STATS | Le mystère Michy décrypté par les statistiques

ARTISTE INVITÉ | Très intéressés par ses articles statistiques, nous avons demandé à Julien Assunçao (@Birdace pour les intimes) de procéder à une analyse en chiffres du jeu de Michy, afin de vérifier s'ils légitiment les critiques dont il fait régulièrement l'objet.

 

La saison dernière, Michy Batshuayi était plutôt cantonné à un rôle de super remplaçant (19 entrées en jeu pour seulement 6 titularisations) mais s’était déjà fait remarquer en marquant 7 buts dans ce court laps de temps. Après le départ d’André-Pierre Gignac, le voilà titulaire indiscutable et même seul véritable attaquant d’un effectif extrêmement remanié. Petit tour d’horizon statistique du buteur belge.

Pour commencer, jetons un œil à différentes statistiques assez classiques pour voir comment Batshuayi se situe par rapport au reste de la Ligue 1.

Présentation générale du joueur 

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En dehors des pourcentages (tirs cadrés, passes réussies, etc), ces statistiques sont exprimées par tranche de 90 minutes, ce qui est plus logique que "par match" surtout pour les joueurs jouant rarement les matchs dans leur intégralité. La barre bleue représente le niveau du joueur par rapport au reste du championnat, à son poste.

Un premier regard sur ces graphiques permet rapidement de ressortir plusieurs observations :

• pour la plupart de ces statistiques, Batshuayi est resté assez constant d’une saison à l’autre,
• il est plus souvent signalé hors-jeu que la plupart des attaquants,
• il tire beaucoup dans un match et cadre aussi pas mal,
• il est très performant devant le but,
• mais aussi capable de dribbler,
• il est peu recherché dans le jeu aérien (à juste titre),
• il n’est pas particulièrement présent dans la construction

Cers informations permettent déjà de se donner une idée des forces et faiblesses de Batshuayi mais je vais détailler tout ça selon différentes catégories qui représentent, assez arbitrairement, ce que l’on peut demander d’un attaquant : se créer des occasions, convertir ces occasions et participer au jeu.

Se créer des occasions

Pour se procurer des occasions de buts, il faut déjà se retrouver au bon endroit et être servi par ses coéquipiers.

Pour voir ça, j’ai d’abord regardé comment Batshuayi se situait par rapport aux autres joueurs de Ligue 1 en termes de passes reçues dans la surface. Dans le jeu, en excluant les coups de pied arrêtés, il n’y a que 4 joueurs qui reçoivent plus de ballons dans la surface que lui (minimum 450 minutes jouées) : évidemment Zlatan Ibrahimovic (4,57 ballons par 90 minutes), Lacina Traoré (4,21 P90), Edinson Cavani (3,69 P90) et, plus étonnant, Benjamin Jeannot (3,65 P90). Vient ensuite l’attaquant belge avec 3,59 passes reçues P90.

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Une bonne partie de ces passes provient cependant de centres (47,6%), ce qui amène généralement des occasions plus compliquées à convertir. On remarque aussi que Batshuayi semble bien aimer se placer sur la moitié gauche de la surface.

Recevoir des passes dans des zones dangereuses est important mais pour marquer il faut aussi tirer. Et, dans ce domaine, Batshuayi se place très bien par rapport au reste de la Ligue 1 en étant dans le top 5% concernant les tirs dans le jeu. Il se retrouve au-dessus de joueurs comme Ibrahimovic, Gignac ou Martial. Surtout qu’il est aussi très efficace quand il s’agit de cadrer ses frappes ou d’éviter de se faire bloquer ses tirs (voir 1er graphique).

Une autre statistique qui permet de mieux évaluer les qualités des attaquants est le concept des Expected Goals (ou xGoals, en abrégé) : un calcul qui consiste à associer une probabilité de marquer à chaque tir tenté ou concédé par une équipe, en se basant sur les milliers de tirs tentés lors des saisons précédentes.

Pour ça, on utilise différents critères comme le type de tir (partie du corps utilisé), le type de passe (centre, passe en profondeur, etc), la phase de jeu (corner, contre-attaque, etc) ou la zone du tir (dans l’axe de la surface, tirs lointains, etc). Pour plus de détails, allez lire l’article des Cahiers du Football sur le sujet.

Au final, ce calcul permet d’évaluer la qualité des occasions que se procure un joueur et de voir s’il fait mieux ou moins bien qu’un joueur « moyen ».

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Et dans ce domaine, Batshuayi s’en sort aussi très bien avec 0,44 Expected Goals P90 (par tranche de 90 minutes), ce qui le place à la 4ème place sur ce début de saison (minimum 810 minutes jouées et en excluant les penaltys). Ce qui signifie que j’estime que, avec les occasions qu’il a eu, un joueur « moyen » marquerait environ toutes les 204 minutes. Pour comparer, la moyenne pour un attaquant, en Ligue 1, est de 0,33 xGoals P90 et Batshuayi tournait à 0,56 xGoals P90 (2ème de Ligue 1) l’année dernière mais avec beaucoup d’entrées en cours de match, qui ont tendance à booster ces chiffres.

Convertir ses occasions

C’est bien de se procurer des occasions mais il faut aussi savoir conclure. Au premier abord, il y a une grosse différence entre la saison dernière et celle-ci pour Batshuayi avec une chute du pourcentage de conversion (buts / tirs) de 25,7% à 13%. La raison principale à ça est probablement l’énorme réussite de l’année dernière qu’il était peu probable de retrouver cette saison.

En utilisant les Expected Goals, on trouve un pourcentage de conversion estimé à 15,8% pour 2014/2015 et 12,6% pour 2015/2016. Deux valeurs beaucoup plus proches l’une de l’autre donc et il était logique de voir cette statistique se rapprocher des estimations.

Ce qui ne veut pas dire que Basthuayi est un finisseur « moyen ». On manque encore de recul sur la quantification statistique du talent de finition mais, sur un échantillon suffisamment grand, le nombre de buts au-dessus des Expected Goals semble un indicateur intéressant. Sur ce point, Michy Batshuayi sort pour l’instant du lot avec un total de 18 buts (sans les penaltys) pour 14,2 xGoals mais il faudra attendre pour voir si ça se confirme.

Pour préciser la notion de finition, je me suis concentré sur ce que Opta (l’entreprise qui fournit la majorité des statistiques) appelle les « Big Chances » : une situation où un joueur peut raisonnablement espérer marquer, généralement en un-contre-un ou de très près. On peut traduire ça par les occasions nettes. Là-aussi, l’échantillon est encore faible pour Batshuayi mais les chiffres vont dans son sens : depuis la saison 2012/2013, il est 6ème au classement des joueurs avec le meilleur pourcentage de conversion sur ces occasions nettes.

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Benjamin Moukandjo et Giovanni Sio mènent ce classement. Alexandre Lacazette arrive juste derrière, cette saison l’ayant fait redescendre au classement. On a ensuite le trio marseillais Alessandrini/Cabella/Batshuayi. Michy Batshuayi convertit donc 57,1% de ses occasions nettes, sachant que la moyenne est à 37,7% en Ligue 1.

Autre point d’intérêt sur les buts marqués : quand on regarde la distribution de ceux-ci selon l’écart au score, Batshuayi n’a jamais marqué quand Marseille était derrière au score. A l’inverse, 11 de ses 18 buts (61,1%) sont venus quand l’équipe menait au score.

Participer au jeu

Dernier point dans la panoplie de l’attaquant moderne, sa participation au jeu de l’équipe. On peut commencer par regarder sa participation dans le jeu de passes de l’équipe : Batshuayi réalise en moyenne 19,1 passes P90 (21,0 passes P90, l’année dernière) ce qui le place assez bas dans la hiérarchie des attaquants de Ligue 1.

Si on s’intéresse ensuite aux occasions créées, c’est un peu mieux mais ça reste en-dessous de la moyenne. Sur le même principe que les Expected Goals, on a l’équivalent pour les passes décisives : les Expected Assists. La moyenne pour les attaquants est de 0,10 P90 et Batshuayi tourne autour de 0,08 P90 cette année. Un point à améliorer donc pour lui.

Pour finir, un mot sur les qualités de dribbleur du belge, toujours utiles pour déstabiliser un adversaire ou se créer des occasions sans l’aide de personne. Et là, Batshuayi s’en sort très bien avec 1,44 dribbles P90 cette année et un pourcentage de réussite de 53,1%. Une corde supplémentaire à son arc.

Conclusion

Pour conclure, il y a des choses que Michy Batshuayi fait très bien comme se démarquer dans les zones dangereuses du terrain, multiplier les occasions en tirant beaucoup ou conclure les occasions obtenues. C’est aussi un dribbleur efficace, ce qui n’est pas le point fort de tous les attaquants.

A côté de ça, il fait d’autres choses beaucoup moins bien, principalement au niveau de son jeu vers ses coéquipiers : il créé peu de dangers par ses passes, que ce soit en termes de passes clés ou d’Expected Assists. Il est d’ailleurs assez peu présent dans la circulation du ballon.

Etant donné son âge et ce qu’il a montré jusque-là, Batshuayi ressort quand même comme un très bon espoir à son poste et cette saison en tant que titulaire indiscutable à Marseille va permettre d’en savoir plus sur ses possiblités.

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