BORDEAUX, LE GRAND NULLE PART

Le club de Bordeaux est à l'image de la ville : cultivant le vain, fière d'être inutile, elle donne un avant-goût du néant.

« Il faut comprendre le bordelais, il faut se mettre à sa place ». C'est donc ce que j'ai fait, ayant récemment emménagé dans la capitale girondine pour m'installer avec une fervente supportrice des girondins, tombée amoureuse du club et de son stade en Janvier 99, le soir d'un certain… Bordeaux-OM.

Je me suis mis à sa place, et j'ai compris. J'ai compris pourquoi Bordeaux attendait la venue de l'OM comme l'ouverture de la chasse, j'ai tout compris du plaisir qu'on peut ressentir à abattre un oiseau dont on jalouse les instincts migratoires.

Car Bordeaux est la ville où rien ne se passe.

The Home of No Imagination

Bordeaux est une ville littérale, qui ressemble certainement à un cauchemar de Fred et où l'on ne s'embarrasse pas de licences poétiques :

- Lorsqu'un pont est en pierre, on le baptise : le pont de pierre.

- Une grosse cloche ? La Grosse Cloche.

- Une flaque d'eau rectangulaire qui reflète des trucs ? Le miroir d'eau™.

- Une rue, des remparts, LA RUE DES REMPARTS.

- Une ville au bord de l'eau ? Bordeaux bitches !

Il ne faut pas aller chercher plus loin le manque d'audace footballistique qui caractérise le FCGB, son application scolaire et pragmatique des lois du jeu. Bordeaux, ville jumelée avec le 4-4-2.

tumbleweed

Le Désert des Tartares

A chaque fois qu'elle monte à la capitale, ma copine s'étonne de voir les parisiens se ranger sagement sur la droite des escalators, pour laisser le passage à des gens plus pressés qu'eux. Elle m'explique que le bordelais est cool, que l'urgence c'est un truc de parigots, qu'à Bordeaux on prend le temps de vivre.

Ce à quoi je réponds que c'est bien gentil mais qu'en cas d'urgence, le bordelais fait perdre du temps à tout le monde, que le bordelais il aura peut-être envie de le monter quatre à quatre ce putain d'escalator, s'il tenait son enfant mourant dans ses bras.

Je lui réponds surtout que c'est étonnant, des bordelais qui refusent de saisir une occasion de se ranger à droite.

La vérité derrière cette habitude, c'est que le bordelais n'aura jamais de raison d'être pressé. On arrive à Bordeaux comme en enfer, résigné et pour toujours. Quelle urgence, lorsqu'on est arrivé Nulle Part ?

De par son urbanisme, Bordeaux est une ville sans ciel ni perspective. L'éternelle grisaille qui surplombe des échoppes d'égale hauteur fait l'effet d'un plafond amianté, et c'est à force de se perdre dans ce dédale de rues étroites et semblables qu'on comprend que l'on est condamné à tourner en rond.

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Alors à Bordeaux on attend.

On attend comme d'autres espèrent la guerre.

On attend le Soleil pour mieux le haïr.

C'est là le coeur de cette rivalité à sens unique. Bordeaux l'immobile regarde Marseille l'hyperactive se ruer droit au but. Et si l'occasion se présente, de lui glisser un croche-pattes, comme on jette des cailloux sur le train de l'histoire en marche.

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