Celui-ci ?
« Depuis les temps immémoriaux où je m'écartèle quotidiennement les sphincters cérébraux pour pondre tant bien que mal de laborieux textes haineux contre des gens que je ne hais même pas, il est arrivé ce qui devait arriver. Je n'ai strictement rien à dire. Je suis comme frappé d'hypotension et d'inappétence inquisitrices, tari, creux, vide, exsangue, en panne, décérébré, subéreux, non-pensant, débranché, sous-demeuré, cataleptique, hypo-courroucé, sub-colérique et non-hargneux, inexistant, pétrifié, raplapla, dépressif, barbitural, anorexique, flagada, neurasthénique, sub-léthargique, semi-lunaire, et para-légumineux. Ne cherchez pas à rayer la mention inutile, il n'y en a pas. J'ai beau me forcer, j'ai beau me pousser l'âme au cul, je ne parviens pas à fixer mon attention chancelante sur vous, monsieur Joseph Giovanni.
Vous vénérez Napoléon parce que vous êtes corse, ce qui constitue à mon sens la raison la plus totalement incongrue d'aimer Napoléon. C'est pas parce qu'elle est née à Boston que ma sœur vénère L'Étrangleur. Vous n'aimeriez pas mourir dans votre lit, mais entre nous, je vous le demande du fond du cœur, qu'est-ce que ça peut me faire du moment que vous ne venez pas mourir dans le mien? J'ai failli me réveiller en prenant connaissance d'une réponse que vous avez faite à la question: «Quel est votre compositeur favori?» Vous avez répondu: «Aranjuez et ses concertos. »
C'est légèrement rigolo quand on sait qu'Aranjuez n'a jamais écrit un seul concerto, pour la bonne raison qu'Aranjuez est le nom d'une ville et non pas d'un compositeur. Lequel se nomme Joachim Rodrigo et composa Le Concerto d'Aranjuez, cette lourde roucoulade sirupeuse en l'honneur des jardins luxuriants de cette vieille cité des bords du Tage. Alors, que vous dites : «J'aime Aranjuez et ses concertos, je pourrais les écouter des heures, des jours, des mois sans m'en lasser jamais », comprenez-moi, monsieur Giovanni : je ne ris pas de votre inculture musicale - moi-même, comme vous, je serais incapable de dire qui a écrit le Boléro de Ravel et où s'est passée la Bataille de Marignan. Il va de soi que nos petits trous de culture, comme toutes les autres formes de notre pauvreté, ne prêtent pas à rire. Ce qui me secoue le diaphragme malgré ma torpeur, c'est d'imaginer que vous puissiez écouter des heures, des jours, des mois, des concertos qui n'existent pas. Remarquez que je m'en fous aussi du moment que vous n'abîmez pas ma platine en venant les écouter chez moi. D'ailleurs moi, je n'écoute que la musique de Claire de Lune. J'adore toutes ses sonates. »
Réquisitoire contre José Giovanni 13/01/83
Je le connaissais pas, mais en effet
edit : Ca parle de José Giovanni, donc c'est pas complètement hors sujet
