Football
Châtel-Saint-Denis (Suisse)
Envoyé spécial (Le Monde)
Les critiques qui ont suivi la copie rendue par les Bleus lors de leur premier match de l’Euro contre les Roumains (0-0), les supputations sur les chances de la rance de sortir vivante du « groupe de la mort », les effets de manche à quarantehuit heures d’un match crucial face aux Pays-Bas, vendredi 13 juin, à Berne, aymond Domenech laisse cela à d’autres. Le sélectionneur français n’en a cure ou feint de ne pas s’y intéresser.
La partition n’est pas nouvelle mais, avouons-le, l’entraîneur améliore de jour en jour ses qualités d’interprète. Mercredi, sous le chapiteau de Châtel-Saint-Denis, le petit village où s’entraînent les Français, le chef d’orchestre des Bleus a livré l’un de ses meilleurs concerts.
Le sélectionneur excelle dans le registre du contournement. Un journaliste l’interroge sur ses choix tactiques face à la Roumanie : Raymond Domenech se présente en « entraîneur de base » indiquant à ses joueurs des « consignes stupides ». Le technicien dirigera pourtant le 13 juin au soir sa 53e rencontre à la tête de l’équipe de France A, autant qu’Aimé Jacquet (sélectionneur entre 1994 et 1998) et Roger Lemerre (entre 1998 et 2002). Un autre envoyé spécial le sonde sur la composition du onze qui affrontera les Pays-Bas, vainqueurs par KO des champions du monde italiens (3-0) le 9 juin : il annonce quatre postes pouvant donner lieu à un changement de titulaire et s’empresse de glisser, « tu peux me croire… si tu en as envie » !
Raymond Domenech joue avec la presse et souvent se joue d’elle. « Quand je discute avec Aimé Jacquet et qu’il me dit quelque chose, cela me touche. C’est probablement juste, cela vient d’un technicien de haut niveau, expliquait-il au Monde mi-avril. Quand un journaliste écrit quelque chose, j’ai envie de lui dire “corrige ta formule” ! Sur le fond, il ne sera jamais crédible, il maîtrise la forme, mais pas le fond du foot. » Et l’entraîneur des Bleus de poursuivre : « J’ai une forme de cohérence, je ne suis pas influençable par l’extérieur. A l’intérieur du groupe en revanche, je suis à l’écoute. »
Pour quoi faire ?
Sous la tente géante des conférences de presse, le long de laquelle s’agglutinent les voitures des médias de l’Europe entière, le discours
reste le même. Séduire le public par un football plus offensif, plus débridé, pour quoi faire ? « L’objectif n’est pas de séduire ou de réussir d’entrée un match exceptionnel puis de se ramasser ensuite. C’est de jouer de mieux en mieux et d’avancer. » Même si, à progresser à si petits pas, les Bleus risquent de
rater leur rendez-vous avec l’Euro. « Je crois à la stabilité, à la force de l’équipe, à la solidité de sa défense », martèle Raymond Domenech.
Face auxPays-Bas, Thierry Henry, en attaque, devrait faire son retour, remis de sa contracture à la cuisse. Patrick Vieira, le capitaine aux 105 sélections, a lui aussi retrouvé l’entraînement. Sur le cas des deux hommes, Raymond Domenech, fidèle à sa ligne de conduite, ne s’arrête pas vraiment. La veille, William Gallas avait évoqué le sujet.« Avec Thierry, Nico [Anelka] ou Karim [Benzema], on a des attaquants très rapides, qui vont nous permettre de jouer en
contre-attaque, au cas où les Hollandais se découvrent un peu », espéraitil. La philosophie du sélectionneur est bien intégrée. « La sélection batave est impressionnante, elle est capable de jouer vite, à une touche de balle, en mouvement », prévient Raymond Domenech, qui n’hésite jamais à enfoncer
une porte ouverte. Dire une chose, la relativiser, entretenir le doute. La parole est aux exégètes. « Avoir des certitudes lorsqu’on fait partie d’un groupe comme celui-ci, avec l’Italie et les Pays-Bas, c’est être fou. Je ne le suis pas ! », ironise le sélectionneur.