
PARIS (Reuters) - Plus de 2.000 directeurs de laboratoire et chefs d'équipe de recherche ont démissionné de leurs fonctions administratives pour protester contre le manque de moyens de la recherche publique en France, a annoncé le collectif "Sauvons la Recherche".
Le collectif en a appelé au président Jacques Chirac et a annoncé une "nouvelle date-butoir", le 19 mars, afin d'obtenir des moyens accrus pour la recherche publique.
"Si, à la nouvelle date-butoir du 19 mars, le gouvernement et le président de la République n'ont pas répondu de façon plus satisfaisante (à nos revendications), nous organiserons une grande manifestation des chercheurs à laquelle nous appelons tous les citoyens", à deux jours du premier tour des régionales, a déclaré Alain Trautmann, porte-parole du collectif, lors d'une conférence de presse.
"Nous attendons un fort soutien de l'opinion publique", a-t-il précisé.
La fronde des chercheurs est aujourd'hui soutenue par une majorité écrasante de Français (82%), selon un sondage CSA-La Croix publié mardi.
Réunis en assemblée générale dans la salle des fêtes de la mairie de Paris, les chercheurs ont mis à exécution leurs menaces de démission administrative.
"Au total, 976 directeurs d'unité sont démissionnaires, accompagnés de 1.110 chefs d'équipe", a annoncé un porte-parole du collectif, en précisant que ces chiffres n'étaient pas définitifs car il manquait encore quelques votes de province.
Le collectif a précisé qu'environ 1.400 personnes - 870 directeurs d'unité et 600 chefs d'équipe - étaient présents ou représentés à l'assemblée générale.
A l'Inserm, à l'Inra et dans les laboratoires de recherche en sciences de la vie du CNRS, "il y a au moins 50% de directeurs démissionnaires", a précisé Alain Trautmann.
FERMETE DE RAFFARIN
Les démissionnaires devront adresser des lettres individuelles aux directeurs des différents organismes de recherche, qui auront la possibilité de refuser ces démissions.
Les démissionnaires poursuivront leurs travaux et continueront à être rémunérés mais ils n'assureront plus les tâches administratives comme les ordres de mission ou les commandes de matériels, ce qui pourrait gripper le fonctionnement des laboratoires.
Parallèlement à l'assemblée générale, plusieurs centaines de personnes - quelque 500 chercheurs et étudiants, selon les organisateurs - se sont rassemblées derrière l'Hôtel de Ville pour soutenir l'action des responsables de recherche.
Les démissionnaires doivent prendre en milieu d'après-midi la tête d'un cortège qui se rendra au ministère de la Recherche, rue Descartes, au Quartier Latin, pour déposer ces démissions collectives.
Dans le même temps, les président et vice-président de l'Académie des Sciences, les professeurs Etienne-Emile Baulieu et Edouard Brézin, qui tentent depuis vendredi une médiation dans le conflit, doivent annoncer à 16h30 la composition du Conseil national pour l'avenir de la recherche scientifique.
Les différents syndicats de la recherche sont par ailleurs conviés au ministère de la Recherche mercredi après-midi où ils seront reçus par la ministre déléguée, Claudie Haigneré, a indiqué à Reuters Jacques Fossey, secrétaire général du syndicat FSU des chercheurs.
Selon Jacques Fossey, une intersyndicale réunissant les syndicats de la recherche publique, le collectif "Sauvons la Recherche" et les représentants d'entreprises de recherche privée, comme GDF et Aventis, doit se retrouver au centre de recherches du CNRS de Villejuif mercredi matin.
Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, a apparemment choisi la fermeté dans le conflit en refusant tout "marchandage à la petite semaine" avec les chercheurs. Il a dit aussi, dans une interview à Libération, refuser de limiter le débat sur l'avenir de la recherche en France à "une question de moyens"