G.bédécarrax a écrit :Finalement, j'ai beaucoup aimé
Yakuza 3, tout en restant éminement dubitatif. Répétitif, saturé de
sidequests inutiles et pas aussi débiles que
celles que décrivait Kieros à l'époque, même s'il m'a fallu échapper à une famille de triplés travestis ou si j'ai dû accompagner un jeune cuistot dans sa quête du ramen parfait. La plupart du temps, il s'agit d'aider un type qui s'est fait arnaquer par
une petite sénégalaise atteinte de leucémie une société-écran dirigée par des yakuza.
L'absurde est à aller chercher du côté de la trame principale, véritable tsunami de guimauve, une tempête de mièvrerie, un bukkake de bons sentiments qui déferle dans les ruelles de ce pastiche de Kabukicho qu'on imaginerait plus interlope. Mais il n'est nulle activité illégale, nul tripot, nul clan yakuza pour résister aux leçons de morale de Kiryu Kazama, ce mafieux au grand coeur reconverti gérant d'un orphelinat, et qui tient justement plus de Princesse Sarah que d'Okita le pourfendeur. Tout comme celle-ci gardera foi en Lavinia malgré ses constants coups de pute, même les plus vils et fieffés forbans auront droit à de longs discours sur les bienfaits de la droiture, du courage et du regard d'un enfant (après s'être fait pêter la gueule à coup de tonfa).
Le reste est à l'avenant, les méchants sont vraiment très méchants, se trahissent et se
NANDATOOO !!???, les gentils se battent torse-nu et leurs muscles sont aussi saillants que leur code d'honneur, mélodrame tendance Nicky Larson, on éteint sa console et on zappe machinalement sur la Cinq, pour voir si c'est l'heure des dessins animés.
Terminé en 55h, avec 60% de complétion (il doit me manquer 2 subquests et j'ai pas débloqué tous les combos). Plein de défauts mais j'ai beaucoup aimé
Au rang des défauts : Clairement dans la lignée du 2, il n'innove quasiment pas et se permet même d'afficher des subquests plus paresseuses et moins marrantes (même la subquest des travelos est lourdingue

). Ne plus pouvoir faire le tapiner le
"4th Chairman of Tojo Clan" dans les rues de Kamurocho est aussi décevant, c'est aussi ce genre d'absurdité qui fait le sel des Yakuza (mais ça, c'est de la faute à la version européenne, c'est encore présent dans la version jap)
Les qualités : Jeu terminé en 55h donc, dont au moins 25h en jouant bourré. Mieux qu'un casque VR, j'ai joué à ce Yakuza 3 en "open bar", avec toujours une bouteille de whisky à portée de main. Et quand mon héros Kazuma Kiryu buvait un coup dans bar interlope, eh bien je buvais aussi

Et dans Yakuza, on boit beaucoup, on boit énormément. L'alcool est un élément d'ambiance incontournable, avec ses multiples bars, aux liqueurs soigneusement disposées et présentées avec une rigueur encyclopédique. L'alcool est même un élément de gameplay à part entière : l'alcool permet de recharger la jauge de vie, les meilleurs coups du personnage ne se déclenchent que quand ce dernier est ivre mort, et plus on boit, plus les niveaux d'XP augmentent.
Réalité virtuelle oblige donc, j'ai tombé plusieurs bouteilles, et là le jeu prends une autre dimension : les combats de rue entre soûlards s’enchaînent, les heures de jeu s'accumulent, les beuveries aussi, je martèle la manette, je prends une droite, je me ressers un verre, j'y retourne, impossible de décrocher, l'addiction sublime vidéo-alcoolo-ludique s'établit. La répétitivité intrinsèque du beat-them all disparait, et plus la peine de rejoindre les potes pour picoler un coup, j'allume ma PS3 et vais m'en jeter un avec mon pote Yakuza.
J'ai adoré picoler dans Kamurocho, j'ai adoré picoler à Okinawa. Ce nouvel environnement rafraichit littéralement le jeu, les Yakuza font les cons sur la plage comme dans Sonatine de Kitano, et puis on découvre des nouvelles bouteilles, de la nouvelle viande saoule à tabasser

(sans que je comprenne bien pourquoi, un des sous-boss du jeu est un Corse - expert en explosifs, forcément)
Le jeu est très old school, à tous les niveaux : le gameplay époque PS2, les environnements minuscules comparés aux standards de l'époque, et puis surtout, sa philosophie. Dans Yakuza 3, tous les conflits se résolvent par les poings et les pieds dans la gueule. Un jeune cadre déprimé veut changer de boulot ? Kazuma Kiryu va lui défoncer la gueule pour lui remettre les idées en place. Un père de famille a accumulé les dettes au jeu ? Un coup de tonfa dans les genoux pour lui apprendre la vie. Un SDF a volé un objet pour le revendre et se nourrir ? Un coup de santiags dans le maxillaire en guise de déjeuner. Toutes les péripéties du jeu, toutes les énigmes, tous les puzzles, sont autant de clous qu'il faut enfoncer sans perdre de temps à réfléchir. Personne n'est épargné par cette philosophie de la castagne, sauf évidemment, les femmes, les enfants, les animaux, les personnages âgés (et les travestis).
Car si Yakuza est un J-RPG, on n'y trouve pas trace de héros torturé, émo ou vaguement fragile. Et s'il y a un trauma à l'horizon, crois-moi qu'on va vite lui régler son compte. C'est le monde des mâles alpha, des purs des vrais des tatoués, qui sont minces qui sont beaux qui sentent bons le sable chaud. Le jeu est aussi cisgenré qu'une droite de Lino Ventura et ma foi, cet esprit conservateur, franchement paternaliste, complètement rétrograde, mais pas vraiment réac, c'est aussi ce qui fait le charme de la série.
Un jeu de brutes donc, mais de brutes au cœur tendre. La trame principale consistant à sauver l'orphelinat que dirige Kazuma, il est extrêmement marrant d'incarner alternativement le papa-poule d'un côté (on doit jouer à cache-cache avec les gosses, empêcher qu'ils se fassent harceler à l'école, leur acheter des fringues, éduquer leur chien, aller au karaoké, etc.) puis la brute épaisse ensuite (mais encore, une fois, on ne peut pas tataner les gosses (dans cet opus), donc l'amusement a ses limites

)
Bref, si vous cherchez à perfectionner votre culture en spiritueux et accessoirement à frapper des gens, Yakuza 3 sera votre parfait compagnon de comptoir.
Kampaï !
