Vingt-quatre heures de la vie d’une femme - Episode Terminal
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- Deruda : visiblement c'est ton père qui t'a placé
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- Enregistré le : mer. janv. 07, 2004 20:16
Vingt-quatre heures de la vie d’une femme - Episode Terminal
Vingt-quatre heures de la vie d’une femme ou Pourquoi j’ai épousé Gai Luron - Episode Terminal
Dimanche, 14h08
Dans le très vieil appartement de la rue Sarasate, l’atmosphère s’est tendue comme un string de lofteuse ménopausée. Désemparé, Alain s’est réfugié dans la cuisine comme un enfant pris en faute. Il sent la situation lui échapper. De longues et flottantes minutes s’écoulent dans un silence anesthésiant. Brusquement, Alain fait irruption dans le salon, frappe bruyamment dans ses mains, et lance à la cantonade :
- Et si on se faisait une petite partie de mikado ?
Dimanche, 14h53
Un calme trompeur règne autour de la table basse où s’étalent à présent les bâtonnets multicolores. Menant largement la partie - il fut sacré champion régional cadet de mikado en balsa à Vesoul en 1967 - Alain reprend confiance, une tasse de Nescafé et une part de quatre-quarts. D’un air faussement détaché, il glisse alors une blague de Toto un peu usagée et dont il a malheureusement oublié la chute, puis tente un périlleux Monsieur-et-Madame-ont-un-fils, tout droit sorti d'un Carambar retrouvé quelques jours auparavant au fond d’une poche de sa parka Monsieur de Fursac marron. Las ! Rien n’y fait. Tandis que Monette le gratifie d’un sourire forcé, empli tout à la fois de compassion maternelle et de sourde inquiétude, le visage de sa douce reste fermé à double tour. Excédé par tant d’injuste indifférence, Alain s’empare d’un vieux Télé 7 Jeux, salue sa mère d’un grognement, claque la porte de sa chambre, et plonge dans les méandres d’une grille de mots fléchés deux étoiles signée Maître Capello. Pour oublier.
Dimanche, 16h52
Une pluie fine se met à tomber. Sylvette est partie raccompagner Monette. Seul face à lui-même, Alain se dit que le jour tant redouté est arrivé, ce jour maudit où aucun de ses pétillants traits d’esprit, aucune de ses désopilantes saillies n’aura réussi à faire jaillir le rire cristallin de sa dulcinée. Et le drame intime qui se joue en ce dimanche maussade de décembre prend des allures d’Armageddon conjugal…
Assis sur un tabouret de la cuisine, suivant du regard les pérégrinations insouciantes d’une mouche domestique sur le papier peint à fleurs, Alain choisit une pomme Golden dans le compotier en étain. Après l’avoir soigneusement pelée, épépinée et coupée en quartiers, il glisse un à un les morceaux de fruit au travers des barreaux de la cage de Fabio, son fidèle hamster, compagnon des bons et des mauvais jours, le seul peut-être à pouvoir comprendre sa peine. Son cœur se serre à l’évocation de ces mots déchirants du poète - peut-être est-ce Aragon ou bien Michel Delpech ? - ‘’Si c’est fichu entre nous, la vie continue malgré tout’’…
Dimanche 18h35
Sylvette est enfin de retour. Pourtant, Alain ne la voit pas. C’est l’heure de Stade 2. En professionnel aguerri, Alain ne loupe jamais Stade 2, inépuisable source d’informations footballistiques des plus pointues. Assis les bras croisés, à quarante centimètres de l’écran de télévision, son cahier à spirales Clairefontaine posé sur les genoux, il se tient prêt à noircir de pleines pages du flot d’analyses pertinentes des chroniqueurs du service public. Mais ce soir, comme par un fait exprès, l’actualité sportive est d’une navrante pauvreté. Alain notera seulement dans un coin du cahier ‘’Penser à demander la marque de ses cravates à Pierre Salviac’’.
Dimanche 19h52
Alain sait que son temps est compté. Dans moins d’une heure, Sylvette sera couchée et s’endormira la bouche ouverte devant le film de TF1, et alors tout sera perdu... Reprenant son inlassable quête, il rejoint son épouse dans la salle de bains, s’approche d’elle à pas lents, et soudain animé d’une force intérieure, comme mû par l'énergie du désespoir, brûle sa dernière chance, son ultime atout, sa martingale - l’histoire du fou qui repeint son plafond racontée avec la voix de Michel Leeb imitant un épicier Chinois… Surprise par cet assaut brutal, désarçonnée par l'héroïque insistance de son époux, Sylvette se retourne et rend les armes, secouée par un rire nerveux et spasmodique semblant ne jamais vouloir s’arrêter. Exténué, les yeux embués de larmes, Alain savoure sa victoire. Elle a ri, il est heureux. Il a retrouvé sa Sylve, celle qu’il suivrait au bout du monde, d’Istres à Tourcoing en passant par Orléans s’il le faut. Le cœur léger, grisé par sa réussite inespérée, Alain dépose un chaste baiser sur le front de Sylvette, en pensant ‘’Encore vingt-quatre heures de gagnées… ’’
Dimanche, 14h08
Dans le très vieil appartement de la rue Sarasate, l’atmosphère s’est tendue comme un string de lofteuse ménopausée. Désemparé, Alain s’est réfugié dans la cuisine comme un enfant pris en faute. Il sent la situation lui échapper. De longues et flottantes minutes s’écoulent dans un silence anesthésiant. Brusquement, Alain fait irruption dans le salon, frappe bruyamment dans ses mains, et lance à la cantonade :
- Et si on se faisait une petite partie de mikado ?
Dimanche, 14h53
Un calme trompeur règne autour de la table basse où s’étalent à présent les bâtonnets multicolores. Menant largement la partie - il fut sacré champion régional cadet de mikado en balsa à Vesoul en 1967 - Alain reprend confiance, une tasse de Nescafé et une part de quatre-quarts. D’un air faussement détaché, il glisse alors une blague de Toto un peu usagée et dont il a malheureusement oublié la chute, puis tente un périlleux Monsieur-et-Madame-ont-un-fils, tout droit sorti d'un Carambar retrouvé quelques jours auparavant au fond d’une poche de sa parka Monsieur de Fursac marron. Las ! Rien n’y fait. Tandis que Monette le gratifie d’un sourire forcé, empli tout à la fois de compassion maternelle et de sourde inquiétude, le visage de sa douce reste fermé à double tour. Excédé par tant d’injuste indifférence, Alain s’empare d’un vieux Télé 7 Jeux, salue sa mère d’un grognement, claque la porte de sa chambre, et plonge dans les méandres d’une grille de mots fléchés deux étoiles signée Maître Capello. Pour oublier.
Dimanche, 16h52
Une pluie fine se met à tomber. Sylvette est partie raccompagner Monette. Seul face à lui-même, Alain se dit que le jour tant redouté est arrivé, ce jour maudit où aucun de ses pétillants traits d’esprit, aucune de ses désopilantes saillies n’aura réussi à faire jaillir le rire cristallin de sa dulcinée. Et le drame intime qui se joue en ce dimanche maussade de décembre prend des allures d’Armageddon conjugal…
Assis sur un tabouret de la cuisine, suivant du regard les pérégrinations insouciantes d’une mouche domestique sur le papier peint à fleurs, Alain choisit une pomme Golden dans le compotier en étain. Après l’avoir soigneusement pelée, épépinée et coupée en quartiers, il glisse un à un les morceaux de fruit au travers des barreaux de la cage de Fabio, son fidèle hamster, compagnon des bons et des mauvais jours, le seul peut-être à pouvoir comprendre sa peine. Son cœur se serre à l’évocation de ces mots déchirants du poète - peut-être est-ce Aragon ou bien Michel Delpech ? - ‘’Si c’est fichu entre nous, la vie continue malgré tout’’…
Dimanche 18h35
Sylvette est enfin de retour. Pourtant, Alain ne la voit pas. C’est l’heure de Stade 2. En professionnel aguerri, Alain ne loupe jamais Stade 2, inépuisable source d’informations footballistiques des plus pointues. Assis les bras croisés, à quarante centimètres de l’écran de télévision, son cahier à spirales Clairefontaine posé sur les genoux, il se tient prêt à noircir de pleines pages du flot d’analyses pertinentes des chroniqueurs du service public. Mais ce soir, comme par un fait exprès, l’actualité sportive est d’une navrante pauvreté. Alain notera seulement dans un coin du cahier ‘’Penser à demander la marque de ses cravates à Pierre Salviac’’.
Dimanche 19h52
Alain sait que son temps est compté. Dans moins d’une heure, Sylvette sera couchée et s’endormira la bouche ouverte devant le film de TF1, et alors tout sera perdu... Reprenant son inlassable quête, il rejoint son épouse dans la salle de bains, s’approche d’elle à pas lents, et soudain animé d’une force intérieure, comme mû par l'énergie du désespoir, brûle sa dernière chance, son ultime atout, sa martingale - l’histoire du fou qui repeint son plafond racontée avec la voix de Michel Leeb imitant un épicier Chinois… Surprise par cet assaut brutal, désarçonnée par l'héroïque insistance de son époux, Sylvette se retourne et rend les armes, secouée par un rire nerveux et spasmodique semblant ne jamais vouloir s’arrêter. Exténué, les yeux embués de larmes, Alain savoure sa victoire. Elle a ri, il est heureux. Il a retrouvé sa Sylve, celle qu’il suivrait au bout du monde, d’Istres à Tourcoing en passant par Orléans s’il le faut. Le cœur léger, grisé par sa réussite inespérée, Alain dépose un chaste baiser sur le front de Sylvette, en pensant ‘’Encore vingt-quatre heures de gagnées… ’’
- butterfly15
- Anigo : On sait pas comment mais t'es toujours là
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- le nain
- Zubar : Eternel espoir, tu feras jamais tes preuves
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- Jules
- Bakayoko : Tu as beaucoup posté, souvent hors cadre
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- Localisation : Stade De France
C'est splendiiiide
De la veste Monsieur de Fursac marron
à la pomme pelée, épépinée, coupée en quartier et glissée au hamster Fabio
en passant par la prise de notes devant Stade2 mdr2 ça croustille de délicieux détails.
On ne regrette qu'une seule chose... que cette épique saga familliale ait une fin :sad2: C'est vrai que tu pourrais faire de même avec certains joueurs. L'helvète, le serial-gabians-killer, johnny decker, etc... t'as de la matière





On ne regrette qu'une seule chose... que cette épique saga familliale ait une fin :sad2: C'est vrai que tu pourrais faire de même avec certains joueurs. L'helvète, le serial-gabians-killer, johnny decker, etc... t'as de la matière



- max04300
- Bakayoko : Tu as beaucoup posté, souvent hors cadre
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