Bernard Tapie en victime
La cour d'appel de Paris avait fait une erreur de calcul au détriment de l'ancien ministre dans l'arrêt sur l'affaire Adidas.
Bernard Tapie n'en a pas encore fini avec le différend qui, depuis de nombreuses années, l'oppose au Crédit Lyonnais au sujet de la vente d'Adidas. Après eu raison devant la Cour d'appel de Paris en septembre dernier, l'ancien homme d'affaires va devoir à nouveau plaider sa cause pour une erreur commise par les magistrats lors de la rédaction de l'arrêt.
En effet, la cour d'appel de Paris avait fait une erreur de calcul au détriment de Tapie dans l'arrêt sur l'affaire Adidas allouant 135 millions d'euros à l'ancien ministre. Depuis, la Cour a certes corrigé son erreur sans pour autant revoir à la hausse les dommages-intérêts de l'homme d'affaires. Joint hier au téléphone, Bernard Tapie a confirmé qu'il entendait obtenir gain de cause devant une autre Cour d'appel. En effet, l'affaire devrait être rejugée par une autre juridiction qui devrait être désignée par la Cour de cassation, le ministère des Finances ayant fait un pourvoi.
Le 30 septembre 2005, la 3e chambre de la cour d'appel de Paris avait condamné l'Etat, par le biais du Consortium de réalisation (CDR), organisme public chargé d'assumer la gestion passée du Crédit Lyonnais, à payer 135 millions d'euros à Bernard Tapie, dans le litige sur la cession d'Adidas à Robert Louis-Dreyfus en 1993-1994. Mais voilà, en prenant connaissance de l'arrêt, l'avocat de Tapie, Me Maurice Lantourne, avait relevé une erreur de calcul dans la décision. « Cette erreur, explique l'avocat, est susceptible d'entraîner une révision à la hausse du montant des dommages-intérêts alloués à Bernard Tapie ».
« La perte de chance »
Les magistrats de la Cour d'appel de Paris écrivaient dans leur premier arrêt : « La perte de chance de réaliser le gain dont a été privé le groupe Tapie est constituée par la différence entre le prix de vente des 78 % du capital d'Adidas en décembre 1994 (3,498 milliards FF) et le prix perçu en janvier 1993 (2,85 milliards FF), soit 1,313 milliard FF, dont le tiers (438 millions) serait revenu au groupe Tapie, les deux tiers (875 millions) au Crédit lyonnais ».
Or, l'opération consistant à soustraire 2,85 milliards FF de 3,498 milliards FF aboutit à un résultat d'1,413 milliard FF et non 1,313 FF, comme indiqué par erreur par la cour. Sur les 100 millions de francs « oubliés » par la cour, un tiers revient à Tapie, soit environ 33,3 millions de francs (près de 5,08 millions d'euros). « Conclusion, estime Me Lantourne, si l'on suit le mode de calcul de la cour pour réévaluer ce montant, on aboutit à une somme d'environ 10,61 millions d'euros. Le montant des dommages-intérêts de Bernard Tapie est donc de 145,61 millions d'euros environ ».
Mais dans un arrêt rectificatif daté du 28 avril, la cour d'appel, qui admet son erreur, ne modifie pas à la hausse les indemnités. Selon la Cour, « ces erreurs n'affectent pas le montant définitif des dommages-intérêts qui résulte de l'appréciation par la cour de la perte de chance ».
L'arrêt du 30 septembre rectifié par la même juridiction ayant commis l'erreur, fait l'objet d'un pourvoi en cassation du CDR qui sera examiné le 4 juillet prochain.
Il est fort probable que la Cour de cassation casse cet arrêt avant de renvoyer le dossier à une autre Cour d'Appel. Ce qui aura pour conséquence la remise des compteurs à zéro. Avec à la clé une décision qui ne ressemblera pas forcément à la première. Les magistrats qui auront à rejuger n'étant pas tenus par la décision de leurs collègues initialement saisis. « Je m'attends à tout », lâche Bernard Tapie un peu désabusé. En effet, malgré cette petite erreur de calcul, Tapie était sorti grand vainqueur de sa confrontation judiciaire avec le CDR. Rien ne dit que la chance repassera une deuxième fois.
Laïd SAMMARI