THE LAST GUARDIAN - RANTANPLAN UNCHAINED

Incroyable. Inimaginable. The Last Guardian a fini par exister. Pour de vrai.
Coiffant au poteau Shenmue 3, le Don Quichotte de Terry Gilliam et la saison 3 de Twin Peaks, le dernier jeu de l'excellent Fumito Ueda (Ico, Shadow of the colossus) déploie ses grandes ailes devant nos yeux ébahis. Et pour ce qui est de déployer ses grandes ailes, il est bien le seul, comme nous le verrons.
Arrargh. Quand même. Il est là. Enfin.

Du haut de cette jaquette, quarante siècles de développement nous contemplent

Du haut de cette jaquette, quarante siècles de développement nous contemplent

 

Dès les premières secondes de jeu, le ton est donné. Pas d'erreur sur la marchandise, on sait où on a mis les pieds : notre jeune et innocent héros, un enfant encore, se réveille, la tête dans le cul, le corps couvert de tatouages qu'il n'avait pas la veille, dans un endroit inconnu, à côté de son nouveau copain, une grosse masse très poilue qui porte au cou un collier en métal relié à une chaîne. Une bête bizarre.
Bref : un lendemain de grosse, grosse soirée, genre, au Berghain.

« Ah tiens t'es réveillé mon poussin ? Je te prépare un café ? Nuit de ouf pas vrai ? »

« Ah tiens t'es réveillé mon poussin ? Je te prépare un café ? Nuit de ouf pas vrai ? »

 

Du coup, on pourrait croire à un jeu un peu tendancieux, mais en fait non.
En progressant dans l'aventure, on s'immerge goulûment dans la poésie subtile et rafraîchissante de cette expérience vidéoludique (car chez ces gens-là Monsieur, on ne dit pas « jeu », non, on dit « expérience vidéoludique ») que tous et toutes attendaient, et par « tous » j'entends évidemment « tous ceux qui attendaient avec impatience parce qu'on leur avait dit que c'était classe d'attendre ce projet-là avec impatience ». Poésie vidéoludique disais-je, qui éclabousse de sa beauté époustouflante et monolithique chacun des pas de l'enfant fragile et de son compagnon protecteur bestial, majestueux, à l'ampleur quasi-mythologique, mais pourtant tellement touchant, tellement vrai.

Parce que c'était lui, parce que c'était moi, et toute cette sorte de choses

Parce que c'était lui, parce que c'était moi, et toute cette sorte de choses

 

...Sauf que non.
En fait, on réalise vite qu'on ne contrôle pas un enfant fragile, mais plutôt le fils caché des amours honteuses et interdites de Wolverine et de Deadpool, et que la bête majestueuse a davantage hérité de l'ADN de Rantanplan que de celui de Thorondor.

The Last Guardian : honest trailer edition

The Last Guardian : honest trailer edition

 

Expliquons-nous : le gamin passe son temps à se fracturer minutieusement chaque os de son corps, en multipliant les chûtes d'une trentaine de mètres (bon ok, bien aidé par le couillon qui tient la manette), se relevant avec peine, marchant quelques mètres jusqu'à... ce que les fractures disparaissent. OKLM.

Oui, vous avez bien lu. On est dans le monde merveilleux du « alors Docteur ? C'est grave ?
-Vous avez les deux jambes brisées. Ainsi que la colonne vertébrale... ...C'est donc l'affaire de quelques pas ! Marchez jusqu 'au bout de la pièce, et il n'y paraîtra plus. ». Healing factor kicking in !!!

D'autre part, ce gamin indestructible (enfin pas exactement, voir ci-après) présente un vrai talent pour le parkour, à faire pleurer même un yamakazi au cœur de pierre, et il me semble que, post-game, sa voie est toute tracée : ça s'appelle Ninja Warrior. Ou le cirque du Soleil. Et je ne vous parle pas de sa force surhumaine, qui lui permet de se trimballer des roues de métal (aaaaah le passage avec le bidule en forme d'haltère géant que notre Benoit Brisefer tatoué redresse pour bloquer une grille), des vasques de fer, et même de LANCER des tonneaux à Trico pour le nourrir (ah oui la bête s'appelle Trico, on va y revenir). De. Lancer. Des. Tonneaux. Pas vides. Conclusion : il doit avoir de sacrées bonne notes en sport, au collège. P'têt même qu'il est inscrit à l'UNSS, et pas dans la section badminton, si tu vois c'que j'veux dire...

élu 535 fois d'affilée MVP de l'équipe de ballon prisonnier de la 6ème B

élu 535 fois d'affilée MVP de l'équipe de ballon prisonnier de la 6ème B

 

Bon, allez, pas le choix : il est temps. Temps de me calmer sur les jpegs de merde déjà, et temps aussi d'évoquer Trico et son nom à faire rêver ma grand-mère. Trico est une chimère en fait, pas au sens mythologique non, mais au sens de « animal composé d'un assemblage de parties disparates ». Des pattes de poules, des ailes rachitiques (les ailes de géant empêchent de marcher, ok, mais là lui a des ailes de nain mal-nourri c'est d'une mocheté), des bouts de cornes, des plumes, des poils, une tronche de simili girafe ou rat ou je sais pas quoi, des yeux qui changent tout le temps de couleur, et une putain de queue LASER (ouais, la queue à rayon laser, à savoir le truc que tous les mecs ont rêvé d'avoir au moins une fois dans leur vie. Eh oui.). Mais là on parle de son aspect, de son corps. du monde trompeur des apparences sensibles.
Or, ce qui compte, c'est ce qu'il est vraiment. son essence.
Et là, il n'y a pas vraiment de doute.

A l'intérieur, essentiellement, Trico est ce qu'on appelle un con de chien. Un putain de con de chien. Vous savez, ce con de chien qui part au quart de tour sprinter au loin quand on fait semblant de jeter la balle alors qu'on l'a gardée dans sa main hahaha quelle bonne blague. Ce con de chien qui se bat au moins une fois par semaine avec le panier à linge. Et qui perd ce combat au moins une fois par semaine. Ce con de chien qui aligne les bourdes, ne comprend jamais vraiment les consignes, mais à qui vous pardonnez tout parce que ça marche comme ça avec les cons de chiens.
Il est tellement con qu'on peut arriver à le persuader de sauter dans un lac (il semble pourtant avoir la phobie de l'eau) en jetant des tonneaux (car, je le répète, on lance des tonneaux dans ce jeu. Plein) au milieu du dit lac. La supériorité de l'Homme sur le con de chien est établie : par exemple, perso, j'adore les gambas, j'ai peur des serpents. Bah tu balances un plat de gambas dans un vivarium, JAMAIS je me jette au beau milieu des serpents. Même s'ils sont inoffensifs et que je le sais. Alors que là, Tricot (ouais, je l'appelle désormais comme ça, et je vous ai épargné le Jpeg car il me reste un vague fond de dignité) il se jette. Sans même se demander si elle est pas trop froide et s'il ne risque pas l'hydrocussion parce qu'il a quand même déjà boulotté pas mal de tonneaux sur le chemin.

Nous avions vu que nous contrôlions un gamin presque invulnérable, bah nous pouvons désormais évoquer notre meilleur moyen de mourir : ce bon vieux Tricot. Sacré Tricot, va. Sacré Tricot qui nous rejoint sur un pont pour nous jeter en contrebas avec ses papattes ou son cucul plutôt que nous mettre hors de danger. Sacré Tricot qui en s'ébrouant nous fait tomber au milieu des vilaines armures vivantes qui voulaient nous tuer et contre lesquelles il était théoriquement venu nous défendre. Sacré tricot qui reste 20mn à contempler façon trainspotter un bidule qui émet une lumière bleutée, sans bouger, avec ses putains d'yeux blancs (note : quand il a les yeux blancs/jaunes, laissez tomber : il est off. Stone. En mode balec absolu. vous pouvez mourir sous ses yeux ou danser devant lui avec des plumes dans le cul, il ne se passera rien), pendant que vous vous désagrégez devant une énigme qui vous avez résolue depuis mille ans, si seulement l'autre boulet de con de chien daignait ramener son putain de postérieur emplumé. Car souvent, trop souvent, vous savez parfaitement ce qu'il faut faire, mais Tricot a juste décidé que non, c'était pas le moment ou, bien que non, il allait plutôt gaffer et vous envoyer bouler au mieux dans la mauvaise direction, au pire dans le vide. Sincèrement, parfois, je me demande s'il n'existe pas une version uncensored du jeu que les développeurs gardent sous le coude, avec Tricot qui se lèche allègrement les couilles pendant que vous hurlez à l'aide ou que vous faites le pied de grue devant une porte ou un mur. La poésie d'Ueda en prend un coup peut-être, mais l'éthologie reprend ses droits !!!

Tricot, notre meilleur moyen de mourir, disais-je donc. Mais pas le seul. Un autre moyen vicieux de mourir, ou du moins un autre vecteur d'échec horriblement frustrant : la caméra. L'ignoble, l'abominable caméra, qui va vous niquer aux pires moments, quand il faudra un saut d'une précision diabolique, en changeant d'angle de façon intempestive, et en faisant à peu près n'importe quoi à peu près n'importe quand. Disons que la caméra donne plus l'impression d'être dirigée par le réal de seconde équipe de Joséphine Ange Gardien (<---The other Last Guardian ) que par David Fincher.

 

la caméra dans The Last Guardian (allégorie)

la caméra dans The Last Guardian (allégorie)

Cette caméra, en-dehors de ces scènes d'action où elle nous laisse lâchement tomber (au sens littéral) nous donne aussi à contempler un Univers qui mérite largement sa majuscule. Bordel c'est beau. Oh que c'est beau. La gestion de la lumière, sa mère comment c'est beau. Les p'tits papillons qui font rien qu'à voleter au début ça arrache. Le début « Dormeurduvalien » (allez, si tu veux épater tes potes encore plus médiocres que toi, je te propose de dire "rimbaldien", quand tu paraphraseras ce CR pour te la raconter)
Le donjon, d'inspiration Icoïenne indiscutable mais d'ampleur ShadowoftheColossusienne mérite qu'on se perde encore et encore dans ses méandres fascinants.
Putain c'est beau beau beau. Enfin, sauf quand le frame rate droppe grave, bien entendu. Et quand je dis « grave » , on en est au stade où parfois on a moins d'images par secondes que l'OM de titres sous l'ère Louis-Dreyfus. C'est dire l'ampleur du massacre.
Soyons sérieux deux minutes : oui, la direction artistique nous explose la rétine et le cœur à chaque pas, indéniablement, mais techniquement le jeu peut par moments faillir, et pas qu'un peu, dans son exécution technique.

Oh et puis merde arrêtons de troller. Même si tout ce que j'avance plus haut est rigoureusement authentique (à part peut-être la sombre histoire de version uncensored et de léchage de couilles), bien entendu que j'ai kiffé. Bien entendu que le jeu est un monument. Bien entendu que c'est touchant, bien entendu que j'ai sifflé les 11h de jeu en une journée parce que je ne pouvais pas m'en décoller.
Bien entendu que l'IA de Trico épate à chaque seconde, pour le meilleur et pour le pire, quoi qu'il en soit il y a du souffle de vie là-dedans. qui vibre, qui nous parle, qui réussit même l'exploit de nous ramener à des choses organiques, archaïques, vissées dans nos mémoires et nos sensations. Ouaouh les copains.
Alors oui, ça reste du Ueda, donc j'y vois quand même de la prétention déguisée en sobriété, de la vacuité déguisée en poésie, du vague volontaire savamment distillé pour les exégètes de mes deux. Et alors ? Le tour fonctionne, l'illusionniste m'embarque quand même. Et plutôt deux fois qu'une.

Comme dit l'autre : merci pour ce moment.

Voilà.
C'était donc ma critique à chaud de :

The Last Gardian

The Last Gardian

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