L’amour d’un club de foot : la différence joueur / supporter

S’il est une situation où une certaine ambigüité autour de la notion « amour » existe, c’est bel est bien dans la relation qui lie un joueur de football et un supporter de ce même sport. Le footballeur va aimer son sport (quoique certains sportifs n’aiment pas le sport qu’ils pratiquent, mais partons du principe qu’ils l’aiment tous). Le supporter va aimer ce même sport mais d’une manière différente, il va certes aimer le jeu en lui même mais va retranscrire tout son amour à travers un club. Club dans lequel se trouve justement le footballeur cité plus haut. On pourrait alors penser que les deux se rejoignent dans un amour commun, or ce n’est que très rarement le cas.

 

Le footballeur n’a, dans la majorité des cas et en ne citant ni Totti ni Gerrard, ni Bosetti (ou autres), jamais aimé un club de foot comme le supporter aime le sien, ce qui inévitablement entraine une incompréhension. Nous supporters, nous ne pouvons pas demander à des joueurs qui n’évoluerons que 2-3-4 saisons dans notre club de l’aimer comme nous l’aimons, c’est irréalisable et si ça l’était cela ne relèverait que de l’hypocrisie. Voilà notamment pourquoi les joueurs oublient très souvent de rendre hommage ou de saluer chaleureusement les supporters à la fin du match, c’est parce qu’ils n’ont jamais vécu notre situation, ils n’ont jamais été dans notre position et n’ont jamais ressenti la même ferveur que nous. Cela explique aussi que certains joueurs ne comprennent pas « l’extrémisme » qui poussent certains supporters à commettre des actes que seule une passion exacerbée peut engendrer : violence verbale, violence physique, dégradations, etc...

 

Nkoudou-mega

J’entends ci et là que l’OM est peuplé de joueurs qui supportaient le PSG étant petits, mais que veut dire « supporter un club » pour un joueur de foot ? Des joueurs comme NKoudou ou Lass sont originaires de la région parisienne, ils étaient supporters du PSG, certes, mais s’ils avaient ressenti le même amour que nous pour ce club, pensez-vous sincèrement qu’ils auraient signé à l’OM ? Non. Pourtant Nkoudou, c’est bien là qu’il a signé alors qu’il aurait pu continuer de progresser à Nantes. D’une part il a rejoint l’OM parce qu’il a pensé à sa carrière, qu’il avait besoin de jouer et d’autre part parce qu’il n’était pas dans la même position que nous, c’est à dire qu’il a du mettre au second plan son côté « supporter » pour penser à son côté « footballeur professionnel ». Une chose que beaucoup d’entre nous serions incapable de faire, même avec de l’argent en jeu.

Autre exemple : Romain Alessandrini supporte l’OM depuis tout jeune, lorsqu’il était à Rennes il a même mimé le signe « OM » avec ses doigts après un but au Parc des Princes. Il a toujours eu envie de signer dans le club de son cœur, le club qu’il aime tant. Pourtant depuis qu’il est un joueur de l’Olympique de Marseille, il ne se comporte en aucun cas en temps que joueur-supporter. Critiques de Bielsa, combativité réduite au néant, prestations médiocres, mise en danger de son équipe (des cartons rouges) et refus de rencontrer les supporters pour parler de la situation catastrophique du club. Encore un exemple qui montre l’immense barrière qui se dresse entre un joueur soit disant supporter et un vrai supporter. Si Romain avait été amoureux de l’OM comme nous le sommes, ses agissements iraient en faveur du club et de part sa hargne il inciterait les autres joueurs à le suivre dans une révolte destinée à sauver l’OM.

 

J’aime tellement l’OM qu’il me serait totalement inimaginable de supporter un autre club même pour beaucoup d’argent. J’aime tellement l’OM qu’il me serait totalement impensable, si j’étais footballeur professionnel, de jouer ailleurs en France, il me serait totalement impossible de devoir jouer contre l’OM et rester professionnel. Oui mais lorsque je dis ça, je me place en tant que supporter et non en tant que joueur puisque je ne le suis pas... Ce que je veux dire c’est que si j’avais été joueur professionnel, je n’aurais pas eu la même jeunesse, je n’aurais peut-être pas autant suivi l’OM, je n’aurais pas fait de déplacements pour supporter mon équipe à l’extérieur, je ne me serais pas rendu dans un virage et donc j’aurais surement été moins été accroc à ce club. Ou alors à la vision de l’argent j’aurais complètement changé et j’aurais signé à Lyon ou à Paris. À vrai dire je ne peux pas le savoir, je ne peux pas ressentir ce qu’un joueur ressent comme lui ne peut pas ressentir ce que je ressens vis à vis de l’OM. Cette situation est donc très complexe et engendre forcément des problèmes de compréhension entre les 2 parties.

 

Je ne doute pas que Michy aime l’OM, je suis convaincu qu’il se sent bien dans ce club et qu’il apprécie l’ambiance du Vélodrome (surtout sous Bielsa). Mais s’il aimait le club comme nous, s’il avait déjà fait 5 heures de bus sous la neige pour voir l’OM perdre à Saint-Etienne, cela se ressentirait clairement dans sa combativité et ça créerait en lui un sentiment de révolte. C’est aussi pour cela que nous ne pouvons pas lui demander (à lui comme aux autres) de retranscrire ce que nous voulons qu’il fasse, c’est à dire se tuer pour ce maillot car il n’en est pas capable, tous les joueurs ne ressentant pas cet amour pour un club ne peuvent pas en être capables. Ils sont aptes à tout mettre en œuvre pour gagner, mais sont incapables de se battre comme nous le ferions car nous aimons réellement notre club.

Michy ressent-il la même peine et la même déception que nous lorsque nous reprenons le cours de notre vie le lundi matin après une défaite de l’OM ? Quand l’OM perd le dimanche, le lundi j’essaie de ne pas y penser, j’arrive à me changer les idées mais dès qu’une chose me fait penser à cette défaite, je me sens triste, en colère intérieurement et cela gâche le moment que je suis en train de passer. Est-ce qu’un joueur non supporter arrive à ressentir cela ? Je ne crois pas, je pense que sa manière professionnelle d’aborder le football lui fait penser à autre chose dès le lendemain d’une défaite qu’il considère « banale » puisque ce n’est qu’un match de championnat. Mais pour nous ce n’est pas qu’une simple défaite lors d’un match de championnat, c’est un drame. Et c’est là toute la différence entre nous deux qui pourtant avons le même dénominateur commun : un club de football.

 

totti amour curva

Ce n’est pas un phénomène propre à l’Olympique de Marseille, ces exemples se retrouvent dans tous les pays où le football est roi, où le football est une religion, où le football déchaine les passions. Cette situation peut aussi expliquer pourquoi certains joueurs n’ont aucun mal à jouer pour 2 clubs rivaux pendant leur carrière. Il est évident que pour Francesco Totti, jouer à la Lazio aurait été impossible, mais pour un Figo qui n’a pas le Barça dans le cœur comme un socios catalan peut l’avoir, la transition entre Barcelone et Madrid ne lui pose aucun problème sentimental.

 

En l’espace de 90 minutes, le joueur et le supporter vont se réunir au même endroit pour l’unique et même raison, mais là où le footballeur ne va pratiquer « que » sa profession, le supporter va l’instant d’une heure trente mettre sa passion entre les mains du joueur. Ce dernier ne sait pas le poids immense que cela représente pour le supporter, et c’est bien là le problème.

3 comments

  1. Kanoushfa13 8 novembre, 2017 at 12:42

    Bonjour Lino,

    Votre article est très bien écrit et lucide vis à vis de cette thématique. Je suis journaliste pour 66 minutes et je souhaiterais échanger avec vous sur ce thème: l’amour passionnel entre les supporters et les joueurs de foot. Pouvez-vous me contacter par mail?

    Le voici: fanny.laurent1304@gmail.com

    Bien à vous,

    Fanny

  2. FrenchKick 6 mai, 2016 at 15:49

    Très bel article Lino ! Tu retransmets magnifiquement bien le problème que peut avoir à certains égards le foot business aujourd’hui, surtout pour le plus beau club de France qu’est l’OM.
    Je veux juste un peu nuancer le propos, surtout en prenant l’exemple de Batshuayi. Tu as raison en disant qu’il aime l’OM, peut-etre pas comme un supporter devrait l’aimer. Pour autant, je pense que, s’il n’est pas aussi combatif tel qu’on devrait l’attendre, c’est peut-etre parce que son amour du maillot se manifeste autrement. Ca se voit rien que lorsqu’il loupe un tir cadré. Il sort pendant 5 min du match où je pense (je ne fais que penser…) qu’il se morfond d’avoir loupé son tir. Pour lui, peut etre, l’amour est tel qu’il ne supporterait pas de rater quelque chose pour l’OM. Ca aussi, on a pu le voir pour le FloTov national la saison passée.
    Pour conclure, là où tu as juste, c’est que le pro ne comprend pas l’amour du supporter pour le club mais que, nous aussi, en tant que supporter, on ne comprend pas parfois l’amour du footballeur pour le maillot. Il peut tout simplement etre différent.

  3. Latche 6 mai, 2016 at 10:44

    Être supporter/ joueur n’est pas la panacée, ya qu’à voir Bossetti.
    Puis cette saison j’ai longtemps vu des joueurs combatifs sur le terrain, le problème de cette équipe est autre.

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