant fait le plein d'huîtres du Portugal à Setubal et se rendant en Angleterre, est pris dans une tourmente des tempêtes d'équinoxe. Il cherche à se réfugier en faisant route vers Bordeaux et, sa cargaison commençant à "sentir", le capitaine Patoizeau la jette par-dessus bord à hauteur du Verdon. Toutes n'étant pas mortes, elles finissent par proliférer malgré la lutte des ostréiculteurs contre ce concurrent plus robuste que les plates. La guerre de 14/18 mobilise les hommes et fait disparaître bien des bras. La creuse portugaise finie par l'emporter, d'autant qu'une maladie décime la plate en 1920. Puis une nouvelle maladie décime la creuse portugaise qui disparaît vers 1971 / 1972 et est aujourd'hui massivement remplacée par la creuse improprement dite "japonaise" importée du Canada.
Sa vie
L'huître baille, entre-ouverte, et filtre de 4 à 20 litres d'eau de mer par heure. Des corps ciliés (ceux sur lesquels certains mettent une goutte de citron ou font une "touche" de la pointe d'un couteau pour s'assurer que l'huître est bien vivante) identifient, par vibrations, les dangers extérieurs, incluant les grains de sable dont les huîtres perlières s'assurent de l'innocuité en les enrobant de nacre si elles n'arrivent pas à les chasser. L'agitation de ces corps ciliés pompe et dirige l'eau vers les branchies où à lieu l'échange d'oxygène nécessaire à sa "respiration" et vers sa bouche (près de la charnière) où a lieu la rétention des phytoplanctons (micro-algues) qui vont l'alimenter dont, en Marennes-Oleron, la navicule qui lui donnera sa couleur verte.
Sa sexualité, sa reproduction, l'ensemencement
Qu'elle soit creuse ou plate, l'huître est hermaphrodite (mâle ou femelle alternativement sauf la première année où elles sont toutes femelles). Les plates sont vivipares, les creuses ovipares. Une huître peut changer plusieurs fois de sexe au cours d'un même été, après chaque cycle de reproduction (après chaque émission de semence). Ce phénomène reste inexpliqué à ce jour. On parle d' "hermaphrodisme successif". La reproduction est déclenchée par la température de l'eau et son degré de salinité.
L'huître mâle a un comportement identique, qu'elle soit plate ou creuse : à l'état "laiteux" le mâle projette ses spermatozoïdes dans l'eau.
Pour l'huître femelle, le comportement est différent selon qu'elle est plate ou creuse :
Pour l'huître plate femelle à l'état "laiteux", les œufs sont fécondés à l'intérieur même de la femelle et abrités dans une chambre inhalante. 8 à 10 jours plus tard les petites larves sont expulsées. Chaque ponte produit de 500 000 à 1 500 000 oeufs.
Pour l'huître creuse femelle à l'état "laiteux", les ovules sont projetés. La rencontre entre les œufs et la semence a lieu dans le milieu marin. Elle peut pondre de 20 à 100 000 000 d'œufs entre juin et août. L'ensemencement se fait au hasard de la nature et à la grâce des courants. 10% seulement des ovules seront ainsi fécondés et donneront naissance à une huître.
Cet état "laiteux" est dû au développement des gamètes qui forment les laitances. Ce développement suit le rythme des saisons, raison pour laquelle certains n'en veulent pas, bien que la "pêche" aie lieu toute l'année, lorsqu'elles sont "laiteuses", mâles et femelles, les mois sans "r" (mai, juin, juillet, août).
Les larves, minuscules, dites planctoniques, de 1/10ème à 2/10èmes de millimètre, peuvent nager à l'aide de cils vibratiles durant 10 à 20 jours mais elles vont surtout être transportées au gré des courants marins avant de se fixer. S'alourdissant et perdant de la mobilité, elles cherchent alors un endroit où se fixer pour échapper à leurs prédateurs. En fait, toute la production ostréicole est basée sur cette nécessité, pour les larves, de se fixer. L'ostréiculteur va favoriser le hasard de la fécondation et la fixation des larves en choisissant le bon moment, les bons endroits, les bons courants, et en disposant les bons collecteurs.
Si les plates (typiquement, les "belons") se reproduisent dans une eau à 18° ce qui convient aux côtes bretonnes et Normandes, les creuses réclament 22°, raison pour laquelle les creuses élevées en Bretagne ou en Normandie sont achetées, à l'état de naissains, dans le sud-ouest de la France. L'autre raison est que le littoral normand connaît les plus grandes marées d'Europe, et les courants étant si forts, les huîtres ne peuvent s'y reproduire que difficilement. Les ostréiculteurs normands se rendent donc dans le sud de la France et rapportent les naissains qu'ils disposent sur des tables. Pendant 18 mois, les huîtres poussent en pleine mer sur des tables qui ne se découvrent qu'aux très grandes marées (coefficient supérieur à 90).
Ses prédateurs
L'homme d'abord avec son petit couteau (et les pollutions marines). Mais à part lui, 4 prédateurs sont très actifs :
L'étoile de mer
Elle chevauche l'huître, l'ouvre avec ses "bras musclés", y glisse son estomac, gobe l'huître et s'en va la digérer. L'étoile de mer peut envahir un parc d'élevage et y causer de gros dégâts.
La daurade
Broie la coquille avec ses "lèvres" en "béton". On dit, d'ailleurs, son "bec".
Le bigorneau-perceur
Fixé sur la coquille, y vrille un trou jusqu'à atteindre l'huître qu'il absorbe.
L'huîtrier-pie.
Cet oiseau utilise 2 techniques : il est capable de percer la coquille des jeunes huîtres à coups de son bec très dur ou il insère son long bec dans l'huître lorsqu'elle baille.
Huître des "quatres saisons" génétiquement modifiée
L'Ifremer a crée en 1997, ainsi que la Satmar en 1997, une huître stérile dont le goût et la texture sont constants toute l'année. Bien qu'ils assurent n'avoir pas eu recours aux manipulations génétiques, cette huître est rejetée par les consommateurs qui ne veulent pas manger d'huîtres "triploïdes" (trois jeux de chromosomes au lieu de deux, l'huître normale étant diploïde !!!). L'Afssa a donné son "autorisation de mise sur le marché". Etiquetage informatif - huîtres des "Quatre Saisons" - obligatoire. 10% de la production française actuellement (contre 40% aux Etats Unis). Durée de passage en claire divisé par deux d'où : profits en hausse pour les ostréiculteurs ou baisse de prix pour le consommateur ?
Pour en savoir plus :
L'Ifremer et la Satmar utilisent deux techniques de manipulation génétique différentes:
Ifremer :
Pendant l’été 1997, le laboratoire de La Tremblade a obtenu des huîtres creuses tétraploïdes comportant quarante chromosomes, soit quatre génomes de base. Ce succès ouvre des perpectives très intéressantes pour l’obtention d’huîtres triploïdes stériles (" huître des quatre saisons " possédant trois génomes de base) par de simples croisements entre des individus diploïdes du milieu naturel (deux génomes de base) et des individus tétraploïdes. Cette technique d’obtention des huîtres stériles permet de supprimer les inductions chimiques actuellement pratiquées, et d’obtenir 100 % d’huîtres triploïdes à chaque génération. Ce résultat permet d’envisager, avec les professionnels et les administrations concernées, un programme de production d’huîtres " quatre saisons ", les huîtres tétraploïdes servant uniquement de géniteurs maintenus en milieu confiné et contrôlé.
Afsaa - <a href='http://www.afssa.fr/ftp/basedoc/2001sa0080.pdf' target='_blank'>http://www.afssa.fr/ftp/basedoc/2001sa0080.pdf</a>
Obtention d'un triploïde par croisement d'un tétraploïde avec un diploïde :
Des équipes de recherche ont développé une stratégie plus efficace pour produire des triploïdes en croisant des individus tétraploïdes, obtenus par blocage d'un globule polaire, avec des individus diploïdes. Des techniques d'obtention de tétraploïdes ont été mises en oeuvre dès 1994 aux Etats-Unis et plus récemment en France par l'IFREMER.
Stamar :
C'est une technique qui permet la production d'œufs triploïdes. Juste après la fécondation, il est ajouté, dans le milieu, un extrait obtenu à partir d'une culture d'un champignon. Cette manipulation hallucinante empêche qu'un jeu de chromosomes soit expulsé et l'œuf, anormal, est alors triploïde. Ce produit est commercialisé auprès des ostréiculteurs sous la marque déposée de naissain d'huître GTS® (Gigas Triploïde Satmar).
Afsaa - <a href='http://www.afssa.fr/ftp/basedoc/2001sa0080.pdf' target='_blank'>http://www.afssa.fr/ftp/basedoc/2001sa0080.pdf</a>
Obtention d'un triploïde directement avec un inhibiteur de la division de l'oeuf après fécondation (traitement chimique):
Pour obtenir un individu triploïde, il est nécessaire de provoquer la rétention du second globule polaire pendant la méiose de l'oeuf. Différentes techniques ont été mises au point qui permettent d'obtenir des individus triploïdes.
L'application d'un traitement à la cytochalasine B (inhibiteur de la polymérisation des fibres d'actine) est le traitement classiquement utilisé pour induire la polyploïdisation chez l'huître. Ce traitement est assez efficace (obtention en moyenne d'environ 80% d'individus triploïdes) et a été largement utilisé. Cependant, ce traitement peut conduire à des mortalités significatives au stade larvaire.
Plus récemment, une nouvelle méthode a été mise au point qui utilise le 6-diméthylaminopurine (6-DMAP). Ce traitement présente une efficacité au moins comparable à celui par la cytochalasine mais avec des mortalités plus faibles.
Cette technique implique de répéter le traitement chimique des oeufs à chaque génération en utilisant des molécules fortement toxiques comme la cytochalasine B et, bien que le succès de la triploïdisation soit élevé, il est très rarement de 100%.
Des traitements physiques (choc thermique, choc de pression) ont également été testés mais conduisent à des taux de triploïdisation plus faibles.
Dans les deux cas la chimère obtenue est une huître qui possède trois lots de chromosomes, donc un lot supplémentaire par rapport aux huîtres sauvages qui sont diploïdes. Les huîtres ainsi obtenues doivent être vendues sous le nom d'huîtres des "Quatre Saisons".
Avantages : ils sont d'ordre financier au profit des ostréiculteurs, des détenteurs de brevets et de leurs chaînes de distribution/commercialisation. Je rappelle ici ma position à propos des dépôts de brevets en matière d'alimentation et la production de semences stériles que j'assimile à un crime contre l'humanité. Les huîtres triploïdes étant pratiquement stériles, leurs gonades sont atrophiées et elles ne connaissent pas la période de maturation des spermatozoïdes et des ovules qui les rend habituellement laiteuses de mai à août (les mois sans "r"). En sus, cette période de maturation mobilise l'énergie des huîtres normales qui perdent jusqu'à 64% du poids de leurs autres chairs tandis que la GTS poursuit sa croissance et son engraissement, réduisant ainsi la durée d'élevage et permettant une commercialisation 12 mois sur 12. On voit donc bien où se situe l'intérêt. Le mauvais goût est allé jusqu'à comparer ces huîtres génétiquement modifiées au chapon !
L'étau se referme sur l'huître stérile : Par Catherine Coroller - Libération - 29 mai 2000
La GTS présentée par la Satmar : La présentation du produit par le manipulateur lui même sur son site
L'huître triploïde serait sans risque : Afp - 28 11 01
Des solutions alternatives pour l'approvisionnement en naissains d'huîtres : cet article du Conseil Régionnal du Languedoc-Roussillon est interressant car il montre, alors que ce n'est pas du tout le but de sa rédaction, les justifications conduisants à la stratification du métier de conchyliculteur et aux obtentions artificielles ainsi qu'en milieu non naturel.
Consommation. Huîtres cherchent plaîdeurs ... - Les verts d'Aquitaine - juste un billet d'humeur
Avis du Conseil national de la consommation sur la filière marée : BOCCRF - Bulletin officiel de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes
AVIS de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments - Huîtres stériles : Important document du 23 novembre 2001 au format Pdf de l'Afsaa donnant son "autorisation de mise sur le marché" tout en constatant le manque d’études sur leurs capacités de bio-accumulation et de dépuration.
Projet de décret relatif à l'étiquetage des huîtres polyploïdes - l'Afsaa consultée sur un projet d'étiquettage fin 2001
Ifremer Activités de recherche - année 1997 - la mise au point de la manipulation génétique par l'Ifrémer - huîtres triploïdes
Ifremer Laboratoire Génétique et Pathologie - Polyploïdisation
le CNC demande que l'indication " huîtres triploïdes " soit rendue obligatoire dans l'étiquetage - 20 déc 2001
Elevage
Le père de l'ostréiculture moderne est incontestablement Victor Coste. Ce professeur au Collège de France (et médecin de Napoléon III), chargé par l'empereur d'étudier la pisciculture maritime, remet le 9 novembre 1859 un rapport dans lequel il propose d'établir des parcs modèles. Il crée des bancs artificiels en Baie de St Brieuc et dès 1860 apparaissent les concessions.
L'ensemencement effectué, les larves iront se fixer sur des collecteurs après 10 à 20 jours de "vagabondage". Un ensemble de jeunes ainsi fixés portant déjà tous les caractères des adultes, prend le nom de "naissain" entre l'âge de six mois et un an.
A partir de huit à neuf mois, on détache les naissains (le détroquage) pour les élever en parc jusqu'à l'âge de dix huit mois.
Ces deux première étapes sont communes à tous les types d'huîtres. Puis vient l'étape d'élevage en parc qui, pour l'ostréiculture française, se caractérise par deux techniques principales :
L'élevage en surélévation ou "sur table" concerne toutes les cultures d'huîtres sauf celles de la Méditerranée. Cet élevage dans des poches sur des tables est une solution aux fortes houles et aux courants de la Manche et de l'Atlantique. Les tables peuvent être découvertes à chaque marée basse.
L'élevage en suspension ou "sur cordes" est pratiqué pour les huîtres élevées dans des mers calmes et peu sujettes aux marées telle la Méditerranée. L'étang de Thau est le haut lieu de ce type d'élevage où 750 parqueurs se partagent 2160 tables d'élevage.
C'est à partir de là, que les traditions des régions et le savoir-faire des ostréiculteurs prennent le dessus pour donner les sept crus d'huîtres françaises, crus dans lesquels on peut encore discerner des subdivisions plus fines en "terroirs".
Rho bon un salc c'est pas si mal pour mon 6000ème
