OMFORUM DÉCRYPTE | La terrible descente aux enfers de McCourt

OMForum DÉCRYPTE | Avec le rachat de l'OM par Frank McCourt, de très nombreuses questions se sont posées sur le profil du repreneur, sa surface financière et son sérieux. Un grand nombre d'articles a été publié sur l'Américain et son projet, OM Champions. Nous allons essayer d'apporter un angle différent sur le sujet, en bénéficiant d'un recul de quelques jours et en essayant de comprendre un peu mieux McCourt et ses intentions.


1. Frank McCourt, l'homme à qui tout réussissait

2. La terrible descente aux enfers de McCourt

3. Peut-on avoir un stade Vélodrome à l'américaine ?

4. Eyraud va-t-il être un bon président pour l'OM ?

5. Poulmaire, l'homme qui murmure à l'oreille de McCourt

6. McCourt peut-il rendre sa grandeur à l'OM  ?


En 2008, tout se passe incroyablement bien pour les McCourt. Leur franchise tourne très bien sportivement, et malgré des déficits liés aux importants investissements effectués, les Dodgers voient leur valeur doubler en 5 ans.

Jamie McCourt n'a jamais été aussi épanouie de toute sa vie. Parfaitement à l'aise dans sa fonction de Présidente de franchise, elle s'entoure de proches et commence même à planifier une entrée en politique avec comme objectif ultime la présidence des États-Unis, rien de moins.

Mais le début des effondrements commence lorsqu'elle se rend compte, suite à un désaccord concernant une éventuelle fiducie pour leurs enfants, que Frank McCourt était finalement le seul et unique propriétaire des Dodgers contrairement à leur accord moral. Et ce alors qu'avec la crise immobilière toutes les propriétés immobilières du couple avaient vu leur valeur chuter, tandis que les Dodgers voyaient la leur doubler. La trahison fut insupportable pour Jamie et ce fut le début de la fin. Elle essaya désespérément de faire corriger les ententes de propriété mais Frank s'est mis à se demander si l'amant de Jamie, Jeff Fuller, son chauffeur (payé par les Dodgers comme directeur du protocole), n'était pas étranger à cette affaire.

Le divorce le plus cher de l'histoire de la Californie

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Frank McCourt déclara alors avoir eu confirmation de l'aventure de Jamie et mit fin aux négociations. Le 14 octobre 2009 fut marqué par l'annonce officielle de la séparation des McCourt après 30 ans de mariage. Le 22 octobre 2009, suite à l'élimination des Dodgers des playoffs, Frank décide de licencier Jamie pour "insubordination, manque de responsabilité, refus de suivre les procédures et pour comportement inapproprié avec son supérieur direct". Elle a été mise à la porte avec effet immédiat, elle et 70 employés qui lui étaient perçus comme fidèles.

La semaine suivante, Jamie McCourt contre-attaqua, demandant le divorce et 50% des Dodgers (qu'elle évaluait à 800 millions de dollars) en plus de 50% des autres propriétés du couple (évaluées à 1,2 milliards). Selon Frank, il n'avait presque aucun argent de côté et la valeur des Dodgers était très surévaluée étant donné l'endettement du club.

Ce fut alors un déferlement médiatique. La lumière fut mise sur le train de vie du couple McCourt, ses propriétés luxueuses (un palace de 28 millions de dollars voisin de la Playboy Mansion, quelques résidences secondaires à la montagne, une maison au bord de la plage à Malibu, achetée 27 millions à Courteney Cox et David Arquette...). Leurs excentricités de milliardaires ont également fait surface, notamment le bungalow acheté à côté de leur maison sur la plage, pour loger les invités qui ne rentraient pas dans la maison, et faire des machines de linge. Coût du bungalow ? Seulement 19 millions de dollars. N'oublions pas le centre aquatique intérieur construit dans leur résidence pour un coût de 12 millions de dollars, incluant une piscine olympique intérieure, exigence de Jamie pour faire ses longueurs quotidiennes.

Après plusieurs offres, discussions et combats qui auront duré presque trois ans, les McCourt arrivent à un accord, Jamie recevant 130 millions et plusieurs propriétés de luxe en échange d'une renonciation à tous ses droits sur les Dodgers. Pour beaucoup, il s'agit du divorce le plus coûteux de l'histoire de la Californie.

L'effondrement de l'empire McCourt

Revenons aux Dodgers. La mise en lumière du niveau de vie ahurissant des McCourt fait également ressortir une réalité qui reste toujours en travers de la gorge des fans des Dodgers : les McCourt ont allègrement pioché dans la caisse du club.

Ils ont très souvent eu recours à un jet privé, embauché un chauffeur et un service de sécurité pour 800 000 dollars par an, payé un employé 400 000 dollars par an pour gérer la fondation des Dodgers, 400 000 dollars et 200 000 pour leurs deux fils, pour des missions qui restent encore inconnues. Encore plus absurde, un coiffeur à temps plein était payé 10 000 dollars pour s'occuper des cheveux du couple. Au total c'est environ 108 millions de dollars en 5 ans qui auront été ponctionnés par les McCourt, essentiellement sous forme de salaires (5 millions par an pour Frank et 2 millions par an pour Jamie. À noter enfin que Frank a hypothéqué les parkings du stade pour obtenir un prêt de 60 millions afin de faire des investissements personnels.

Ironie de l'histoire, les Dodgers ont déclaré avoir cumulé 108 millions de dollars de perte et les McCourt n'ont donc pas payé d'impôts sur leurs revenus,  ce qui a fait un scandale à Los Angeles.

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En 2009, les Dodgers ont donc une dette pharaonique de 459 millions de dollars. Financièrement exsangue en raison de sa procédure de divorce, incapable de payer les salaires des joueurs et les frais de fonctionnement, McCourt croit voir le bout du tunnel au début de l'année 2011 avec un accord très lucratif pour vendre les droits TV des 20 prochaines années à Fox, en échange d'un prêt de 60 millions pour payer les deux mois suivants. Les oppositions de Jamie McCourt et surtout de Bud Selig, l'omnipotent commissaire de la MLB auront raison du deal, et la MLB décide alors de mettre le club sous tutelle.

Dans le même temps, les ennuis s'accumulent. Un fan des Giants est gravement blessé lors d'une agression par des supporters des Dodgers dans un espace faiblement éclairé des parkings devant le Dodgers Stadium, et la famille poursuit McCourt pour manque de sécurité (les effectifs ayant été récemment réduits pour diminuer les charges). Un des meilleurs lanceurs de la franchise est sur le flanc pour problèmes d'anxiété et les poursuites pour non-paiement de factures se multiplient (incluant le fameux coiffeur à 10 000 dollars).

Un rebond inespéré 

McCourt conteste la tutelle, met le club sous la protection de la banqueroute et plusieurs mois de procédures judiciaires s'ensuivent. En novembre 2011, McCourt annonce la mise du club et tous ses actifs en vente. Et c'est à la surprise générale que la franchise devient l'équipe de sport la plus chère de l'histoire, tous sports confondus, en étant vendue à un consortium formé de Magic Johnson, Kasner et Guggenheim Partners pour plus de 2 milliards de dollars. Le coût de 2 milliards est supérieur de 30% à l'évaluation généralement admise et comprend la prise en charge de la dette colossale des Dodgers, d'environ 600 millions de dollars.

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Par ailleurs, McCourt a vendu au consortium pour 150 millions de dollars les terrains situés autour du stade tout en gardant un intéressement aux bénéfices et possède toujours en co-propriété les parkings du stade, loués 14 millions par an aux Dodgers. La vente est officielle le 1er mai 2012 et clôt finalement l'ère Dodgers dans la vie de McCourt.

Enfin débarrassé de ses dettes, des Dodgers et de son ex-femme, et à la tête d'une très confortable fortune dépassant le milliard de dollars (sans compter ses propriétés et actifs divers), McCourt se reconstruit petit à petit. Guggenheim a mis une partie des terrains autour du stade et 400 millions de dollars dans une coentreprise avec McCourt. Frank McCourt gère cette coentreprise pour un salaire annuel minimal de 5,5 millions de dollars. Ses premières transactions ont été très profitables et ont généré beaucoup de profit. Décrit comme un négociateur féroce, mais cordial, McCourt décide de déplacer le siège social de son entreprise à Manhattan et, on ne se refait pas, s'achète une maison à 50 millions de dollars dans la Grosse Pomme.

Par ailleurs, toujours propriétaire du Marathon de Los Angeles, il acquiert en 2014 pour un montant resté inconnu 50% du Global Champions Tour, une prestigieuse série de compétitions hippiques. À noter qu'il a été introduit dans ce milieu par sa compagne, Monica Algarra, une cavalière américaine.

Afin de définitivement se racheter une virginité, il donne en 2014 100 millions de dollars à Georgetown, son ancienne université, pour construire une nouvelle faculté et gagne la dernière étape de ses déboires judiciaires contre son ex-femme, définitivement déboutée de ses poursuites et condamnée à lui rembourser 2 millions de dollars.

 

C'est donc ce Frank McCourt qui est sur le point de racheter l'OM, avec ses ombres et ses lumières, ses casseroles et sa fortune évaluée entre 2 et 4 milliards de dollars selon différentes sources. L'homme est considéré par certains comme le deuxième pire propriétaire de franchise US de l'histoire mais est également quelqu'un qui a su saisir les opportunités pour devenir multi-milliardaire en trois ans, tout en bénéficiant d'une image renouvelée.

 

Accéder à la troisième partie du dossier : peut-on avoir un stade Vélodrome à l'américaine ?

 

4 comments

  1. farigoule 5 septembre, 2016 at 18:41

    Bravo, et encore merci URBA.

    On est donc loin d’une personnalité « à la kachkar »…
    Ce mec a un ou deux coup d’avance, n’est pas dupe en affaire ( écarter sa propre femme des Dodgers, pour bien se garder les futures plus value … Tout ça dans le dos d’une personne avec qui il se couche tous les soirs…)

    Il a repéré un potentiel de plus value chez nous … Vu son passé, on peut le soupçonner de jouer à Sim City/ Theme Park avec les environs du vélodrome; curieux pour la suite .

  2. Professeur Urbain 5 septembre, 2016 at 17:04

    Je partage ton opinion. Ce qui nous protégera le plus de ses tentations de piquer dans la caisse, c’est que c’est beaucoup plus compliqué, il y a moins d’argent et surtout maintenant il est riche riche riche

  3. Santu 5 septembre, 2016 at 16:07

    Ce monsieur ressemble à un BTapie ricain.

    La remarque judicieuse de Nicolas nous fait observer que le ÇA de l’OM est loin des chiffres délirants des campagnes d’investissement du businessman aux US.

    Sauf si le Vélodrome et son environnement venaient à entrer dans un deal…

    Ce qui m’étonne le plus quand même c’est le flou général du projet.
    4 points jetés en pâture en conf de présentation…. Et plus rien.

    On en saura sûrement bcp plus quand on connaîtra le « board » et les compétences de chacun

  4. Nicolas PRIVAT 5 septembre, 2016 at 05:12

    Un grand bravo pour la qualité du travail de documentation et de rédaction des 2 premiers volets de ce dossier sur Mc Court. Je ne suis pas un habitué de OMF mais j’ai été attiré par quelques relais dans la Twittosphère olympienne et le moins qu’on puisse dire c’est que ça valait le coup.
    Comme beaucoup je regrette que les « journalistes » de notre presse sportive soit incapables de réaliser ce type de travail qui, sans vouloir minimiser votre investissement sur le sujet, n’est quand même pas si compliqué que ça à faire. Parce que j’imagine que vous avez mené un gros travail de documentation en ligne mais ça ne nécessite pas non plus une infiltration sous couverture de milieux verrouillés ou de disposer de sources américaines directes très bien informées…
    En tout cas, MERCI.

    Sinon sur le fond je trouve cela plutôt rassurant pour nous. Certes ce n’est pas du tout un parcours sans faute mais cela reste globalement très positif à mes yeux. Déjà le type a clairement du flair en terme de business donc s’il vient à l’OM c’est parce qu’il y voit un potentiel, pas pour faire mumuse. Et on peut espérer qu’il aura appris de ses erreurs sur le volet « abus de bien sociaux », d’autant plus que sa fortune personnelle actuelle est maintenant sans aucune mesure avec ce qu’il pourrait « tirer » des caisses de l’OM…

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