Ça n'est pas
Bravely Default 2 qui va me réconcilier avec la série. C'est pourtant un jeu plein de bonne volonté et sans doute sans limité par son budget, mais c'est insuffisant pour me le rendre ne serait-ce que sympathique. Les prémices sont celles d'un JRPG des années 90 (qu'on commence à appeler des
boomerpgs 
), et plus précisément de FFV : quatre guerriers, en quête de cristaux pour rétablir l'équilibre du monde, et un gameplay qui repose sur un système de jobs.
Et c'est un jeu qui voudrait moderniser ces carcans-là, mais qui ne semble pas en maîtriser les fondamentaux. Et j'ai la désagréable impression qu'il passe son temps à montrer ses muscles, et, étant donnée sa surenchère quasi-constante, méprise le genre dans lequel il s'inscrit.
Derrière un scénario aux accès morbides pour faire mature (et qui semble nous dire
"je suis pas un JRPG comme les autres, je tue des enfants !"), toujours la même routine : un village = un cristal = un arc scénaristique pour un des héros = des classes à débloquer. Certes, cette routine c'est presque la définition du JRPG, mais d'autres s'en tirent avec une meilleure écriture, un meilleur rythme, ou un peu plus de charisme, tout simplement.
D'autant que le jeu est vraiment tout petit, loin de ce que je préfère dans le genre : ses jeux d'échelle qui créent des perspectives spatiales et temporelles : autrement dit l'illusion d'avoir joué longtemps, et d'avoir voyagé loin. Ici quelques zones minuscules, toutes structurées de manière identique, où d'emblée tout est visible, tout est annoncé. Le jeu joue la montre avec des donjons vites interminables (plus précisément, rendus interminables par l'absence de carte), mais il lui manque la maîtrise du "tempo RPG".
On pourrait se dire que Bravely Default 2 serait un RPG à système. Ce qui est vrai. Il est même très fier d'être un RPG à système(s). Il te le balance à la gueule, son système. Il a trois menus dédiés, son système. Il est pas comme ton vieux RPG nunul qui lui n'avait même pas de système. C'est un système de jobs très élaboré à défaut d'être original, où l'on choisit sa classe principale et sa classe secondaire, ses compétences actives et passives, et où s'activent des effets secondaires sous certaines conditions qui tiennent parfois du kamoulox (
si j'équipe deux hâches et que j'ai équipé la compétence "vol-au-vent" alors les dégats infligés par les créatures volantes diminuent de 30% et l'action "Default" rajoute 15 MP soigne le status Sida et me rend éligible aux APL)
Après une entrée en matière prévisible (mage noir/mage blanc, chevalier, moine, voleur, archer, etc), la liste des jobs à notre disposition (quasiment 30) s'extrait peu à peu du corpus habituel, et il y a moyen de bien s'amuser, je ne vais pas le nier. Notamment autour des "Brave Points", des tours de jeu que l'on peut accumuler pour ensuite enchaîner les actions.
Le problème, c'est que le jeu (ses boss, en réalité) est vraiment très difficile. Je vous épargne les détails, mais en gros, ils ont choisi, plutôt que proposer des combats de boss qui soient juste "plus durs", d'en faire des combats "vraiment plus durs". Des combats-puzzle dont seuls quelques builds prévues à cet effet viendront à bout. Une bonne idée sur le papier, sauf qu'ils n'ont pas adapté leur
game design aux échecs qu'on va obligatoirement essuyer. En particulier, tous les boss ont plusieurs phases, qui posent des problèmes différents de la précédente.
Concrètement, ça peut ressembler à ça : tu galères pour franchir la première phase, pour découvrir que dans la deuxième il dispose d'une attaque qui paralyse tout le monde. Tu meurs, tu recommences, tu t'adaptes. Tu galères à franchir la deuxième phase, pour découvrir que dans la dernière phase il dispose d'une attaque qui ... tue tout le monde ? Et qu'il fallait penser à utiliser Auréole, ce sort qui te donne une résurrection gratos ? OK Dark Souls.
Bref le rapport de force est très franchement en notre défaveur. Et comme les problèmes posés sont parfois très très spécifiques, plutôt que de polir échec après échec une tactique qui ne sera plus valide pour le prochain boss, on s'en repart grinder, on passe le jeu en facile, on s'aide d'une soluce, ou mieux, on passe au jeu suivant. C'est en tout cas ce que j'ai fait, sans trop savoir s'il s'agit-là d'un
rage quit ou d'un
bore quit.
Y a quelque chose d'intrinsèquement antipathique là-dedans. Dans le scénario faussement dark et faussement malin (on ne nous refait pas le coup du twist méta du premier épisode, m'enfin y a quand même trois génériques de fin) et dans ce gameplay
in your face pointu pour le plaisir d'être pointu. On ne sait pas trop s'il cherche à moderniser le genre ou à l'humilier, mais il réussit à moins à en corriger les défauts qu'à en rajouter de nouveaux.