
Ibrahima Bakayoko est très indécis sur son avenir. Il n’est pas jugé indésirable à l’OM mais n’est pas encore suffisamment désiré ailleurs. Il résiste à l’incertitude de son statut en préconisant l’honnêteté
Le sentiment est patent: son début de saison projette des images visionnées. Ses phrases ont un air de déjà entendu, parfois trop. Ses maux bégayent, ils sentent la lassitude.
Ibrahima Bakayoko a le sourire intermittent, l’avenir flou, les idées confuses. Dans son histoire avec l’OM, au fil des mois, des incompréhensions passionnelles, des buts rares mais précieux, des oublis souvent trop nombreux, le verbe s’est alourdi un peu plus chaque jour, nourrissant une vieille rengaine: son départ.
Retracer une proximité de trois années découle sur le constat suivant: Bakayoko n’est pas seulement une carte secrète sortie pour illuminer de bonheur la première journée de championnat de l’OM. L’Ivoirien cultive une autre richesse: il alimente une chronique à lui tout seul.
Chaque but extériorise son amour pour le maillot qu’il porte, l’ambition d’être indispensable: "Il n’y a que ça actuellement qui peut me permettre de prouver que je suis capable d’apporter quelque chose à l’OM. Ou ailleurs." Dans l’énoncé, la coupure est flagrante: "Ou ailleurs."
"L’attaque n’a pas été efficace? Et alors, vous voulez que je porte plainte?" Le temps d’une intersaison, son nom a été rejeté au second plan, derrière Mido ou encore Drogba. Lui, meilleur buteur du club depuis trois saisons, relégué derrière ces renforts espérés pour stopper les carences offensives constatées la saison dernière. Baka ne s’en offusque pas et prend la situation avec une pointe d’humour: "Beaucoup de personnes ont dit que l’attaque n’était pas efficace et alors? Vous voulez quoi? Que je porte plainte?"
Sa situation évolue et son caractère ne l’autorise pas à se satisfaire de la condition de remplaçant à laquelle chacun le destine pour les mois à venir: "Un joueur ne peut pas se contenter d’un tel statut, corrige l’Ivoirien, sinon il manquerait d’ambition." Humainement, il n’est pourtant pas indésirable, seul son salaire cause souci aux dirigeants olympiens.
Dans la confidence, Alain Perrin admet "avoir beaucoup de tendresse pour Baka", mais ce sentiment ne constitue pas pour autant un privilège. Dans leur relation, les deux hommes reconnaissent des discussions franches.
"Un jour, il m’a téléphoné et la conversation a duré 46 minutes, se remémore Baka. Il n’a rien à me reprocher. Ma préparation est correcte, professionnelle." Alain Perrin n’en disconvient pas: "Quand on voit son envie, son implication, son efficacité aussi lors des matches amicaux où il a toujours marqué dans des temps de jeu limités, la réflexion à son sujet évolue."
"J’ai analysé tous mes moments difficiles, je n’ai pas d’inquiétude pour mon avenir"
Jusqu’où? La route de Baka est-elle obstruée? Il réclame une porte ouverte afin de partir si, enfin, une proposition intéressante lui parvient: "Les rendez-vous européens avec l’OM restent gravés dans ma tête, je ne conçois pas la suite de ma carrière sans Coupe d’Europe".
Pourquoi alors avoir repoussé l’offre du Besiktas, qualifié directement en Ligue des champions? Si cette volonté européenne est fortement ancrée en lui, alors on connaîtra avant le match contre Vienne ses intentions définitives. Disputer le 3etour préliminaire avec l’OM le priverait de compétition européenne avec tout autre club pour la saison en cours. Une éventualité qu’il étudie: "Je me suis renseigné pour connaître exactement le règlement à ce sujet, avoue Baka. Je ne connais pas trop la réponse."
Où qu’il aille, Ibrahima a la certitude "d’avoir les moyens d’apporter quelque chose".
Un sentiment renforcé ces dernières semaines: "J’ai analysé tous mes moments difficiles et je n’ai pas d’inquiétude pour mon avenir. Ma plus grosse richesse est l’éducation reçue de mes parents, elle me permet d’avoir les pieds sur terre, de résister, de rester honnête envers les autres et moi-même." C’est dans ce souvenir qu’il se réfugie pour rebondir. A l’OM ou ailleurs. En sachant qu’il n’est pas indésirable ici et pas suffisamment désiré ailleurs.
Thierry MURATELLE