
Si supporter le PSG quand on vit à Marseille relève de l'exception, l'inverse n'a rien d'insolite. A Paris, nombreux sont ceux qui portent l'OM dans leur coeur. Et ils s'en cachent rarement. OM.net a recueilli deux témoignages, et l'analyse de l'ethnologue Christian Bromberger.
"Au bureau, je suis étiqueté. Tout le monde sait que j'aime l'OM, et je ne m'en cache pas". Manu a 29 ans. Né dans le Jura, il vit à Paris depuis 1998. "De toute façon, on est 70 employés dans la boîte, beaucoup aiment le foot mais aucun ne va voir des matches au Parc. J'ai vraiment l'impression que les Parisiens se contrefoutent du PSG", ajoute-t-il. Un cas exemplaire. A rapprocher de l'affluence moyenne de l'enceinte de la porte de Saint-Cloud, la plus faible de toutes les capitales européennes majeures.
"En mai dernier, le PSG a remporté la coupe de France. C'était son premier titre depuis que j'habite ici. Je n'ai pas entendu un cri de joie dans mon immeuble ou dans ma rue. C'était comme s'il ne s'était rien passé", poursuit notre exilé.
Ce vide passionnel est finalement vécu comme un encouragement par les supporters marseillais installés à Paris. "Je ne me prive jamais de porter mon écharpe bleue et blanche", assure fièrement Ben, parisien de naissance mais olympien de coeur. "D'ailleurs les réactions qu'elle provoque sont plutôt des sourires complices. Les Marseillais n'imaginent pas le nombre de gens qui se baladent avec un maillot de l'OM sur le dos dans Paname".
Tous deux ne se contentent pas de revendiquer leur préférence, ni de tisser des liens avec d'autres supporters, notamment par internet. Ils suivent aussi sur les stades de France leur équipe, à chaque fois qu'ils le peuvent.
En fait, le seul vrai problème se pose lors des matches des Phocéens… à Paris. "Il y a tellement peu de places pour les supporters que c'est très compliqué d'être dans une tribune marseillaise. Et cela implique de devoir rejoindre à un péage le convoi des bus venus de Marseille. Ce n'est pas vraiment l'idéal, et après on passe les 90 minutes à regarder si on ne nous lance rien sur la tête", déplore Ben.
Manu confirme et explique : "Acheter une place neutre pour PSG-OM est impossible, si ce n'est au marché noir. Et puis, à trop devoir intérioriser, pour ne pas me faire démasquer par mes voisins dans la tribune, je n'y ai de toute façon jamais pris de plaisir. C'est d'autant plus rageant que je fais des milliers de kilomètres chaque année pour voir l'OM et que là, le Parc des Princes est à seulement 20 minutes de chez moi…".
Dimanche, ils vivront donc probablement le seul match "à domicile" de leur saison devant leur poste de télévision…
Bromberger : "Le côté excessif, voire canaille, de Marseille est plaisant"
Professeur d'ethnologie, Christian Bromberger est un spécialiste de "la passion partisane" dans le football. Selon lui, supporter l'OM quand on vit à Paris est "une manière de faire un pied de nez". "On ne supporte pas l'OM par hasard, surtout si on habite la Capitale. La période où on choisit de supporter telle ou telle équipe est généralement l'adolescence. Car c'est un moment important d'identification. Quand on se prend de passion pour ce club c'est généralement qu'on est séduit par l'image frondeuse et rebelle de Marseille. La popularité olympienne est ainsi très forte dans les banlieues nord et est de Paris. Certaines personnes se retrouvent dans cette facétie permanente, dans ce romanesque. Ce côté excessif, voire canaille, est plaisant, pas toujours de façon très saine d'ailleurs".
Revers de la médaille, le rejet de cette outrance est logiquement le point-clé de l'hostilité des supporters parisiens à l'encontre de l'OM.
Pour Bromberger, le passé glorieux du club est également un facteur fort. "Le supporter s'approprie ainsi le riche passé de l'OM". Au contraire du Paris Saint-Germain, né en 1973, et qui souffre du poids léger de son histoire.
Enfin, l'ethnologue réfute l'idée reçue qui veut que les Parisiens se passionnent peu pour leur équipe car ils ont déjà suffisamment de pôles d'intérêt : "Je ne crois pas que les Londoniens ou les Milanais par exemple soient dépourvus d'activités et de richesses culturelles. Pourtant, la ferveur pour le football est bien là ! Simplement, à Paris il n'y a pas de localisme. C'est tout le contraire de Marseille