En souvenir, cet article du gorafi suite au formidable parcours du Manceau à Roland Garros
Roland-Garros : Tsonga obtient son ticket pour les quarts de finale : rang B place 23
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Patrick Montel sur Facebook a écrit :
Montel Patrick
10 août, 06:01 ·
Zurich sans Bernard Faure ou l'impossibilité de fermer vraiment la page !
Bernard comme il était venu, se retire de l’antenne sur la pointe des pieds. Fidèle à ses convictions, il a pris bonne note de ce que lui intimait son corps, de l’écho vague qui s’insinuait en lui chaque année un peu plus profondément. J’avais depuis longtemps anticipé sa décision, pourtant lorsqu’elle s’est imposée à moi, irrévocable, j’ai été surpris. Peiné aussi évidemment. L’athlétisme sans Bernard, revient à refermer le livre de l’insouciance, à expulser le dernier souffle d’une enfance que l’on conservait au profond, en secret. A tourner le dos à une époque à jamais révolue. Celle où consultant et commentateur s’accordaient sur les mêmes fréquences, partageaient les mêmes convictions, empruntaient les mêmes chemins de vie. Bernard était sans doute en matière de consultant sportif, le dernier des mohicans télévisuels. Nous formions tous les deux, comme Jacques et Robert, Pierrot et Roger, Jean Michel et Thierry et quelques autres encore, une paire indissociable à l’antenne et dans la vie.
Bernard avait pris sa décision dès la fin de l’été dernier. Rome 1987-Moscou 2013. Plus d’un quart de siècle d’expertise sur Antenne 2 puis France Télévisions. La boucle était bouclée. S’il a attendu le printemps 2014 pour officialiser son retrait, c’est seulement par pudeur, par souci de discrétion. Bernard aurait sans doute mal vécu un hommage appuyé à l’antenne, la diffusion en sa présence d’un sujet de quelques minutes retraçant une carrière d’une exceptionnelle longévité. Bernard a en horreur tout ce qui désormais nourrit nos ordinaires. Le buzz, le people, le sensationnel, l’actualité volatile qui réduit les idées à des petits mouchoirs en papier. En 2008, lorsqu’il a pris la décision de boycotter les JO de Pékin, au journaliste qui a chaud sollicitait une réaction, il répondit. « Revenez vers moi dans deux mois. Si le sujet vous intéresse toujours, je vous répondrais sans détours. «
Rendre hommage à Bernard revient à se détacher des apparences à gommer le superflu, les rôles assignés au duo, préfabriqués, purement formels.
Moi l’aboyeur, hystérique à mes heures. Lui le sage, l’expert lucide. Derrière ces paravents commodes, se nichent des points vitaux de convergence. Le sport de haut niveau est un mal nécessaire, le véhicule de toutes les outrances, de toutes les dérives. Pourtant il reste le moyen le plus efficace pour ériger des passerelles, lutter contre l’intolérance, le repli communautaire. Notre parcours commun, au fil du temps, s’est enrichi de témoignages, d’histoires qui nous ont aidés à grandir, à forger nos convictions.
Exhumer maintenant ces moments de grâce et d’émotions pures revient à se projeter bien au-delà de l’hommage classique dont Bernard n’a cure. Ils s’imposent à nous comme un héritage, un témoin précieux à transmettre.
1991 Tokyo Championnats du monde. Les marcheurs russes Perlov et Potashov franchissent ensemble la ligne d’arrivée. Deux amis qui ont souffert pendant 50 kilomètres, se sont imaginés pouvoir partager l’or de la victoire. Quelle vacuité ! Quel camouflet cinglant adressé aux puissants, aux instances, à l’essence même du sport de compétition qui se nourrit de classements, de héros, d’hymnes et de drapeaux . La cérémonie fut d’une tristesse infinie. Les deux amis départagés par la photo finish, la tête basse sur le podium, résignés et vaincus.
1992 Barcelone Jeux Olympiques. La finale du 10000 mètres féminin dans la moiteur de Montjuic. Elena Meyer porte les espoirs de l’Afrique du Sud, la nation arc-en-ciel tourne avec difficulté la page de l’apartheid. Rapidement l’affrontement tourne au duel. Elena la blanche face à Derartu Tulu, l’éthiopienne à la peau cuivrée. Dodelinements, grimaces, asymétrie du balancier des bras , délitement des foulées. Tous les ingrédients réunis pour une implacable dramaturgie. L’erreur serait d’en rester aux 25 tours de piste, au sprint échevelé de Derartu. Sitôt la ligne franchie, sueurs mêlées, les deux jeunes femmes entament un tour d’honneur d’une foulée synchrone, bras dessus bras dessous, offrent au monde entier une fraternité spontanée dont la symbolique nous bouleverse. Plus qu’une réconciliation, un hymne aux hommes et femmes de bonne volonté.
1993 Stuttgart championnats du monde. Un terrible arrière-goût d’amertume. Que sont devenus, Liu, Qu, Wang, les soldats de l’armée de Ma Junren parés d’or en demi-fond ? Ces athlètes venues de Chine qui sur la piste obéissaient aux injonctions de leur mentor installé en tribunes. Combien de jeunes femmes sacrifiées sur l’autel de la performance, pour exprimer la toute-puissance d’une nation ? Ces filles que l’on noyait naguère et qui font l’objet aujourd’hui d’expérimentations de laboratoire. Nourries à la soupe de tortue. Quelle foutaise ! Nous sommes priés d’y croire tant que la preuve du contraire n’est pas établie. Nous utiliserons alors à dessein dans ce cas et dans d’autres, l’adjectif « stupéfiant » pour dissimuler le malaise qui s’emparait de nous.
1995 Göteborg championnats du monde. Arthemon Hatungimana l’athlète du Burundi se classe 2ème du 800 mètres, derrière le danois Wilson Kipketer. Ses premières paroles en direct sont destinées à sa maman restée à la maison, dans un pays en proie à la guerre civile et aux massacres inter-ethniques. Ce qui lui importe bien plus que sa médaille conquise de haute lutte, c’est de pouvoir témoigner que son fils est toujours en vie.
1996 Atlanta Jeux Olympiques. Au milieu du grand barnum estampillé CNN et Coca Cola, le sourire de Pierre qui éclaire son visage lunaire. Jean vient d’être sacré de remporter l’or à la perche et rarement transmission de témoin n’a été aussi évidente. Pierre serre Jean dans ses bras. Los Angeles-Atlanta, par-delà les années, les émotions s’enchevêtrent pudiques. Triomphes tout en retenue. Hommes plus qu’athlètes. Pierre vend des poulets cuits sur un parking de supermarché. Jean répugne à contempler sa plastique de mannequin dans la glace. Bernard à coup sûr est de cette texture même s’il se garde bien de le proclamer.
Une année plus tard à Athènes, Stephane s’invite au bal des modestes. Son titre mondial sur 400 haies, plus que lui-même, met en lumière ceux qui œuvrent à ses côtés depuis toujours. Fernand l’entraîneur fidèle, Odile la compagne attentive. Sur leurs visages baignés de larmes, l’expression d’un bonheur simple, d’une fidélité sans failles, la preuve insolente que l’on peut conquérir son Everest sans user d’artifices pourvu que le rendez-vous soit rare et anticipé de longue date.
Le siècle s’achève et le doute s’installe peu à peu. Performances insensées et répétées. Bernard qui lisait l’issue d’un marathon dans un rictus sur un visage, l’apparition d’un mouvement parasite, est décontenancé. La chimie s’invite et tous les codes de l’endurance volent en éclat. La trahison de la discipline, qu’entre toutes, il porte aux nues, pour laquelle il a consenti adolescent tous les sacrifices, dans laquelle s’est forgée sa philosophie de l’existence, le blesse profondément dans sa chair. Fracassé le mur du 30ème, illusoires les retours de l’arrière pour ramasser les morts, les défaillances inouïes dans le dernier kilomètre. Le marathon se résume désormais à un long sprint, à un écrémage progressif, à un démarrage brutal dans les derniers kilomètres. Il n’est pas rare d’assister à un sprint groupé, à une acrobatie du vainqueur sitôt la ligne d’arrivée franchie. Les enjeux sont devenus trop importants. Des managers peu regardants font leur marché à l’est de l’Afrique, enrôlent les talents les plus prometteurs et peaufinent des champions éphémères qui se brûlent les ailes sur le macadam des grandes villes. Comme les frêles ombres chinoises de Stuttgart, ces étoiles ne brillent que l’espace d’une saison. Elles finissent par s’éclipser pour laisser la place à d’autres, plus jeunes, plus tendres. Leurs adversaires ne sont pas en reste. Filières espagnoles, marocaines, russes, roumaines, américaines. La France n’est pas épargnée, par cette calamité. La dope est partout et charrie dans son sillage ses tonnes de mirages, de désillusions, de sanctions après coup. Jusqu’aux sprinteurs aux corps anabolisés qui roulent des mécaniques dans des postures grotesques. Spectacle obligé et chronos record. L’athlétisme se pervertit à l’image de la société qu’il traverse, pressée, mue exclusivement par des chiffres ronflants. L’appât du gain. Il est devenu difficile de s’extasier désormais devant un exploit, sans craindre le retour du boomerang. Si les histoires et les émotions existent toujours, il faut les chercher ailleurs, dans les compétitions subalternes, l’anonymat des pelotons.
Sarah Etongue , maman de neuf enfants, qui chaque semaine part en petites foulées s’approvisionner en bois de chauffage et de cuisson sur les pentes arides du Mont Cameroun, l’une des montagnes les plus inhospitalières du continent. Sarah de Buea, sandales de plastiques au pied, qui remporte chaque année l’une des courses de montagne les plus périlleuses, l’ascension du Mont Cameroun. Avec pour toute récompense, un modeste pécule pour améliorer l’ordinaire. Emu aux larmes par cette mère courage, nous l’avons invité à courir au Puy en Velay. Sarah a pris l’avion pour la première fois de sa vie. Au Puy elle est allée prier la vierge, a rendu visite aux enfants des écoles. Elle a pris part évidemment aux 15 kilomètres et est repartie avec en poche plus de 6000 euros, grâce à un formidable élan de générosité.
Saamiya Yusuf Omar, la jeune sprinteuse somalienne n’a pas eu cette chance. Son souvenir nous hante à jamais. Elle avait représenté son pays à Pékin en 2008 terminant très attardée sa série du 200 mètres, un bandeau blanc dans les cheveux. Blanc couleur de paix et d’espoir. Dans la Somalie en guerre, Saamiya s’entrainait dur, pour mériter sa sélection pour Londres. C’est Abdi Bile son compatriote sacré champion du monde du 1500 mètres à Rome en 1987 qui a nous a appris la terrible nouvelle. " Saamiya est morte pour rejoindre l'Occident. Elle était montée à bord d'une "charrette de la mer" qui, de Libye, devait la conduire en Italie. Mais elle n'y est jamais arrivée."
James Kipkemboy lui a été heurté de plein fouet par un tramway lors du marathon d’Athènes. James le miraculé qui a réappris à courir sur les pistes ocres des hauts plateaux de son Kenya natal. James de retour en Europe, sans rancune, tout heureux que son accident lui ait offert une notoriété inespérée.
Gérard le SDF qui s’aligne au départ du marathon de Paris, la tête pleine d’étoiles, le ventre plein de vinasse. Gérard dans la bouche duquel les mots se bousculent, dont tout le monde se moque et qui survit à la marge dans un monde qui l’exclut chaque jour davantage. Seule la course à pied lui redonne l’espace d’un instant un semblant de dignité. Est-il seulement de ce monde aujourd’hui ?
Sarah, Saamiya, James, Gérard et tant d’autres coureurs inconnus sont les enfants de Bernard, ceux qu’il chérit au plus profond de lui. Ceux qui lui donnent encore envie de partager sa passion pour la course à pied. Sans autre objectifs que de rester à l’écoute de son corps. Une aventure qui se moque des chronos comme d’une guigne, qui fait battre les cœurs, transpirer les corps et gomme les différences.
Je lui dois tout cela et plus encore l’arrêt du tabac. Le jour allait se coucher sur Split en 1989. Le relais 4x100m français venait de se parer du titre européen, avec un record du monde à la clé. Bernard profita de ce moment de grâce pour me proposer d’aller faire un petit footing sur la corniche. Mission impossible pour mes poumons encrassés par 20 cigarettes blondes quotidiennes. Je serrais les dents, soutenais une morne cadence pendant 5 minutes peut être 10, éructant, le cœur au bord de l’implosion. A la fin Bernard prononça sans rires ces mots qui allaient faire basculer mon avenir. « Je t’assure Patrick, tu as un vrai potentiel. «
J’eus la faiblesse de le croire. Je lui sais gré encore aujourd’hui de ce mensonge sur lequel s’est forgée notre amitié. J’espère seulement qu’il me croira aujourd’hui si je lui dis qu’il va beaucoup me manquer.
Champoul il est vraiment kro mignon, le 13/05/2014 à 11h33 a écrit :c'est con qu'on se soit attaché à vous
haha, mais quelle bande de mange merde ces espanchitosToF a écrit :Dans le cul les prétentieux!