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"Mostafa Mohamed (FC Nantes), le retour après l'arc-en-ciel
L'attaquant égyptien Mostafa Mohamed revient à la compétition avec le FC Nantes pour la réception de Montpellier samedi (17h00), six jours après avoir refusé de porter le maillot symbolisant la lutte contre l'homophobie et les discriminations.

Depuis son arrivée à Nantes, en début de saison, il est l'homme qui fait plus parler qu'il ne parle. Et cela ne risque pas de changer maintenant, six jours après que son forfait de dernière minute a laissé son équipe sans avant-centre pour le déplacement crucial à Toulouse (0-0).



Mostafa Mohamed (25 ans) connaissait, au-delà des conséquences sur ce match, la signification de son geste : après avoir été très durement attaqué en Égypte parce qu'il acceptait de rompre, à la demande d'Antoine Kombouaré, le jeûne du Ramadan les jours de match, il allait subir des critiques aussi virulentes en France pour s'être dérobé à un combat élémentaire pour l'égalité des droits. Et provoquer, peut-être, une cassure avec un public canari dont il était devenu un des chouchous. L'ultime malentendu en date entre le club et son meilleur attaquant.

Quand il a appris, dimanche en fin de matinée, qu'il devrait porter un maillot floqué aux couleurs de l'arc-en-ciel pour la journée de lutte contre l'homophobie et les discriminations dans le football, Mostafa Mohamed a aussi appréhendé l'attention extrême portée sur le sujet, depuis quelques heures, par les médias et les réseaux sociaux égyptiens. En mode :« Alors que plusieurs joueurs toulousains ont refusé de participer, Mohamed va-t-il, lui, obéir à son club après lui avoir déjà cédé lors du ramadan » ? « Oui, la question de l'homosexualité est un tabou dans notre pays, c'est le moins qu'on puisse dire », consent un confrère basé au Caire.

Associée aux fortes pressions subies par son entourage depuis des semaines, l'affaire devenait cornélienne. À l'arrivée, Nantes s'est trouvé privé au dernier moment de son meilleur argument offensif, et l'épisode ajoute à un sentiment commun de frustration. On peut résumer ainsi le constat préalable à ce dernier accroc : l'avant-centre attendait un autre traitement, plus conforme à son statut d'international égyptien ; le club espérait un autre investissement de la part du joueur.

Son investissement à l'entraînement jugé aléatoire par Kombouaré et son staff

Cet été, le FCN a découvert un homme plutôt solitaire, ombrageux. Mostafa Mohamed, qui maîtrise encore mal le français, a longtemps vécu en marge d'un vestiaire où il y a peu d'anglophones. Cela a été perçu comme de la fierté superflue, voire pire. En Égypte, on insiste sur sa timidité, on évoque plutôt un mal-être accentué par l'absence de sa femme et de son fils, qui ont attendu leurs visas pendant quatre mois avant de pouvoir le rejoindre en France.

Au cœur de cette première vie nantaise il y a eu, sur le terrain, quelques éclairs, comme l'ouverture du score face à Olympiakos en Ligue Europa (2-1, 1re journée), des séquences où ses qualités évoquaient aux anciens une filiation avec Viorel Moldovan. Mais aussi ce caractère affirmé quand il voulait tirer un penalty contre Brest, le 16 octobre (4-1), avant d'être ramené à la raison par Moses Simon, le numéro 2 dans la hiérarchie des tireurs derrière Ludovic Blas. Et devant lui.



En février dernier, sur le site du club, il se décrivait ainsi : « J'ai horreur de perdre. Lorsque j'étais plus jeune, au Zamalek SC, on nous inculquait le refus de la défaite. Je sais que, si on perd, mon père n'est pas bien. Ma famille, aussi, déteste la défaite. J'ai été élevé comme ça. Mais je sais que la défaite peut être constructive et qu'il y a toujours quelque chose à en retenir. C'est également ce qui me fait avancer. » À l'époque, sa deuxième vie nantaise a commencé. Andy Delort, profil similaire au sien voulu par Kombouaré, est arrivé lors du mercato d'hiver. Le prêt avec option d'achat de l'ex-Niçois vient compenser, aux yeux du staff technique alors en place, l'investissement de l'Égyptien à l'entraînement, jugé aléatoire.
Révélé lors d'une CAN U23 remportée par l'Egypte

Mostafa Mohamed se sent un pion dans la géopolitique locale. Il a atterri à Nantes par l'entremise, entre autres, de Mogi Bayat, l'agent jadis tout-puissant, ennemi déclaré de Kombouaré, entraîneur remercié il y a deux semaines. Et il a de quoi se croire victime d'un combat qui le dépasse lorsque Delort lui est préféré, par exemple, pour le 16e de finale retour contre la Juventus Turin (0-3, le 23 février). Pendant plusieurs semaines, il est rétrogradé au troisième rang à son poste, derrière l'ancien Montpelliérain et Ignatius Ganago. Avant de renverser la hiérarchie en avril. Assez tôt pour donner du relief à sa saison. Trop tard pour sauver Kombouaré.

Diaa El Sayed, adjoint de Carlos Queiroz avec l'Égypte en 2021-2022, tranche : « C'est un très bon attaquant, il a toujours été notre choix n° 1 en attaque et il a toujours été impeccable. Je ne sais pas ce qu'il fait à Nantes, ce n'est pas une assez bonne équipe pour lui. Il a besoin de bons joueurs autour de lui, de bons milieux et de bons ailiers, et il n'a pas ça à Nantes. Il n'a pas l'équipe qu'il mérite. » Mostafa Mohamed est considéré en Égypte, depuis une CAN des moins de 23 ans très réussie en novembre 2019 (victoire pour son équipe, meilleur buteur avec 4 réalisations), comme l'avant-centre qui manquait pour épauler Mohamed Salah.

Son surnom ? « Tête d'or », en référence à son jeu aérien. « C'est une grosse force de caractère, ajoute un de ses anciens entraîneurs. Il a atteint ce niveau parce qu'il a de fortes convictions et qu'il croit beaucoup au travail. Il n'est pas simple, en Égypte, de sortir de l'influence des grands clubs et de réussir à l'étranger. Il est très déterminé et très fier, ce n'est pas le genre de personne qui va renoncer. Ce qu'il a montré récemment est en ligne avec son courage. »


Sa carrière en clubs manque pourtant de continuité. « Durant ma formation, il fallait toujours faire ses preuves, a-t-il expliqué sur le site du FCN. C'est la culture inculquée par le Zamalek SC. Le club avait toujours cette idée d'envoyer ses jeunes joueurs dans d'autres équipes professionnelles pour apprendre. » Il ira de prêt en prêt jusqu'à s'y refuser, à l'été 2019. « Cette fois-ci, je n'étais absolument pas d'accord. Je savais que j'avais le potentiel, les qualités pour performer et même m'imposer sur le front de l'attaque de Zamalek. J'ai éteint mon téléphone pour ne plus être joignable. J'ai eu gain de cause. Sur cette saison-là, j'ai inscrit 22 buts (sélection comprise). »

Avec Nantes, il en est à 11, avec 5 passes décisives, toutes compétitions confondues. Ce devrait être assez pour lever une option d'achat d'à peine 6 M€ (il est sous contrat avec Galatasaray jusqu'en 2025). Mais c'est loin d'être certain, à trois journées du terme de cette singulière saison. Et c'est presque devenu accessoire, vu le contexte.

Jeudi en conférence de presse, son entraîneur, Pierre Aristouy, a justifié la décision du club de s'en tenir à une sanction financière : « Il avait cette double sensation de laisser un peu les potes et en même temps de faire du mal à sa famille. On est rentré le dimanche soir (de Toulouse), dès le lundi, on a continué à parler de ça avec lui, et on l'a tranquillisé par rapport aux trois matches qui arrivent. Il était très peiné de la situation. Quand on lui a annoncé son amende, il n'a absolument pas réagi négativement. Il s'est dit que l'affaire était close et qu'on ne parlerait plus de lui sur ce sujet. » Ce samedi après-midi, pour la réception de Montpellier (17 heures), Mostafa Mohamed voudrait redevenir un joueur de foot, seulement un joueur de foot.