Interview De Troussier, La Provence!
- butterfly15
- Anigo : On sait pas comment mais t'es toujours là
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Remerciement à Patin-Couffin de Omarseillais.com
EN TOUTE CONFIANCE...
Philippe Troussier se livre rarement en dehors du cadre professionnel. Il a accepté de le faire hier, pour L.P.
Philippe Troussier ne s'était pas encore confié en dehors du cadre de La Commanderie ou du Vélodrome. Hier, à 11 heures, il nous a reçus au Sofitel Palm Beach, sa résidence marseillaise, comme elle fut celle de Raymond Goethals entre 1991 et 93. Une heure et demie d'entretien, agrémenté d'une prolongation sur la terrasse, au soleil, en toute confiance. Cette confiance que l'entraîneur de l'OM a su restaurer dans son équipe.
Philippe, l'OM correspond-il à l'idée que vous vous en faisiez ?
"Une fois à l'intérieur, je me rends compte qu'il y a moins de pression qu'on ne le croit. J'avais déjà vécu cette expérience à l'étranger. Quand il y avait un coup d'Etat dans un pays africain, mes parents m'appelaient parce qu'ils avaient vu à la télé des gens tirer à la mitraillette. Et il y avait un gros décalage avec la réalité que je vivais.
"A l'OM, je me crée ma bulle. Si on tient compte de tout, on ne peut pas faire son métier. Comme un chef d'Etat, qui ne peut pas demander son avis à tout le monde. Il faut se tenir à sa ligne de conduite."
Avez-vous toujours fonctionné ainsi ?
"Jeune entraîneur, j'avançais tête baissée avec des certitudes. Aujourd'hui, j'ai une stratégie, je sais que tel stimulus va provoquer telle réaction. Mais en même temps, l'expérience peut fragiliser, parce qu'on connaît les conséquences des choix."
A l'étranger, les barrières de la langue et de la culture, vous rendaient plus imperméable; c'est moins évident ici...
"J'étais plus hermétique. Mais ici, ma démarche est celle d'un étranger. Je ne connaissais pas cette région de France, j'avais quitté mon pays il y a quinze ans. Je ne colle pas à l'ethnie, à la manière dont ça fonctionne aujourd'hui en France. Ça me donne du recul, je m'emballe moins qu'un Français, je dégage vite les situations. Le milieu français est affectif et moi, je n'ai pas travaillé comme ça, ma relation est plus distante, plus directive. Aujourd'hui, je comprends qu'il faut ces liens affectifs, j'essaie de m'adapter."
"La culture de la gagne acquise à l'étranger"
Il vous faut à la fois une bulle et une adaptation à l'environnement ?
"C'est le fruit de l'expérience. Je suis de culture française, mais je l'ai partagée avec d'autres. En France, j'étais éducateur. On est formé ainsi. Rassembler, fédérer, faire preuve de psychologie. Alors que l'entraîneur a d'autres valeurs à l'étranger. J'ai longtemps cru, à cause de cela, que je ne reviendrais jamais bosser en France. Je vois mal un Lippi, un Cuper, un Van Gaal entraîner ici, leurs méthodes ne sont pas adaptées. "Or, la réussite d'un groupe, c'est aussi le lien entre celui qui commande et ceux qui réagissent. Aujourd'hui, je réveille donc des sensations, des racines que j'avais à mes débuts. Au Red Star, j'avais des relations affectives, je déjeunais avec mes joueurs, dont certains étaient plus âgés que moi.
"J'alterne ma responsabilité, la distance du sélectionneur. On a tendance à banaliser cette fonction. Mais dans ce métier d'exigence, le plaisir est minime, il se prend dans la souffrance."
Vous vous situez entre les deux écoles : celle d'éducateur et celle d'entraîneur ayant la culture de la gagne ?
"La culture de la gagne, je l'ai acquise à l'étranger. Mais la notion d'éducation, cette base, il la faut. En France, nous sommes les premiers à l'avoir mise en place. Pour cela, il faut des éducateurs.
"Moi, je ne me sens pas capable de prendre un centre de formation, je n'aurais plus les compétences. Dans une carrière, il faut passer par ce stade, ce pointillisme. Il y a quinze ans, je remplissais des cahiers de notes, aujourd'hui, sur un match observé, je n'écris que quelques lignes, je suis plus expert.
"Un éducateur est formé pour un club, gérer les dix-huit équipes, les bus, l'arbitrage, la pharmacie. L'éducateur français est vraiment armé. Le sélectionneur travaille uniquement pour l'équipe, il est confronté à l'exigence du terrain, du public, au joueur qui ne joue pas."
Votre travail est différent à Marseille ?
"Mon boulot de professionnel est de rendre un groupe rentable. Autour, il y a le spectacle. Notre théâtre, c'est le Vélodrome et plus on aura travaillé, plus on sera à même de rendre beau le spectacle. Si on ne se met pas minable à l'entraînement, on ne peut pas répondre en match.
"Au Vélodrome, on doit avoir un investissement en termes de caractère. Nous sommes des gladiateurs, nous devons en plus faire preuve de caractère; si on perd un ballon, ne pas lâcher l'adversaire, prendre un coup, en remettre deux. Dans la culture de la victoire à Marseille, c'est ce qu'on attend de nous. L'équipe doit coller aux attentes sociales. La victoire à Toulouse colle à cette réalité."
"José s'est sacrifié pour délivrer un message"
Sentez-vous une différence dans le vestiaire, au Vélodrome ou en déplacement ?
"Pas vraiment. Dans la crise de confiance, on peut comprendre que les joueurs se soient sentis un peu plus protégés à l'extérieur. Mais le Vélodrome est si beau quand il est joyeux."
Vous avez tout de même vécu une situation inédite, avec un entraîneur quittant son poste et non pas limogé par ses dirigeants et qui accueille son successeur...
"Le départ de José a été sa propre initiative. Une façon de se sacrifier pour délivrer un message aux joueurs. Et il a participé à la recherche de son successeur. Les critères de ce choix c'était de ne pas prendre un nouvel entraîneur qui vienne tout démolir.
"La démarche a été intelligente, car l'équipe était calée sur ses objectifs. Ils ont pris quelqu'un de nouveau, atypique et pour le moment, nous avons maintenu l'écart qui existait. On pourrait même imaginer que je parte et que José revienne. La question est de savoir si le maintien de la situation n'aurait pas agrandi cet écart, mais dans le fond, on peut dire : à quoi servez-vous, vous êtes dans la même position ? Si hémorragie il y avait, on l'a au moins stoppée."
"J'ai maintenu le cap sans demander de joueur"
Quand Philippe Troussier est arrivé, son discours était : "L'OM n'est pas malade mais manque de confiance". Il a voulu la restaurer en appliquant immédiatement des méthodes qui ont surpris, brusqué, avant de rencontrer l'adhésion et les résultats. "Le terme brusquer appartient aux a priori que l'on avait à mon arrivée. J'étais perçu comme un tyran, un dictateur. Certaines personnes se sont bloquées sur cette attitude, n'ont pas attendu. Or, je n'ai pas tellement bousculé les choses, je me suis appuyé sur ce qui fonctionnait bien, j'ai fait comprendre aux joueurs que je comptais sur eux. Aujourd'hui, nous récoltons les fruits de cette politique de confiance. Comment pourrais je prôner cette confiance si j'avais utilisé le mercato pour changer l'équipe ? Je maintiens le cap.
"Je voulais aussi une relation plus professionnelle des joueurs avec la presse. Les joueurs ont des devoirs et j'ai été surpris que le devoir de communiquer n'ait pas existé de leur part. Ce doit être un minimum."
L'OM a donc atteint la date limite de la période des transferts hivernaux en suscitant quelques fantasmes, quelques rumeurs mais en laissant passer le train du mercato sans le prendre. Une politique de sagesse que l'entraîneur avalise totalement, pour plus de stabilité.
"Il faut qu'on dépasse le match de demain, qu'il ne soit plus un match couperet. L'actionnaire a déjà mis beaucoup d'argent dans ce club. Il est en droit d'attendre que l'entraîneur et les joueurs se mettent au boulot. C'est trop facile de tendre la main pour demander de l'argent. Je ne crois pas au joueur providentiel. Je préfère jouer sur les valeurs que nous développons aujourd'hui.
"Je n'ai demandé ni argent ni joueur. Le club avait assuré l'essentiel par l'intermédiaire de mon prédécesseur, José Anigo. Il a souhaité partir pour des raisons qui lui appartiennent. Il a souhaité créer un choc, qui a été compris. Les joueurs ont été obligés de se mettre au boulot."
"Prochain objectif : onze points sur quinze"
L'OM vient d'obtenir 12 points sur 15 alors que l'entraîneur en visait 9. Il faut croire que la méthode a du bon, puisqu'il a décidé de fixer un autre contrat à remplir au cours des six semaines qui viennent.
"Nous créons des sous-objectifs en terme de points pour que les joueurs puissent toucher du doigt un objectif. A Marseille, on a tendance à croire qu'on est éliminé dès qu'on perd un match. L'idée était de donner des temps de passage comme pour le record de l'heure. Ça relativise la victoire, ça dédramatise la défaite.
"La deuxième série va être différente. En janvier, nous jouions tous les trois jours, en février, tous les dix jours. Jusqu'à la mi-mars, pour les cinq matches à venir, je leur ai fixé un barème de 11 points, avec trois matches à domicile, Rennes, Istres et Lens, deux à l'extérieur, Bastia et Saint-Etienne. On leur demande donc de répéter ce bloc de cinq matches. II faudra trouver, en termes de préparation, comment garder la même compétitivité avec des laps de temps plus grands entre les rencontres.
"On est dans l'Alpe d'Huez, avec ses 21 virages. L'objectif, ce n'est pas d'être premier au premier virage, mais en haut. Il faut garder les leaders en point de mire".
Le vrai objectif demeure le même : la Ligue des champions, alors qu'elle semblait s'éloigner en décembre.
"A mon arrivée, l'équipe était en crise de confiance. Quand José a décidé de partir, l'équipe était septième à trois points du troisième. Parfaitement en relation avec ses objectifs. Anigo avait parfaitement assuré l'essentiel. Ne pas y croire, c'était se référer à d'autres données. Mais mathématiquement, on devait y croire. C'était peut-être en termes de contenu.
"La Ligue des champions, c'est un ticket, mais il faut s'y inscrire dans la durée. Qu'on se donne trois ans pour passer le premier tour, deux ans pour passer les huitièmes, qu'on soit champion d'Europe dans les dix prochaines d'années. C'est ça la Ligue des champions, non pas être présent en juin, élimine en septembre et changer dix joueurs et l'entraîneur."
"L'OM a 10 millions de supporters"
Parisien de naissance, citoyen du monde, surnommé le "sorcier blanc" en Afrique, ivoirien, marocain, nigérian, sud-africain, qatari ou japonais à ses heures, Philippe Troussier a découvert à Marseille un autre univers qu'il aimerait encore mieux connaître.
Quelque chose vous a-t-il surpris à Marseille ? Ou dans le contexte marseillais, s'il est tel qu'on le décrit...
"Il existe. La présence du club dans la région touche les individus sociologiquement, politiquement. Vous perdez un match, ce qui a été le cas récemment à domicile et vous avez le sentiment que la ville est perturbée. Je le vois en croisant le concierge de l'hôtel ou le serveur du restaurant. On peut parfois parler de déprime.
"L'impact est réel. Mais je ne suis pas impressionné; quand vous êtes sélectionneur national, vous jouez pour tout le pays, soit 120 millions d'habitants au Japon. Heureusement que je ne suis pas sensible à cet aspect-là, que je ne me sens pas français, que je ne cherche pas à séduire, à me rassurer.
"Aurais-je les épaules assez larges pour supporter les quelque 10 millions de supporters de l'OM en France ? Car je reçois plus de courrier d'autres régions de France."
Quel type de courrier recevez-vous ?
"Il y en a qui m'envoient des compos d'équipe. Il y a un Nordiste extraordinaire, qui a 84 ans et qui m'engueule toutes les semaines. Un jour, je vais lui faire la surprise de taper à sa porte. C'est un fou de l'OM qui n'a peut-être jamais mis les pieds à Marseille !
Les gens m'engueulent comme un papa engueule un fils. C'est une démarche affective. Et je leur réponds.
"Je me suis monté un service de presse personnel, quelqu'un m'aide à répondre. J'en ai même appelé au téléphone ! Une fois, j'ai eu une dame, son mari n'était pas là. Je lui ai dit : "Je vais tenir compte de ses remarques, je vais modifier ma stratégie."
"Quand j'étais gamin, je rêvais du foot. Ce retour vers les gens est important. S'il faut signer des autographes, je les signe, je n'admets pas que les joueurs se dérobent quand des gens poireautent devant La Commanderie alors qu'ils viennent parfois de très loin."
Vous êtes-vous imprégné de la vie marseillaise ?
"Pas encore. Ma méconnaissance est liée au manque de temps.
Mais je vais le prendre. Dès cette semaine, je vais aller manger dans un petit resto qu'on m'a indiqué. Pas au hasard, car vu mon statut, je ne peux pas me rendre partout, on me reconnaît, je vais perturber les gens. Je suis frustré de ne pas partager la vie des Marseillais au quotidien. Il me faudrait une moustache, une casquette, pour faire les antiquaires ou partager un sandwich sur le port. J'aimerais me balader dans les petites rues, dans la région. Je vais le faire."
Au Maroc, l'anonymat est plus facile ?
"Non, mais je ne suis pas l'entraîneur du Maroc. J'ai failli l'être mais je ne veux pas. J'apprécie trop ce pays en étant déconnecté des affaires du football. Et les Marocains sont fiers d'avoir l'entraîneur de l'OM".
"Je n'ai jamais dit que je ne resterais pas"
Philippe Troussier a signé un contrat le liant à l'OM jusqu'en juin 2006. Au départ, les deux parties ne voulaient aller que jusqu'à la fin de l'actuelle saison, mais le règlement ne l'autorisait pas. Il répète donc aujourd'hui qu'il discutera en fin de saison. Sans exclure aucune hypothèse.
"Mon message s'inscrit dans les dix prochaines années. Que ma présence s'inscrive à plus court terme, c'est la loi de ce métier-là. Je ne pouvais pas imaginer en disant qu'en fin de saison, on se mettrait autour d'une table pour discuter de l'avenir de ma collaboration à l'OM, ce serait considéré comme extravagant. C'est franc et transparent. "Une mission sera terminée en juin, avec des objectifs atteints ou pas; je n'ai jamais dit que je mettrai un terme à ma carrière à Marseille. Si pour une raison ou une autre, ça ne marche pas, on peut se séparer, c'est honnête. Pour moi, le contrat n'a pas de valeur, sinon administrative. Le vrai contrat est moral. Je fonctionne à l'objectif.
Si on ne peut pas s'entendre, je ne ferai pas valoir mes droits en disant : il me reste tant, on me doit tant."
L'entraîneur vit à Marseille "en immersion totale", sa femme et sa fille étant restées à Rabat. Mais pourrait-il envisager de vivre différemment, avec elles, en poursuivant l'aventure ?
"Oui. La région est sympa, agréable. Je suis encore en immersion : hôtel, Commanderie, Vélodrome. Je m'ennuie beaucoup de ma famille. J'ai toujours fonctionné ainsi, mais j'ai adopté une petite fille et à 50 ans, on relativise. II y a des choses plus importantes qu'une défaite."
Un élément pas négligeable du tout peut peser dans la balance : sa santé. Déjà opéré d'un genou, Philippe Troussier risque fort de devoir passer sur le billard pour le deuxième dans les mois qui viennent. "Je dois retourner voir le professeur Saillant. Si je subis une autre ostéotomie, cela signifie trois mois d'arrêt."
EN TOUTE CONFIANCE...
Philippe Troussier se livre rarement en dehors du cadre professionnel. Il a accepté de le faire hier, pour L.P.
Philippe Troussier ne s'était pas encore confié en dehors du cadre de La Commanderie ou du Vélodrome. Hier, à 11 heures, il nous a reçus au Sofitel Palm Beach, sa résidence marseillaise, comme elle fut celle de Raymond Goethals entre 1991 et 93. Une heure et demie d'entretien, agrémenté d'une prolongation sur la terrasse, au soleil, en toute confiance. Cette confiance que l'entraîneur de l'OM a su restaurer dans son équipe.
Philippe, l'OM correspond-il à l'idée que vous vous en faisiez ?
"Une fois à l'intérieur, je me rends compte qu'il y a moins de pression qu'on ne le croit. J'avais déjà vécu cette expérience à l'étranger. Quand il y avait un coup d'Etat dans un pays africain, mes parents m'appelaient parce qu'ils avaient vu à la télé des gens tirer à la mitraillette. Et il y avait un gros décalage avec la réalité que je vivais.
"A l'OM, je me crée ma bulle. Si on tient compte de tout, on ne peut pas faire son métier. Comme un chef d'Etat, qui ne peut pas demander son avis à tout le monde. Il faut se tenir à sa ligne de conduite."
Avez-vous toujours fonctionné ainsi ?
"Jeune entraîneur, j'avançais tête baissée avec des certitudes. Aujourd'hui, j'ai une stratégie, je sais que tel stimulus va provoquer telle réaction. Mais en même temps, l'expérience peut fragiliser, parce qu'on connaît les conséquences des choix."
A l'étranger, les barrières de la langue et de la culture, vous rendaient plus imperméable; c'est moins évident ici...
"J'étais plus hermétique. Mais ici, ma démarche est celle d'un étranger. Je ne connaissais pas cette région de France, j'avais quitté mon pays il y a quinze ans. Je ne colle pas à l'ethnie, à la manière dont ça fonctionne aujourd'hui en France. Ça me donne du recul, je m'emballe moins qu'un Français, je dégage vite les situations. Le milieu français est affectif et moi, je n'ai pas travaillé comme ça, ma relation est plus distante, plus directive. Aujourd'hui, je comprends qu'il faut ces liens affectifs, j'essaie de m'adapter."
"La culture de la gagne acquise à l'étranger"
Il vous faut à la fois une bulle et une adaptation à l'environnement ?
"C'est le fruit de l'expérience. Je suis de culture française, mais je l'ai partagée avec d'autres. En France, j'étais éducateur. On est formé ainsi. Rassembler, fédérer, faire preuve de psychologie. Alors que l'entraîneur a d'autres valeurs à l'étranger. J'ai longtemps cru, à cause de cela, que je ne reviendrais jamais bosser en France. Je vois mal un Lippi, un Cuper, un Van Gaal entraîner ici, leurs méthodes ne sont pas adaptées. "Or, la réussite d'un groupe, c'est aussi le lien entre celui qui commande et ceux qui réagissent. Aujourd'hui, je réveille donc des sensations, des racines que j'avais à mes débuts. Au Red Star, j'avais des relations affectives, je déjeunais avec mes joueurs, dont certains étaient plus âgés que moi.
"J'alterne ma responsabilité, la distance du sélectionneur. On a tendance à banaliser cette fonction. Mais dans ce métier d'exigence, le plaisir est minime, il se prend dans la souffrance."
Vous vous situez entre les deux écoles : celle d'éducateur et celle d'entraîneur ayant la culture de la gagne ?
"La culture de la gagne, je l'ai acquise à l'étranger. Mais la notion d'éducation, cette base, il la faut. En France, nous sommes les premiers à l'avoir mise en place. Pour cela, il faut des éducateurs.
"Moi, je ne me sens pas capable de prendre un centre de formation, je n'aurais plus les compétences. Dans une carrière, il faut passer par ce stade, ce pointillisme. Il y a quinze ans, je remplissais des cahiers de notes, aujourd'hui, sur un match observé, je n'écris que quelques lignes, je suis plus expert.
"Un éducateur est formé pour un club, gérer les dix-huit équipes, les bus, l'arbitrage, la pharmacie. L'éducateur français est vraiment armé. Le sélectionneur travaille uniquement pour l'équipe, il est confronté à l'exigence du terrain, du public, au joueur qui ne joue pas."
Votre travail est différent à Marseille ?
"Mon boulot de professionnel est de rendre un groupe rentable. Autour, il y a le spectacle. Notre théâtre, c'est le Vélodrome et plus on aura travaillé, plus on sera à même de rendre beau le spectacle. Si on ne se met pas minable à l'entraînement, on ne peut pas répondre en match.
"Au Vélodrome, on doit avoir un investissement en termes de caractère. Nous sommes des gladiateurs, nous devons en plus faire preuve de caractère; si on perd un ballon, ne pas lâcher l'adversaire, prendre un coup, en remettre deux. Dans la culture de la victoire à Marseille, c'est ce qu'on attend de nous. L'équipe doit coller aux attentes sociales. La victoire à Toulouse colle à cette réalité."
"José s'est sacrifié pour délivrer un message"
Sentez-vous une différence dans le vestiaire, au Vélodrome ou en déplacement ?
"Pas vraiment. Dans la crise de confiance, on peut comprendre que les joueurs se soient sentis un peu plus protégés à l'extérieur. Mais le Vélodrome est si beau quand il est joyeux."
Vous avez tout de même vécu une situation inédite, avec un entraîneur quittant son poste et non pas limogé par ses dirigeants et qui accueille son successeur...
"Le départ de José a été sa propre initiative. Une façon de se sacrifier pour délivrer un message aux joueurs. Et il a participé à la recherche de son successeur. Les critères de ce choix c'était de ne pas prendre un nouvel entraîneur qui vienne tout démolir.
"La démarche a été intelligente, car l'équipe était calée sur ses objectifs. Ils ont pris quelqu'un de nouveau, atypique et pour le moment, nous avons maintenu l'écart qui existait. On pourrait même imaginer que je parte et que José revienne. La question est de savoir si le maintien de la situation n'aurait pas agrandi cet écart, mais dans le fond, on peut dire : à quoi servez-vous, vous êtes dans la même position ? Si hémorragie il y avait, on l'a au moins stoppée."
"J'ai maintenu le cap sans demander de joueur"
Quand Philippe Troussier est arrivé, son discours était : "L'OM n'est pas malade mais manque de confiance". Il a voulu la restaurer en appliquant immédiatement des méthodes qui ont surpris, brusqué, avant de rencontrer l'adhésion et les résultats. "Le terme brusquer appartient aux a priori que l'on avait à mon arrivée. J'étais perçu comme un tyran, un dictateur. Certaines personnes se sont bloquées sur cette attitude, n'ont pas attendu. Or, je n'ai pas tellement bousculé les choses, je me suis appuyé sur ce qui fonctionnait bien, j'ai fait comprendre aux joueurs que je comptais sur eux. Aujourd'hui, nous récoltons les fruits de cette politique de confiance. Comment pourrais je prôner cette confiance si j'avais utilisé le mercato pour changer l'équipe ? Je maintiens le cap.
"Je voulais aussi une relation plus professionnelle des joueurs avec la presse. Les joueurs ont des devoirs et j'ai été surpris que le devoir de communiquer n'ait pas existé de leur part. Ce doit être un minimum."
L'OM a donc atteint la date limite de la période des transferts hivernaux en suscitant quelques fantasmes, quelques rumeurs mais en laissant passer le train du mercato sans le prendre. Une politique de sagesse que l'entraîneur avalise totalement, pour plus de stabilité.
"Il faut qu'on dépasse le match de demain, qu'il ne soit plus un match couperet. L'actionnaire a déjà mis beaucoup d'argent dans ce club. Il est en droit d'attendre que l'entraîneur et les joueurs se mettent au boulot. C'est trop facile de tendre la main pour demander de l'argent. Je ne crois pas au joueur providentiel. Je préfère jouer sur les valeurs que nous développons aujourd'hui.
"Je n'ai demandé ni argent ni joueur. Le club avait assuré l'essentiel par l'intermédiaire de mon prédécesseur, José Anigo. Il a souhaité partir pour des raisons qui lui appartiennent. Il a souhaité créer un choc, qui a été compris. Les joueurs ont été obligés de se mettre au boulot."
"Prochain objectif : onze points sur quinze"
L'OM vient d'obtenir 12 points sur 15 alors que l'entraîneur en visait 9. Il faut croire que la méthode a du bon, puisqu'il a décidé de fixer un autre contrat à remplir au cours des six semaines qui viennent.
"Nous créons des sous-objectifs en terme de points pour que les joueurs puissent toucher du doigt un objectif. A Marseille, on a tendance à croire qu'on est éliminé dès qu'on perd un match. L'idée était de donner des temps de passage comme pour le record de l'heure. Ça relativise la victoire, ça dédramatise la défaite.
"La deuxième série va être différente. En janvier, nous jouions tous les trois jours, en février, tous les dix jours. Jusqu'à la mi-mars, pour les cinq matches à venir, je leur ai fixé un barème de 11 points, avec trois matches à domicile, Rennes, Istres et Lens, deux à l'extérieur, Bastia et Saint-Etienne. On leur demande donc de répéter ce bloc de cinq matches. II faudra trouver, en termes de préparation, comment garder la même compétitivité avec des laps de temps plus grands entre les rencontres.
"On est dans l'Alpe d'Huez, avec ses 21 virages. L'objectif, ce n'est pas d'être premier au premier virage, mais en haut. Il faut garder les leaders en point de mire".
Le vrai objectif demeure le même : la Ligue des champions, alors qu'elle semblait s'éloigner en décembre.
"A mon arrivée, l'équipe était en crise de confiance. Quand José a décidé de partir, l'équipe était septième à trois points du troisième. Parfaitement en relation avec ses objectifs. Anigo avait parfaitement assuré l'essentiel. Ne pas y croire, c'était se référer à d'autres données. Mais mathématiquement, on devait y croire. C'était peut-être en termes de contenu.
"La Ligue des champions, c'est un ticket, mais il faut s'y inscrire dans la durée. Qu'on se donne trois ans pour passer le premier tour, deux ans pour passer les huitièmes, qu'on soit champion d'Europe dans les dix prochaines d'années. C'est ça la Ligue des champions, non pas être présent en juin, élimine en septembre et changer dix joueurs et l'entraîneur."
"L'OM a 10 millions de supporters"
Parisien de naissance, citoyen du monde, surnommé le "sorcier blanc" en Afrique, ivoirien, marocain, nigérian, sud-africain, qatari ou japonais à ses heures, Philippe Troussier a découvert à Marseille un autre univers qu'il aimerait encore mieux connaître.
Quelque chose vous a-t-il surpris à Marseille ? Ou dans le contexte marseillais, s'il est tel qu'on le décrit...
"Il existe. La présence du club dans la région touche les individus sociologiquement, politiquement. Vous perdez un match, ce qui a été le cas récemment à domicile et vous avez le sentiment que la ville est perturbée. Je le vois en croisant le concierge de l'hôtel ou le serveur du restaurant. On peut parfois parler de déprime.
"L'impact est réel. Mais je ne suis pas impressionné; quand vous êtes sélectionneur national, vous jouez pour tout le pays, soit 120 millions d'habitants au Japon. Heureusement que je ne suis pas sensible à cet aspect-là, que je ne me sens pas français, que je ne cherche pas à séduire, à me rassurer.
"Aurais-je les épaules assez larges pour supporter les quelque 10 millions de supporters de l'OM en France ? Car je reçois plus de courrier d'autres régions de France."
Quel type de courrier recevez-vous ?
"Il y en a qui m'envoient des compos d'équipe. Il y a un Nordiste extraordinaire, qui a 84 ans et qui m'engueule toutes les semaines. Un jour, je vais lui faire la surprise de taper à sa porte. C'est un fou de l'OM qui n'a peut-être jamais mis les pieds à Marseille !
Les gens m'engueulent comme un papa engueule un fils. C'est une démarche affective. Et je leur réponds.
"Je me suis monté un service de presse personnel, quelqu'un m'aide à répondre. J'en ai même appelé au téléphone ! Une fois, j'ai eu une dame, son mari n'était pas là. Je lui ai dit : "Je vais tenir compte de ses remarques, je vais modifier ma stratégie."
"Quand j'étais gamin, je rêvais du foot. Ce retour vers les gens est important. S'il faut signer des autographes, je les signe, je n'admets pas que les joueurs se dérobent quand des gens poireautent devant La Commanderie alors qu'ils viennent parfois de très loin."
Vous êtes-vous imprégné de la vie marseillaise ?
"Pas encore. Ma méconnaissance est liée au manque de temps.
Mais je vais le prendre. Dès cette semaine, je vais aller manger dans un petit resto qu'on m'a indiqué. Pas au hasard, car vu mon statut, je ne peux pas me rendre partout, on me reconnaît, je vais perturber les gens. Je suis frustré de ne pas partager la vie des Marseillais au quotidien. Il me faudrait une moustache, une casquette, pour faire les antiquaires ou partager un sandwich sur le port. J'aimerais me balader dans les petites rues, dans la région. Je vais le faire."
Au Maroc, l'anonymat est plus facile ?
"Non, mais je ne suis pas l'entraîneur du Maroc. J'ai failli l'être mais je ne veux pas. J'apprécie trop ce pays en étant déconnecté des affaires du football. Et les Marocains sont fiers d'avoir l'entraîneur de l'OM".
"Je n'ai jamais dit que je ne resterais pas"
Philippe Troussier a signé un contrat le liant à l'OM jusqu'en juin 2006. Au départ, les deux parties ne voulaient aller que jusqu'à la fin de l'actuelle saison, mais le règlement ne l'autorisait pas. Il répète donc aujourd'hui qu'il discutera en fin de saison. Sans exclure aucune hypothèse.
"Mon message s'inscrit dans les dix prochaines années. Que ma présence s'inscrive à plus court terme, c'est la loi de ce métier-là. Je ne pouvais pas imaginer en disant qu'en fin de saison, on se mettrait autour d'une table pour discuter de l'avenir de ma collaboration à l'OM, ce serait considéré comme extravagant. C'est franc et transparent. "Une mission sera terminée en juin, avec des objectifs atteints ou pas; je n'ai jamais dit que je mettrai un terme à ma carrière à Marseille. Si pour une raison ou une autre, ça ne marche pas, on peut se séparer, c'est honnête. Pour moi, le contrat n'a pas de valeur, sinon administrative. Le vrai contrat est moral. Je fonctionne à l'objectif.
Si on ne peut pas s'entendre, je ne ferai pas valoir mes droits en disant : il me reste tant, on me doit tant."
L'entraîneur vit à Marseille "en immersion totale", sa femme et sa fille étant restées à Rabat. Mais pourrait-il envisager de vivre différemment, avec elles, en poursuivant l'aventure ?
"Oui. La région est sympa, agréable. Je suis encore en immersion : hôtel, Commanderie, Vélodrome. Je m'ennuie beaucoup de ma famille. J'ai toujours fonctionné ainsi, mais j'ai adopté une petite fille et à 50 ans, on relativise. II y a des choses plus importantes qu'une défaite."
Un élément pas négligeable du tout peut peser dans la balance : sa santé. Déjà opéré d'un genou, Philippe Troussier risque fort de devoir passer sur le billard pour le deuxième dans les mois qui viennent. "Je dois retourner voir le professeur Saillant. Si je subis une autre ostéotomie, cela signifie trois mois d'arrêt."





- yanomval
- Flamini : tu postes comme un fou mais on sait que tu cherches un autre forum
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J'aime bien ce passage !
Vais lui envoyer ma compo South Park pour qu'il change ses tactiques


Pis celui-là :"Au Vélodrome, on doit avoir un investissement en termes de caractère. Nous sommes des gladiateurs, nous devons en plus faire preuve de caractère; si on perd un ballon, ne pas lâcher l'adversaire, prendre un coup, en remettre deux."
Mais le Vélodrome est si beau quand il est joyeux."

Vais lui envoyer ma compo South Park pour qu'il change ses tactiques

- marcelo
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<!--QuoteBegin-chuck13+Feb 4 2005, 06:39 PM--></div><table border='0' align='center' width='95%' cellpadding='3' cellspacing='1'><tr><td>QUOTE (chuck13 @ Feb 4 2005, 06:39 PM)</td></tr><tr><td id='QUOTE'><!--QuoteEBegin--> content de voir que sa periode jc.vandame n'a pas duré
[/quote]
faut pas s'y fier, tout ça c'est retravaillé par les journalistes. Fiorèse passe presque pour un intello dans ses interviews papier, avec de belles phrases etc. En Itw Télé, c'est complètement autre chose
mdr2

faut pas s'y fier, tout ça c'est retravaillé par les journalistes. Fiorèse passe presque pour un intello dans ses interviews papier, avec de belles phrases etc. En Itw Télé, c'est complètement autre chose

- marcelo
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Source site off :

Philippe nous lit !Philippe Troussier capitalise sur cet optimisme et cet enthousiasme. Il en perçoit les effets quotidiens et les interprètent comme des signes d’augure favorable. «Plein de signaux me montrent que nous nous sommes bien enquillés : le comportement des joueurs à l’entraînement, leurs déclarations devant la presse, ou encore les commentaires des supporters que je peux lire sur internet…»



- beyonder
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- Boor
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