COMBIEN VAUT LE MAILLOT DE L'OLYMPIQUE DE MARSEILLE ?

OMFORUM DÉCRYPTE | Avant de le mouiller, il faut bien le payer. Combien vaut le maillot de l'Olympique de Marseille sur le marché des équipementiers sportifs ?


  • 1er article : Combien vaut le maillot de l'Olympique de Marseille ?


La situation actuelle

Si vous êtes ici, il y a fort à parier que vous soyez assez largement avisé des mutations en cours à l’Olympique de Marseille. Depuis la reprise du club, qualifié de « géant endormi » par le nouvel actionnariat, l’équipe dirigeante s’applique à remettre à plat, dossier par dossier, toutes les composantes du club. L’objectif claironné est clair : rendre au plus beau palmarès du football français son lustre. On parle d’investissement, de recrutement, de formation, de mutation d’une organisation qui a sans nul doute dérapé dans le virage de la transition d’un foot business plus que jamais globalisé. Le football est de nos jours une économie et une économie en guerre permanente.

Dans cette course en avant qui voit défiler des montants toujours plus exorbitants, un club de football trouve des alliés dans ceux qui sont moteurs de cette économie qui pèse aujourd’hui près de 700 milliards de dollars par an. Parmi ces machineries se trouvent notamment les grandes marques d’équipement sportif qui se partagent et se bataillent le gâteau de 8 milliards de dollars générés par la vente de maillots…

A l’OM, c’est Adidas qui officie en tant que partenaire historique du club phocéen. L’histoire vous est d’ailleurs narrée dans ses plus menus détails par notre brillantissime Professeur Urbain.

En l’état, et gardez à l’esprit les limites de l’analyse qui va être déroulée dans cet article, les contrats avec les équipementiers sont extrêmement opaques. Ils s’articulent autour de nombreux facteurs (part fixe, fourniture de matériel, gestion des points de ventes et des régies marketing). Focalisons nous donc sur l’ostentatoire et le contrat avec Adidas tel qu’il se résume dans son plus simple appareil : la marque allemande verse chaque saison 10M€ à l’Olympique de Marseille pour l’équiper – et accessoirement administrer les boutiques du club…

L’accord, arraché par Robert Louis-Dreyfus en 2010 court jusqu’à la saison 2017-18. Si les cadres marseillais ont toujours entretenu une forte proximité avec la marque aux 3 bandes – pour cause les transferts de personnels entre les 2 entités furent légion (coucou Cicco !) – on prête à l’OM de McCourt embarqué dans une révolution structurelle salvatrice, l’idée de changer de crèmerie.

Tout supporter s’interroge dès lors. Quelle marque rendra le mieux grâce à nos couleurs ? Et surtout quels revenus peut espérer glaner l’OM dans cette opération ? Pour répondre à cette dernière question, il faut, dans un premier temps, s’atteler à déterminer quels sont les indicateurs clés permettant cette évaluation. Nous reviendrons ensuite sur les derniers « deals » contractés par les grands clubs européens. Enfin, avec les maigres informations dont nous disposons, nous tenterons de décrypter les stratégies des différents équipementiers susceptibles de s’accorder avec l’équipe dirigeante. En prenant en compte ces différents facteurs, et évaluant la désirabilité du maillot OM, nous conclurons sur une estimation au doigt levé certes, mais un doigt très arrosé, de la valeur du futur contrat qui pourrait être annoncé courant février.

Quels indicateurs pour l’évaluation de la valeur d’un contrat ?

En quoi consiste au juste le type de contrat qu’un club passe avec un équipementier ? A la frontière entre celui de fournisseur, prestataire, partenaire commercial et sponsoring, un accord entre un club et un équipementier est en fait un contrat de parrainage.

Le parrainé s’engage ainsi à ce que tous les joueurs de l’ensemble de ses salariés (et équipes donc) se vêtissent des équipements textiles et accessoires fournis par le parrain à l’occasion des matchs (officiels comme amicaux) et de toute manifestations sportives publiques ou privées, lors de toute représentation médiatique et tout évènement promotionnel. Le club devient ainsi l’ambassadeur de la marque du parrain. Il s’assimile dès lors à un outil soumis aux stratégies et politiques marketing d’une marque et délègue bon nombres de ses prérogatives décisionnelles.

Les accords portent également bien évidemment sur la partie commerciale. Le club touche alors un pourcentage sur les ventes de maillots – entre 10 et 15% en général. Et l’équipementier me direz-vous ?« Il se fait tarpin de marge n’est-ce pas ? » ? Et bien pas vraiment… Les marges par pièce oscillent entre 12€ et 36€ en moyenne en fonction du canal de distribution. D’où les petits tableaux que vous trouverez ci-dessous récapitulant le TOP 20 européen des ventes de tuniques.

Ainsi, si Adidas vend 1.7 millions de tuniques de Manchester United à 100€ en moyenne (prix boutique de la marque aux 3 bandes), cela représente un chiffre d’affaire de 170M€/an auquel s’ajoutent les autres produits textiles commercialisés par la marque. Néanmoins, en tenant compte des marges étroites dans ce secteur, on obtient un bénéfice maximal de 61M€. Or, Adidas verse près de 100M€ par an à l’ancien club du « King » et du « Spice Boy » ? Tout cela est-il bien cohérent ?

Les partenariats seraient-ils moins rentables qu’on ne l’imagine ? En tous les cas il faut manifestement réaliser d’énormes volumes de vente pour susciter l’intérêt des Nike, Adidas et autres Puma…

De fait, il apparait que si l’indicateur principal pour évaluer la valeur d’un contrat équipementier se fonde bien sur le volume de vente de maillots, il doit bien exister d’autres critères pour justifier les faramineux investissements consentis.

La valeur de "l'image", de l'histoire et du symbole

Ces autres indicateurs sont à chercher dans la capacité des clubs à générer des ventes sur l’ensemble des produits dérivés, leur performance en termes de merchandising, dans l’attractivité de ces clubs vis-à-vis de stars du ballon rond. Une figure emblématique fait en effet non seulement vendre plus de maillots mais c’est aussi une occasion pour les équipementiers de se rapprocher des joueurs en question pour des partenariats individuels.

Dans leur prise de décision, les marques s’attardent également sur les marchés visés (leur volume et prospective) et les captations de parts de marché que représentent les clubs sur les plans domestiques comme internationaux.

Les autres critères de décision et d’attractivité sont à chercher dans la valeur des marques des clubs, leur positionnement, leur image et l’adéquation de cette valeur d’image avec celle de la marque. Il va de soi qu’un club chargé d’histoire, incarnant des valeurs fortes ou associé à des symboliques puissantes est attractif et constitue un enjeu majeur.

Dans leur stratégie de pénétration, implantation ou domination, l’environnement concurrentiel impacte éminemment l’attractivité des clubs et la politique des offrants. Les équipementiers leaders ou nouveaux entrants peuvent viser des situations monopolistiques, concentrer leurs efforts sur les plus gros clubs ou multiplier les partenariats avec les petites franchises.

A voir ce TOP 20 (sur la période 2011-2016), et les écarts gigantesques entre les 4 mastodontes (Manchester United, Real Madrid, Barcelone et Bayern Munich) et des clubs populaires  ET performants tel que l’Atletico, on devine que ces « top marks » font l’objet d’âpres batailles. La concurrence liée à la rareté des gros vendeurs, fondamentalement, s’ajoute comme variable susceptible des négociations.

Pour récapituler, les indicateurs d’évaluation que nous avons identifiés sont les suivants :

  • Nombre de maillots vendus par le club
  • Image marque du club et son positionnement
  • Attractivité vis-à-vis des joueurs iconiques
  • Stratégie globale des équipementiers offrants
  • Concurrence ponctuelle et/ou générale entre équipementiers sur le dossier

Avant de penser le cas particulier d’un OM à la croisée des chemins, il faut apprécier les évolutions récentes de ce marché si spécifique.

Un marché en pleine inflation...

En suivant, même superficiellement, les actualités du foot business, on constate bien rapidement la succession d’accords pour des montants records entre clubs et équipementiers.

A l’instar des deals entre Chelsea et Nike en octobre dernier – 65M€ par saison pour 15 ans- du Barça - 105M€ pour 10 saisons, 2016 fut une nouvelle année de records. Nouvelle car elle succède à des crus similaires depuis, notamment, la montée en puissance la Premier League symbolisée par l’accord entre Adidas et Manchester United pour 95M€.

Cette inflation accompagne un autre mouvement en croissance : celui du nombre de maillots vendus… de clubs de Premier League (et de la triplette des très grands d’Europe : Réal, Barcelone, Bayern). Globalement, cet accroissement s’explique par l’internationalisation du marché, et à ce jeu-là, seules les grandes marques, et le très visible championnat d’Angleterre tirent leur épingle du jeu.

En tous les cas, la tendance est lourde, et sentant ce vent souffler, tous les clubs cherchent à revaloriser substantiellement leur contrat. Ainsi, sur les derniers « deals passés » on constate une augmentation moyenne de près de 250%.

... dans lequel les inégalités se creusent

Cette croissance est toutefois inégale. United et Barcelone ont vu leur dotation augmenter de 360%. Seul le cas particulier du Paris Saint Germain fait mieux en passant de 6.4M€/saison à 24M€ (+370%).

Les clubs anglais de Chelsea (+85%), Arsenal (+100%) ne sont pas en reste d’autant que les Spurs de Tottenham feraient l’objet d’une offre de Nike de 38M€ par saison.

La Juventus, de loin leader sur son marché domestique a également vu son contrat nettement revalorisé (23+6M€ pour la régie marketing) de 220%.

Mais toutes les écuries du TOP 20 n’en sont pas tout à fait rendues à ces chiffres. Liverpool, en passant chez l’ambitieux New Balance, n’a gagné que 20%. Il faut dire que les Reds jouissaient déjà d’un contrat « en avance sur son temps » avec Warrior… Schalke de son côté, a certes sensiblement augmenté ses revenus mais « seulement » de 7 à 11M€ en demeurant chez Adidas.

C’est pourtant bien la marque aux trois bandes qui en valorisant le contrat de Manchester United à près de 100M€ a aiguisé l’appétit des clubs, validant l’entrée dans une nouvelle ère amorcée dès 2014.

Alors, à quel type d’acteur l’Olympique de Marseille devrait-il s’identifier ? Il est acquis qu’une revalorisation interviendra mais dans quelle proportion ?

L’OM pourrait-il tripler ses revenus équipementiers comme les mastodontes européens ou devra-il accepter sagement  une offre de +60% similaire au contrat de Schalke 04 ? Certaines fuites feraient état d’une proposition à 14M€ de la part d’Adidas, soit une « maigre » revalorisation de 40%... De quoi être pessimiste ? Pas forcément ! Dans le prochain article, nous nous attarderons sur un ratio qui pourrait bien être éclairant : celui du coût par maillot vendu…

À suivre sur OMForum :

  • Le ratio coût/maillot vendu comme indicateur ?

  • Quelle stratégie des marques d’équipementiers pour l’OM ?

  • Quel contrat pour l’OM ?

Sources de l'article :

4 comments

  1. shakitney 10 février, 2017 at 10:09

    Putain, mec… Je payerais pour lire des articles écrits comme ça. Si la presse nationale (et régionale aussi un peu…) n’avait pas autre chose à nous proposer que des tops 10, des potins relayés depuis les réseaux sociaux ou des photos chocs, sans compter la mode des wags et de leurs pare-chocs à peine voilés, je donnerais mon pognon à ces incompétents qui nous prennent pour des cancres.
    J’attends toujours avec impatience vos articles, parce que putain, c’est bien écrit, ça cause bien, y’a des recherches et de la documentation, de l’humour, quelques tacles dits « pied-bouche » bien placés et surtout, j’ai pas l’impression de lire un truc écrit par un type qui a obtenu un diplôme de journalisme en faisant une thèse sur « Faut-il interdire le club des 5 avant le Bac et faire de magic system le nouveau pourvoyeur officiel d’épreuves de philo en fac de lettres ? ».
    Bref, ça fait du bien d’avoir un truc à lire qui ne soit pas issu d’une prise exagérée de laxatifs. Et même si on a l’impression que je vous lèche un peu la rondelle, fallait que je vous le dise, vu que c’est la première fois que je laisse un commentaire. Si c’est pas le cas, j’étais bourré, donc ça comptait pas.
    Bref, merci. Il paraît que ça fait toujours plaisir.

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