Le 15h17 pour Paris : « L’héroïsme est la seule façon de devenir célèbre quand on n’a pas de talent. Hélas, la paix, qui est le mildiou de l’héroïsme, s’éternise en France, et je me vois mal héros ailleurs. A la rigueur, j’aurais pu faire pilote de camion-suicide au Liban, mais je n’ai pas mon permis » disait Pierre Desproges dans son éternelle clairvoyance. Le film de Eastwood résume ce moment où des hommes ordinaires voire médiocres, en quête d'héroïsme, vont s'affronter dans ce train.
Car comment être un héros quand on n'a aucune qualité physique ou intellectuelle particulière ? Dans un monde qui agite le miroir aux alouettes de la gloire et la célébrité, comment l'atteindre quand même l'armée, l’ascenseur le plus sûr vers la mort héroïque, n'apporte rien d'autre que des breloques pour décorer ses cadavres, des légions d'honneur posthumes pour les victimes ?
Le
15h17 pour Paris commence comme un film de victimes. La jeunesse des héros, ces gamins blonds et blancs, trop chétifs ou trop gros, moqués dans leur école, qui trouvent le réconfort dans les armes, pourrait tout aussi bien être celle des héros de
Éléphant de Gus Van Sant. La presse de gauche a détesté le film (et c'est normal, eux ils soutenaient le terroriste lol) et cette première partie, elle est pourtant tout ce qui en fait la substance. Comment ces enfants, Spencer Stone, Alek Skarlatos et Anthony Sadler, sauveront-ils des centaines de vies quelques années plus tard, alors qu'un destin de tueurs de petites filles à Columbine semblait leur tendre les bras ? Comment Spencer Stone, qui a tout de
l'Engagé Baleine, parvient-il tout de même à apprendre quelque chose de son échec de l'armée, autre chose que le suicide ? Comment des victimes peuvent devenir des héros, comment l'instinct de vie l'emporte sur l'instinct de mort, c'est le début du film. Christiques, les ressorts psychologiques des héros rappellent ceux de Hacksaw Ridge, et se trouvent développés dans la suite du film.
Eastwood filme avec bonheur Venise et Rome, présentés comme l'épicentre du Bien, de l'héroïsme occidental chrétien, et où voyagent les héros. Pour peu qu'on aime l'Italie, cette partie est un délice.
"Tu te rends compte ce Colisée ?" dit Anthony à Spencer
"Tu es un gladiateur, tu affrontes un lion a mains nues, t'imagines ?". Puis, voyage à Berlin, l'épicentre du Mal moderne et la visite du bunker de Hitler.
"C'est pas toujours vous les américains qui sauvez le Bien. Ici c'est les russes" leur dit le guide.
Et puis enfin le voyage vers Paris, l'épicentre de euh... la couardise ? Soyons clair, le film n'épargne pas Paris, et il a peut-être raison de le faire (le film se termine sur du François Hollande, ça veut dire beaucoup), mais ça ne le rend pas moins aimable pour autant. Personnellement, je l'ai trouvé bouleversant. Peut-être était-ce pour des mauvaises raisons, des raisons non-cinématographiques, peut-être était-ce parce que nous avons vécu cette "guerre" contre le terrorisme sur notre sol dans notre temps, parce que nous avons été touchés nous-mêmes ou que nous avons des amis qui l'ont été, mais ce fut authentiquement cathartique. Je n'ai pas vécu à l'époque du Débarquement, je n'ai jamais mis les pieds à Iwo Jima, je ne connais le Vietnam que précédé d'un
"made in" et mon grand-oncle qui est mort en Algérie, je ne l'ai même pas connu. Je suis né dans un pays de paix à une époque de paix, et voir pour la première fois "son" histoire de guerre à l'écran, c'est une sensation étrange - même si j'ai passé les événements contre Daesh bien au chaud comme De Gaulle quand les Jean Moulin se battaient contre les terroristes. Bref, film d'une époque, film de médiocres, film de couards, mais film de héros tout de même. Dans la "trilogie des héros" de Eastwood (
American Sniper - Sully - 15h17) c'est mon préféré.
Wonder wheel : ça m'a rappelé Blue Jasmine, mais en moins finaud. Je trouve Allen sévère avec son personnage féminin principal (Kate Winslet) et au contraire, très tolérant avec son personnage masculin. Le film dit qu'il la bat "quand il est saoul", ok, mais pourquoi ne pas le montrer ? Au cinéma, la vérité passe par l'image. Belle reconstitution de Coney Island et beau film cependant, et le clin d'oeil aux Sopranos était marrant.
The Room : j'ai été invité à ce grand barnum au Grand Rex, et ne croyez pas ceux qui vous diront que c'était génial : cela ne l'était pas. Enfin, sauf si vous aimez traiter les filles de "putes" toutes les 30 secondes. Sincèrement, le Hot or Not est gentleman à côté de ce que j'ai vu ce soir-là. L'ambiance "interactive" faisait très réchauffé, la France qui se réveille 10 ans après la bataille et remet les plats. Concernant le film en lui-même - que je ne connaissais que de réputation - il y avait très longtemps que je n'avais pas vu un nanar au cinéma (la dernière fois c'était pour l’extraordinaire
Doute(s), chronique d'un sentiment politique avec Christophe Barbier, un de mes meilleurs souvenir de ciné) et celui-ci valait le coup et s'est avéré très drôle - et bizarrement touchant, car le protagoniste principal, au physique de catcheur allemand, a la candeur d'un enfant de 10 ans concernant l'amour et l'amitié.