Mohamed Bouhafsi : "Je passe et reçois autour de 150 appels par jour"

OMForum est parti à la rencontre d’une des stars de l'été, Mohamed Bouhafsi, journaliste football pour RMC/BFM et surtout une des références en France pour son rôle actif dans le mercato.

OMForum est parti à la rencontre d’une des stars de l'été, Mohamed Bouhafsi

OMForum : J'ai parfois entendu des journalistes sportifs dire qu'ils ne se sont pas spécialisés dans le sport ou le foot par vocation mais plus parce que l'occasion s'est présentée. Et toi ?

Mohamed Bouhafsi : Non, tout de suite j’ai voulu être journaliste football. J’ai pratiqué le foot à un bon niveau jusqu’au jour où je me suis dit que je n’étais pas à la hauteur pour continuer. Donc je me suis dit qu’il fallait rester proche de ma passion, rester pas loin des terrains et cela passait par le journalisme. J’ai toujours été attiré par les médias, la radio et la télévision. Clairement le mix parfait pour ne pas quitter les terrains, je me suis donc dirigé vers cette branche. Pour moi le foot, ce n’est pas une passion, c’est ma vie.

OMF : De la même façon, pourquoi/comment t'es-tu spécialisé "mercato" ?

Mohamed Bouhafsi : Là en revanche, c’était une occasion. J’ai toujours été quelqu’un de curieux, qui aimait dénicher des petites infos, embêter les gens, aller à la pêche aux scoops. Je suis arrivé en stage à RMC et je faisais de tout : du foot, du rugby, du tennis, j’étais omnisports en stage. Jusqu’au jour où la personne qui s’occupait du foot (en général) et du mercato (surtout) a quitté la boite. Là je me suis rapproché de la personne qui est arrivée en remplacement, sauf que cette personne n’a pas souhaité continuer l’aventure et j’ai pu saisir ma chance.

OMF : Sans vouloir entrer dans les secrets des anges, peux-tu nous parler un peu de ton travail ? Quelle est la journée "type" d'un journaliste sportif axé mercato ?

Mohamed Bouhafsi : Avant toute chose, je suis spécialiste football avant d’être mercato. Je suis en charge de l’information football pour RMC et BFM. Donc, je participe à l’élaboration des infos, au calage des invités, tout le côté éditorial autour du foot. Les journées type hors-période ou dans les périodes de mercato se ressemblent : J’arrive à la rédac à 9h, je participe à la conférence de rédaction de 10h où l’on décide des sujets de la journée. Ensuite c’est le début du marathon téléphonique, je passe et reçois en moyenne autour de 150 coups de fil par jour c’est-à-dire joueur, dirigeants, présidents, agents. J’enchaine parfois les rendez-vous sur Paris que ce soit pour un café ou un repas toujours avec les personnalités du football français. Tout cela avant de participer à la conférence de rédaction de 18h qui décide des sujets de la matinale de RMC et BFM du lendemain. Je reste jusqu’à la fin de Luis Attaque à 20h30 minimum et parfois j’enchaine par des diners.

OMF : On constate dans le milieu des fans de foot, notamment sur les réseaux sociaux un désamour croissant des grands médias sportifs qui sont parfois accusés à tort ou à raison, au mieux d'avoir perdu tout intérêt, au pire d'être de parti pris pour tel ou tel club. Que penses-tu de cette situation ?

Mohamed Bouhafsi : Je bosse sur ce domaine depuis 5 ans environ, j’ai remarqué un vrai changement depuis l’arrivée des réseaux sociaux, c’est impressionnant ! Depuis l’explosion de Twitter c’est même incroyable ! Je peux comprendre la perte de confiance qu’il peut y avoir envers les médias mais je n’accepte pas la vulgarité ou le manque de respect. Je pense que les médias ont une part de responsabilité certes, mais je remarque que les gens qui se plaignent ne représentent malgré tout pas une majorité. Avec Twitter, j’ai fait des rencontres superbes, des gens cools. Je reçois un message pas sympa pour 100 messages sympas.

Pour défendre les grands médias, je remarque une chose : on ne retient que les mauvaises infos. C’est comme les trains, on ne retient que ceux qui n’arrivent pas à l’heure mais les 100 autres trains qui arrivent à l’heure, on ne dit rien. Après, il faut un peu plus de respect pour les gens qui cherchent des informations, ce n’est vraiment pas facile. On parle à des centaines de personnes, il ne faut pas se laisser berner, travailler minutieusement. Celui qui ne sort pas d’info ne se trompera jamais c’est évident ! Si les gens ne sont pas contents pour une info qu’ils jugent mauvaise, que doivent faire les médias ? S’arrêter et ne plus abreuver le public ? Je ne crois pas que ce soit une solution viable.

C’est simple, pour suivre le mercato il n’ y a pas 1000 comptes ou sites à suivre : il y a RMC, l’Equipe, le Parisien et des grands comptes internationaux comme Di Marzio et La Sky

OMF : Plus précisément, comme nous le dénoncions dans certains de nos articles, la période de mercato dans la presse semble être devenue un sacré "foutoir". Quel est ton sentiment ? Penses-tu qu'une réforme du mercato est nécessaire et comment ?

Mohamed Bouhafsi : Il n’y a pas forcément besoin d’une reforme mercato. Il faut faire comprendre certaines choses aux gens. Je suis atterré de voir l’arrivée de comptes sur les réseaux sociaux ou de personnes qui se disent spécialistes mercato et qui se foutent de la gueule des gens. Franchement ça me rend fou et c’est un scandale ! Les mecs se font de la publicité sur le dos des journalistes qui sortent des infos et après mentent de façon honteuse. Parfois j’ai même envie de quitter Twitter quand je vois les Tweets des gens me demander une confirmation d’un compte "en bois". Franchement, c’est fatiguant. C’est simple, pour suivre le mercato il n’ y a pas 1000 comptes ou sites à suivre : il y a nous (NDLR : RMC), l’Equipe, le Parisien et des grands comptes internationaux comme Di Marzio et La Sky. (NDLR : Momo a oublié de dire OMForum...). Mais il ne faut pas parler de mecs qui ont 1000 abonnés, qui sont en « compte bloqué » ou des mecs qui se prétendent journalistes alors qu’ils sont journalistes comme moi je suis boucher-charcutier.

OMF : Dans un secteur où la course au clic est permanente, comment résous-tu la difficile équation entre vérification des informations d'une part, et l'envie de "faire l'exclu" rapidement d'autre part ?

Mohamed Bouhafsi : Il faut différencier course à l’exclusivité et l’usage du mot « exclu ». La course à l’exclu c’est une bonne chose, se challenger entre journaliste, l’envie de battre son confrère, c’est ce qui est excitant ! Je refuse de voir une info mercato dans un autre media, j’ai envie que mes lecteurs, mes Followers, lisent en exclusivité chez moi parce qu’ils me font confiance. L’usage du mot "exclu", c’est moyen car le lecteur s’en fiche de savoir que c’est une exclu. Aujourd’hui je l’utilise parfois mais ça me gêne parce que c’est un truc entre journalistes. Je regrette juste une chose, le comportement de certains qui s’octroient des exclus... Si un confrère sort une info avant moi, je la confirmerai mais je ne mettrai jamais info RMC ou exclu bibi. Je trouve ça irrespectueux et malsain.

OMF : N'as-tu pas l'impression que la méthode journalistique dépend bien plus des journalistes individuellement que de leur rédaction, désormais ? Il y a 10 ans, on pouvait encore dire "L'info est de tel journal, elle est fiable". Aujourd'hui, on dira plutôt "L'info est de BOUHAFSI, c'est sérieux".

Mohamed Bouhafsi : Déjà je voudrai dire un truc : Je suis honoré et fier de tous les messages que je reçois sur les réseaux sociaux. Je reçois des centaines de messages par jour sur Twitter et Snapchat. Il est vrai que certains messages me font plus plaisir que d’autres et je ressens un vrai honneur, je suis heureux comme un fou quand je vois des messages de gens qui me disent qu’ils me suivent et me font confiance. Je prends un temps fou à répondre à un maximum de personnes car sans le lecteur on est rien, c’est eux qui donnent le sourire. J’ai reçu des messages de fou, par exemple sur Snapchat, une famille entière de Marseille, ma ville d’origine, m’a fait une vidéo pour me dire « mon papa t’écoute à la radio, mon frère à la télé et le plus jeune sur Twitter » ; J’ai été sincèrement ému. Je suis jeune et les messages des gens me touchent au plus haut point. Pour revenir à ta question après la minute émotion, je vois que les gens individualisent les infos. En Italie on ne dit plus « c’est La Sky » on dit « c’est Di Marzio qui est le meilleur ». Aujourd’hui en France certaines personnes quand elles parlent du mercato disent : « C’est Momo » c’est flatteur. Les gens savent que dans une rédaction il y a des spécialistes, moi c’est le mercato donc ils donnent le nom du spécialiste, c’est normal.

OMF : Via Twitter, le vrai journaliste, seul avec sa réputation et ses sources semble concurrencer des journaux et rédactions entières. Ce média ne valorise-t-il pas les journalistes "sérieux", d'une certaine manière ?

Mohamed Bouhafsi : Oui je suis entièrement d’accord. Aujourd’hui via Twitter on est en interaction directe avec les supporters, nos lecteurs. Avant, les lecteurs lisaient des articles sans savoir le nom de l’auteur, aujourd’hui on diffuse nos articles sur nos comptes Facebook ou Twitter et les lecteurs savent d’où vient l’information. Twitter est un outil formidable avec quelques défauts mais beaucoup d’avantages. Je suis clairement devenu addict car je suis en lien direct avec les supporters qui savent d’où l’info provient

Sur l’OM, je me rappelle avoir tremblé le 14 mai 2000 pour Sedan – OM

OMF : En exclu pour OMForum, dis-nous LE scoop : Jardel, il signe quand ?

Mohamed Bouhafsi : Je vais vous donner une info EXCLUSIVE : Jardel signe cet été avec Drogba qui fait enfin son retour au Vélodrome. Changement d’actionnaire dès cet été aussi avec Jack Kachkar ! Enfin, l’OM va changer de sponsor avec le retour de Khalifa Airways !

OMF : Pour changer un peu de sujet : quel est ton meilleur souvenir foot ? (à la télé, au stade, un reportage, en tant que journaliste ou amateur de football). Et ton meilleur souvenir lié à l’OM ?

Mohamed Bouhafsi : Mon meilleur souvenir foot c’est la coupe du monde 1998 ! J’avais 6 ans, je faisais le fou avec mon frère sur les Champs Elysées et à Saint-Denis. J’ai vécu cette coupe du monde de l’intérieur. En tant que journaliste, mon meilleur souvenir c’est bien sûr la coupe du monde au brésil... Vivre ça à 22 ans c’est magnifique. Sans oublier France - Ukraine au Stade de France. Il faut savoir que pour ce match, je décide de travailler alors que je m’étais fait une entorse de la cheville de stade 4, malléole, péroné et ligament externe touchés. Mais je ne voulais absolument pas rater cet évènement.

Sur l’OM, je me rappelle avoir tremblé le 14 mai 2000 pour Sedan – OM : Marseille qui se sauve à la différence de but pour moi ce match c’était un test cardiaque. Et bien évidemment le titre de 2010 ! Je suis à cette époque là en train de passer mon bac et je décide quand même d’aller voir OM- Rennes le 5 mai. C’était la folie à Marseille, une ville en liesse c’était magnifique. Ça m’a rappelé 98.

OMForum est parti à la rencontre d’une des stars de l'été, Mohamed Bouhafsi

OMF : Quelle est ta plus belle rencontre sportive (évidemment) ? (Zidane ça ne compte pas)

Mohamed Bouhafsi : Zidane, Zidane et encore Zidane. En trois mots : classe, sympathie et élégance.

Si je n’ai pas le droit à Zidane, je vais dire Éric Abidal. C’est quelqu’un que je ne connais pas particulièrement mais on a fait une interview ensemble pour l’annonce de son départ du Barça. À la fin de l’interview, il était en larmes et j’étais en larmes. Il avait fait l’interview alors que sa fille était un petit peu malade, il avait donné sa parole... Éric m’avait vraiment ému... Il avait été transparent, juste sincère et c’était magnifique.

Il ne faut pas croire tout ce qui se dit, le milieu du foot est dur mais souvent beau. L’une de mes plus belles rencontres a été faite dans le foot. Le foot cadre ma vie professionnelle mais aussi personnelle. Camus disait "Il n'y a pas d'endroit dans le monde où l'homme est plus heureux que dans un stade de football". Moi je suis heureux dans un stade et certains stades peuvent même me faire chavirer de bonheur…

1 comment

Leave a reply