OM - Leipzig : chronique d’un match vécu à 6000 kilomètres du Vélodrome

Je suis encore sous le choc. Un genre de choc post-traumatique mais pour une bonne raison, une vraie bonne raison. L’OM vient de gagner 5-2 contre Leipzig et je viens de vivre mes plus belles émotions devant un match de foot depuis le dernier titre de champion de France de l’OM, et pourtant tout n’avait pas vraiment bien commencé...

L’avant match

Ca fait une semaine que je tourne et retourne les différentes possibilités dans ma tête, et je dois  finalement me rendre à l’evidence. Ce coup-ci je suis cuit. Pas de possibilité de partir plus tôt, de poser un jour de congés, voire de m’enfermer dans mon bureau stores baissés pour voir le match. Non, cette fois-ci, j’ai une réunion super importante pile à l’heure du match, et pire que tout, c’est moi qui l’anime.

Deux heures avant le match, je sors de mon lunch (j’habite à Montréal et j’ai 6 heures de décalage horaire), et avant d’entrer en réunion, je me mets en mode autruche footballistique. Je désactive toutes les notifications de mon téléphone : Twitter, Facebook, YouTube, Whatsapp, je désactive même LinkedIn on est jamais trop prudent.

5 minutes avant le match, jusque là j’étais très concentré sur ma rencontre, mais je viens subrepticement de voir l’heure sur la montre de mon voisin. Je me dis que c’est maintenant ou jamais si je veux voir le match en direct. La possibilité de faire semblant d’avoir un appel urgent et de m’enfermer dans les toilettes pour voir le match m’effleure l’esprit une dernière fois mais je suis fort, je résiste.

La réunion se termine, je reçois plusieurs SMS, il est 22h30 à Marseille. Je panique. Et si c’étaient des potes qui m’envoient des messages concernant le match. Je refuse de regarder le téléphone pendant 5 minutes, puis je suis pris de remords. Et si une de mes filles avait un problème ? Je regarde mon téléphone. C’est mon patron qui veut me voir en urgence.

Il est maintenant 23h à Marseille. Et 17h pour moi, la journée est finie. Je regarde sur mon téléphone le site internet permettant de voir les matchs en replay. Il y a les 3 autres matchs de l’EL mais pas celui de l’OM. Ça y’est j’en persuadé, on est en prolongations. J'hésite à regarder le match en direct mais je me retiens, je n’ai pas autant souffert pour rien.

La première mi-temps 

Je suis à l’arrêt de bus, fébrile. Après un enième rafraichissement, j’y suis enfin. Le match a été uploadé, la pression monte d’un coup. Mais au bout de 4 minutes de diffusion (et le coup d’envoi à peu près), le match buggue et se met à s’arrêter toutes les 20 secondes. Littéralement ! Je dois sortir de Safari et y rentrer de nouveau TOUTES LES 20 secondes.

 

Au bout de 5 minutes dans le bus, une minute de jeu. But de Leipzig. J’ai envie de pleurer. De me mettre en boule contre mon voisin, un petit vieux vraiment pas ragoûtant. La vie est horrible et j’ai du mal à comprendre cette histoire de prolongation. J’ai envie de renoncer et de regarder le résultat. Pour tout dire, je me sens un peu ridicule avec mon manège de voir 20 secondes à la fois. Mais je ne lâche pas, je continue.

15 minutes plus tard. Égalisation ! On est maintenant à la 5ème minute de jeu et je recommence à retrouver l’espoir. Un espoir tenu mais bien là, j’esquisse un rictus de soulagement et le petit vieux commence à stresser un peu.

Je vais désormais prendre le métro. 20 secondes par 20 secondes et j’arrive à la 9ème minute. Cette passe merveilleuse de Payet et je me crispe. Premier tir de Sanson, arrêt, deuxième tir de Sanson, arrêt, et qui déboule ? Bouna Sarr, que je défends depuis des mois contre vents et marées, qui déboule et qui fusille à bout portant le gardien. Je saute sur place sur le quai du métro et je pousse un cri de joie, poing en l’air. Le quai est bondé et les autres voyageurs me regardent au mieux avec perplexité. Je m’en fous, je suis tellement heureux. J’y crois vraiment, d’autant plus que le Vélodrome est en fusion.

15ème minute (cela fait 45 minutes que je regarde), cela se met enfin à fonctionner de manière fluide, et je me sens dans un état second. Je n’ose plus tourner la tête de peur de tomber sur un téléphone allumé ou pire, quelqu’un qui a vu le match ou avec un maillot de l’OM et qui risquerait de me donner un indice sur le score.

Frappe de Payet et but ! Je crie dans mon deuxième bus ! Toutes les têtes se retournent vers moi. Je m’en fous. C’est le bonheur à l’état pur. Et en fait non. But refusé. J’enrage mais je ne me laisse pas démonter, je prends exemple sur les joueurs qui ne lâchent rien et je rentre à nouveau dans mon  match. Blessure de Bouna Sarr, je serre les dents et je souffre à chaque fois qu’ils essaient de lui remettre son épaule en place. J’ai envie de pleurer avec lui quand il sort, puis je vois Rami rentrer. Il sort d'où lui ? Il n’était pas forfait ?

Je sens que les gens dans le bus sont à deux doigts d’appeler la police. Heureusement j’arrive à la maison. Dès mon arrivée, branle bas de combat, je debriefe rapidement les 30 premières minutes pendant qu’on s’installe tous devant la télé. Le but du 3-1 est une libération. Je me mets à danser la gigue en gloussant et en psalmodiant Thauvin Thauvin Thauvin. Mes filles éclatent de rire et commencent aussi à danser avec moi.

La deuxième mi-temps 

Après un rapide cours sur l’importance cruciale de rester concentré au retour de la mi-temps, c’est reparti. Urbinette1 (7 ans et demi) explique à sa sœur (5 ans) que Sakai cherche Payet pour qu’il lui refasse une passe et qu’il élimine un joueur sans avoir à le dribbler. Mon cœur se gonfle de fierté, environ 30 secondes jusqu'au deuxième but assassin d’Augustin.

Urbinette2 dit qu’elle deteste le foot, que c’est horrible. Elle part en courant. Sa mère la ramène et j’explique aux filles que vu le scénario de ce match, que l’on gagne ou que l’on perde, elles s’en souviendront toute leur vie.

En même temps, si je fais contre mauvaise fortune bon cœur en apparence, mon cerveau ressemble plutôt à Nagasaki en 45, mais je garde espoir. Il est impossible que ce match se finisse à 3-2 et l’OM semble tellement plus fort...

Le passement de jambe de Payet est un délice et son extérieur du pied fait exploser l'appartement. Je saute en hurlant comme un damné, façon cri primal. Les filles crient avec moi. Elles conviennent ensemble que le foot c’est vraiment trop cool.

20 minutes de souffrance, de stress, Urbinette1 se cache derrière moi, Urbinette2 va se planquer derrière le canapé. Jusqu’au but de Sakai lors duquel je me retrouve à faire un pogo avec deux gamines de 7 et 5 ans, qui volent dans tous les sens. On chante de toutes nos forces avec le Vélodrome et je ressens un bonheur parfait, absolument parfait.

Il est deux heures du matin pour vous et je viens de vous rejoindre dans cette grande vague de sérénité et de bonheur qui nous enveloppe tous ce soir.

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