La salle était pleine de personnes qui n'avaient visiblement pas pris la peine de se renseigner sur le film. S'attendant à un biopic à la Ray
(pour citer l'exemple le + récent), ils ont très vite déchanté en comprenant qu'il ne serait nullement question ici du destin de Kurt Cobain. Pas même un Smell like teen spirit à se mettre sous la dent, pas de concerts et pas les scènes éculés de la vocation à la galère, puis du succès à la déchéance.
Du coup, l'absence de savoir vivre a poussé la fille assise à droite, à soupirer du début à la fin et à envoyer des textos sur son portable quand elle ne pouffait pas de rire avec sa copine parce que Blake parle tout seul " C'est Jeanne d'Arc hi hi hi "
(Rire de poufiasse.) Pas mieux pour le type à ma gauche, qui s'est contenté de pique-niquer tout le film en se baffrant de chips. Une scène est parvenu à le tirer de sa torpeur, lorsque deux mecs couchent ensemble, il a soufflé un " Alors ça, c'est horrible !"
Tout ça pour dire, que j'ai vu Last days dans des conditions déplorables qui ont gravement nuit à mon immersion dans le film.
Vive le dvd, tiens.
Ce que je peux dire malgré tout, c'est que le cinéma contemplantif de Van Sant sied parfaitement à la dérive de cet homme esseulé, qui n'a pas plus trouvé dans la drogue que dans la musique, une échappatoire à ses névroses. Le constat lucide et cruel que trace Last days dépeint une solitude terrible pour Blake, abandonné par sa femme, privé de sa fille, ses musiciens ont renoncé à l'atteindre et tout ce qui résulte de ses contact avec le monde, sont les gens cupides qui le harcèlent (producteurs, maison de disque..) quand ce ne sont pas les rares démarcheurs inopinés qui sonnent à sa porte.
Gus renouvelle l'expérience de Elephant en découpant à plusieurs reprises, une même scène de façon subjective, ce qui accentue de façon considérable le malaise ambiant (à l'instar des bruits persistants, sifflements, ruissellements, bourdonnement permanents) Par ce procédé, on découvre Blake fuyant ses proches pour s'isoler. Souvent filmé de dos ou en plan d'ensemble, pour montrer sa solitude, les gros plans ou plans rapprochés, il conserve un rideau de cheveux devant les yeux afin de rester impénétrable. Lorsqu'on aperçoit son regard, c'est suite à la visite de Kim Gordon, la seule personne à s'être vraiment préoccupé de lui.
Michael Pitt insuffle au personnage une mélancolie qui vire à l'abandon de soi, il traine son désespoir avec une fragilité bouleversante. C'est dans son élément, le studio de musique, qu'il retrouve de façon éphémère un but, une direction à ses errements, lorsque la passion le ranime le temps d'une chanson ou d'un exutoire musical où on le voit liberer cette rage qui le consume, dans un long plan fixe filmé à travers une fenêtre, plaçant le spectateur dans une position de voyeur. Asia Argento fait de la figuration. Elle n'incarne pas Courtney Love. La femme qui a bousillé Kurt Cobain est à peine mentionner par les musiciens qui la craignent autant qu'ils la détestent.
Du grand cinéma, puissant et intense, avec une mise en scène perceptive, en parfaite adéquation avec les idées traitées. C'est certes ennuyeux, mais la vie ne l'est-elle pas parfois ? Reconnaissons à Van sant le mérite de ne pas mentir, de ne pas tricher, qualités qui lui valent d'être aujourd'hui l'un des cinéastes les plus doués et détestés de sa génération.
Un film à revoir au calme pour découvrir tous les trésors dont recèle chaque plan.
it's a long lonely journey from death to birth
it's a long lonely journey from death to...
it's a long lonely journey from death to birth
oh, it's a long lonely journey from death to...birth