Zdeněk Zeman * * *
Présentation
Zeman nous offre un nouvel exemple de coach sans passé de joueur. Né en Tchécoslovaquie, il visite Palerme en 1968, âgé de 21 ans, pour rendre visite à son oncle Čestmír Vycpálek, qui fut joueur et entraîneur. Durant son séjour, son pays natal est envahi par les troupes du pacte de Varsovie, le forçant à l'exil.Sa carrière d'entraîneur débute quelques années plus tard au niveau amateur lorsqu'il prend en charge quelques équipes locales. Le même oncle fait jouer ses contacts pour qu'il rejoigne ensuite le staff de la réserve de Palerme, ou il restera jusqu'en 1983.
Il obtient son diplôme d'entraîneur en 1979, avec Sacchi comme camarade de promotion. Pour valider leur diplôme, ils écrivent tous les deux une thèse : Sacchi prend comme sujet le pressing intense, les zones d'aggressivité optimales et le positionnement haut - bref, tout ce qu'il mettra en place à Milan. Zeman développe son idée du jeu court en triangles qu'il travaille à Foggia.
Etant donné que l'on parle d'une figure emblématique du Calcio avec 40 ans de carrière, on ne vas pas faire une narration club par club. Contentons-nous de quelques faits marquants :
- Zeman n'a entraîné que trois fois hors d'Italie, pour des expériences brèves et très peu concluantes à Fenerbahçe et à l'Etoile Rouge de Belgrade, ainsi qu'une saison en Suisse (Lugano)
- Un des principaux faits d'armes fut d'amener Foggia de la troisième division à la Serie A en deux ans, lors de son deuxième passage chez eux
- Il est un des entraîneurs qui ont le plus tendance à retourner vers leurs anciens clubs : Foggia trois fois, la Roma deux fois, Pescara deux fois... Si ça peut paraître anecdotique, ça colle aussi plutôt bien avec un football romantique à l'extrême. Un peu comme lorsqu'on essaie de raviver une passion vécue il y a longtemps.
- On lui doit l'éclosion de quelques-uns des plus grands joueurs du Calcio des années 90, tels que Nesta (Lazio), Signori (Foggia) ou évidemment Totti. C'est aussi avec lui que Nedved fait ses débuts en Italie en provenance de Prague.
- Zeman finit par devenir persona non grata dans le Calcio après avoir formulé des accusations de dopage à peine voilées en 1998. Sa carrière prend un tournant à ce moment-là, les portes des grands clubs lui étant fermées, ce qui entraînera son exil temporaire en Turquie.
Modèles
Le modèle plus évident lorsqu'on parle de Zeman est le
Football Total hollandais des années 70, mais dans un contexte où le principe fondateur serait poussé à l'extrême. Chaque joueur doit apporter une contribution défensive et offensive, mais avec un niveau d'exigence qui confine à l'irréaliste. La condition physique des joueurs doit être absolument remarquable tant les efforts demandés sont dantesques.
D'ailleurs, lorsqu'il prend en main Totti son premier réflexe est d'améliorer sa condition physique et son endurance, ce qui améliorera grandement l'efficacité et l'apport du jeune espoir.
Système préférentiel
Le 4-3-3, rien d'autre que le 4-3-3.


De Foggia à la Roma de 98...


... à la Roma de 2012 en passant par la Lazio
Comme dit plus haut, chaque joueur jusqu'au gardien doit contribuer à la production dans l'équipe dans les phases offensives et défensives. Pris poste par poste (ou presque), cela donne :
- Un gardien libero, qui doit savoir jaillir de sa ligne pour compenser les montées de sa ligne de défense, et avoir une qualité de relance qui lui permet de contribuer à la construction.
- Une charnière centrale athlétique et dont les deux défenseurs doivent suffisamment s'entendre pour compenser les montées l'un de l'autre
- Des arrières latéraux qui ont un apport offensif constant et savent combiner et se dédoubler avec les ailiers, ainsi que participer au jeu en triangle.
- Le milieu axial, loin d'être une sentinelle dont le rôle premier est de protéger la défense, est un meneur reculé qui a la responsabilité de distribuer de longs ballons et de renverser le jeu
- Les ailiers adoptent un rôle plus central que dans d'autres déclinaisons du 4-3-3, les latéraux ayant la tache immense d'animer les ailes.
L'énorme exigence physique du système est souvent mentionnée en prenant comme exemple la confrontation entre le Foggia de Zeman et le Milan de Capello lors de la dernière journée de championnat en 1992. A la mi-temps, Foggia mène 2-1 après une performance de haut vol face au champion déjà sacré. En deuxième période, l'effectif s'effondrera complètement physiquement en raison de la fatigue accumulée sur toute la saison, et s'inclinera... 2-8.
Style
Les principes de Zeman sont ceux d'une équipe résolument offensive : pressing haut, défense qui joue le hors-jeu, combinaisons rapides en triangle sur les côtés. Mais à ces principes de base, Zeman ajoute une volonté de propulser le plus de joueurs possible vers la surface adverse, dans le but simple d'être en supériorité numérique dans la zone de vérité lorsque l'action aboutit. Les faiblesses de cette philosophie sont quasi évidentes : face à un adversaire qui a la facilité technique pour sortir un ballon proprement si l'action est avortée (et/ou renverser le jeu), l'équipe de Zeman se retrouve dans une position très vulnérable. Et pour chaque offensive qui n'aboutit pas, on en revient à une débauche d'énergie phénoménale pour tenter de se replacer dans les temps.
Il est facile d'adopter une posture cynique, voire moqueuse, et de rappeler ad infinitum que les résultats ont souvent été décevants. Que le football idéaliste et romantique, c'est surtout un football anachronique à une époque où l'on discute de Superleagues et de droits TV plus souvent que de jeu. Mais voir jouer une équipe de Zdeněk Zeman, c'est (c'était ?) aussi une forme d'exaltation un peu bizarrre, à mi-chemin entre l'incrédulité et la joie pure et simple.
Qui peut rester indifférent à la vue d'une équipe qui se positionne ainsi au coup d'envoi ?

On est venus pour niquer des mères. Ok, et prendre des buts aussi. Plein.
Ses saisons les plus récentes ont laissé croire que Zeman avait enfin mis un peu d'eau dans son vin - plutôt que d'y voir un aveu de défaite de la part d'un romantique résigné, il est peut-être pertinent de considérer que Zeman a de plus en plus de mal à trouver des joueurs qui sont prêts à adhérer coeurs et âmes à sa philosophie. Comme tout idéaliste, il a besoin d'un environnement propice autour de lui et d'une "dévotion" sans faille. Une des raisons pour lesquelles, tout comme Marcelo Bielsa, il a toujours été plus à l'aise lorsqu'il travaillait avec de jeunes joueurs qu'il pouvait former selon sa vision plutôt que des joueurs expérimentés avec des habitudes déjà bien définies.
Dans le Top50 des entraîneurs de FourFourTwo est... absent, évidemment.
Mais moi je m'en fous. Je lui mets 3 étoiles, parce que c'est mon football à moi.
Trucs à lire
Un beau portrait (en anglais) avec des anecdotes.
Une courte analyse tactique