Euro 2016 : Les titres restent, le beau jeu beaucoup moins

Je lis et j’entends un peu partout de nombreuses critiques sur cette finale de l’Euro entre 2 équipes qui ne sont pas les plus « belles » de la compétition. Bien que ce soit en partie vrai, il ne faut pas oublier que le beau jeu n’est pas un gage de réussite, surtout dans le football et que bien souvent (voire même tout le temps) on ne retient que les vainqueurs.

Le beau jeu au service de rien

Demandez aux Pays-Bas de Cruyff s’ils n’auraient pas échangé quelques titres plutôt qu’une place honorifique de « l’une des plus belles équipes de tous les temps ». Leur révolution tactique et culturelle continue aujourd’hui de nourrir le football mais cette révolution aussi grandiose soit elle, n’a rien apporté aux Pays-Bas si ce n’est des titres en club. Est-ce suffisant ? Je ne crois pas et je pense que Cruyff ne le pensait pas aussi.

Pays-Bas-74

Hongrie 1954. Demandez à vos grands parents (ou vos parents) qu’ils vous parlent de cette équipe. Mon grand père me disait que c’était l’une des plus belles équipes qu’il n’avait jamais vu, qu’elle pratiquait un football alléchant et qu’elle aurait du gagner la coupe du monde 54 très largement. Résultat ? Une défaite en finale face au pragmatisme de l’Allemagne de l’Ouest qui avait pourtant été battue par cette même Hongrie en phase de poule sur le score de 8 buts à 3 !

Les exemples sont multiples, que ce soit en équipe nationale ou en club. Le beau football a souvent amené des équipes à gagner des matchs et des trophées mais comme vu plus haut, il a aussi de nombreuses fois été l’arbre qui cachait la forêt de défaites et d’échecs. La science exacte n’existe pas dans le football, et le beau jeu n’est pas cette science qui permet à chaque équipe qui le pratique de finir par triompher. Il peut même être un énorme porteur de regrets car il fait passer la défaite comme encore plus douloureuse.

Savoir gagner moche

France 1998, France 2006 : 2 parallèles, 2 finales de coupe du monde et 2 parcours opposés.

En 1998, la France gagne la Coupe du monde après une performance superbe contre un Brésil maitrisé de bout en bout. Mais s’arrêter à ce match serait un camouflet, en effet, le reste de la compétition est bien moins glorieux. Une phase de poule facile en partie grâce à la faiblesse abyssale de certains adversaires, un but en or contre le Paraguay, une victoire aux tirs au but contre l’Italie et un succès étriqué contre la Croatie. On ne peut pas dire que la campagne fut merveilleuse par le beau jeu, par contre elle le fut par le suspense et l’enchainements d’évènements extra-ordinaires (but en or, tirs au but, doublé de Thuram...).

France-98

En 2006, le schéma est complètement différent. Après une phase de poule où la France est à 2 doigts de se faire éliminer, tout change dès ce fameux match contre l’Espagne en 1/8. Après une très belle performance, les Bleus éliminent la Roja avant de surclasser le Brésil dans un match mémorable notamment pour Zidane auteur de l’une des plus belles performances individuelles de l’histoire de ce sport. En demi c’est le Portugal qui fait les frais d’une belle équipe française qui va pourtant tout perdre dans une finale où elle est la plus forte. Fin tragique pour un parcours qui est aujourd’hui entré dans la légende française. Perdants magnifiques.

Le beau jeu, la belle mécanique tactique ou ce que vous voulez qui se rapproche de la beauté ne sont que des victoires et des aboutissements immatériels, les titres eux sont factuels et remplissent les vitrines. Oui je fantasme encore sur l’OM de Marcelo Bielsa qui m’a comblé durant des mois grâce à des matchs magnifiques, mais ce que je retiens également c’est qu’avec une équipe où la beauté du jeu était mise au second plan, Didier Deschamps a été champion de France avec mon club de cœur.

 

Ce soir la France ou le Portugal remporteront l’Euro 2016. Dans 5, 10, 25 ou 50 nous retiendrons uniquement qu’en ce jour du 10 juillet 2016, l’une de ces 2 équipes a inscrit son nom au palmarès de l’Euro. Pas qu’elle a conclu une campagne européenne décevante au niveau du jeu.

Je ne veux pas en arriver à la conclusion que le culte de la gagne doit primer sur le beau jeu mais simplement qu’il faut parfois ranger les considérations « artistiques » de côté pour profiter de ce qui est surement le plus important dans le sport : la victoire.

2 comments

  1. Védégé 10 juillet, 2016 at 15:37

    Bel article et très beaux intertitres (le beau jeu au service de rien 🙂 )

    Mais je me permet une remarque sur la phrase « Mais s’arrêter à ce match serait un camouflet, en effet, le reste de la compétition est bien moins glorieux. ». Ça ne se dit pas.

    Un camouflet n’a rien à voir avec le verbe « camoufler ». Un camouflet est une humiliation, un affront. On ne peut pas l’employer dans le sens de « se cacher la vérité ».

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