Marcelo Bielsa, la tristesse durera toujours

La tristesse durera toujours, phrase qui aurait été prononcée par Van Gogh et qui instantanément me fait penser à Marcelo Bielsa. Oui, le parallèle est un peu saugrenu mais n’y voyons pas une once de comparaison entre le peintre génial et l’entraîneur argentin, tout aussi génial.

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La tristesse durera toujours, même après la joie. Pourquoi d’ailleurs être triste, cet homme nous apporte tellement de bonheur même si les temps sont durs (et les tensions durent), a fait renaître l’Olympique de Marseille (n’en déplaise à certains) et a ranimé en nous cette flamme olympienne emplie de ferveur et de passion. Il a transformé les matchs de l’OM, si moribonds, en spectacle exceptionnel qui colorise cette Ligue 1 si morose.

La tristesse durera toujours, sauf chez certains vides de cœur et d’esprit. Il a amené à la France du foot une philosophie et un amour du football si sud-américain que les français ne peuvent pas le ressentir. Et frustrés de ne pas être envahis par cette folle passion, ils se mettent à critiquer cette philosophie, cette passion juste pour une histoire d'entraînement fermé au public. Les ignorants, les entraînements? Ils n'y comprendraient rien. Ses yeux baissés et sa politesse deviennent un affront dans un pays où les entraîneurs, arrogants et méprisants face aux journalistes, sont respectés comme le Bon Dieu dans une église.

La tristesse durera toujours, c’est la peine encourue pour avoir été heureux. Combien sommes-nous à avoir été heureux et à l’être toujours grâce à El Loco ? Des milliers, ma réserve et mon manque de prétention m’empêchent de dire des millions. Nous avons été heureux parce que le final à Caen, parce que la victoire contre Toulouse au Vélodrome, parce que le récital contre Bordeaux à la maison, parce que le chef-d’œuvre à Reims, parce que les défaites les armes à la main à Lyon et Paris, parce que l'OM a réalisé l'une de ses plus belles premières moitiés de saison depuis des années, parce que tout simplement les équipes de Marcelo Bielsa ont une âme unique, une âme qui ne s‘achète pas.

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La tristesse durera toujours car les hommes qui l’engendrent sont si peu nombreux qu’elle est parfois belle à ressentir. J’approche la trentaine, je ne suis pas vieux mais j’ai connu de nombreux coachs présents sur le banc de ce club qui m’envahit le cœur. La liste est si longue qu’elle m’est impossible à retranscrire instinctivement, par contre à l’heure d’en coucher quelques-uns sur le papier, je n’en vois pas beaucoup.

Je vois Raymond Goethals qui m’a initié à ce club mythique et qui m’aura fait pleurer 2 fois : un soir de mai 93 devant ma télé et un après-midi de 2004 où mes amis et moi n’avons pu retenir nos larmes au moment de brandir le tifo lui rendant hommage.
Je vois Didier Deschamps parce qu’il a fait gagner l’OM, parce qu’il a ramené Lucho, parce qu’il a appris à Mamadou Niang à être si génial et parce qu’il a redonné à l’Olympique de Marseille la place qui est la sienne, c’est à dire tout en haut du football français. Mais il ne m’a pas fait rêver, ses victoires étaient froides, cliniques, chirurgicales, calculées. Mais ses victoires ont amené au triomphe, et pour cela il a mon respect éternel.
Puis je vois Marcelo Bielsa. Est-ce étonnant ? Peut-être. Seulement quelques mois après son arrivée et alors qu’il n’a rien gagné, je comprends parfaitement, vu de l’extérieur, que cet amour semble stupide. Mais ceux qui le ressentent de la même manière que je le ressens comprennent parfaitement ce que je veux dire. Je n’ai plus l’occasion d’aller très souvent dans mon virage Sud où j’ai vu une centaine de matchs. J’ai eu l’occasion de m’y rendre cette saison, c’était contre Toulouse et cela restera à jamais gravé en moi. Le nouveau stade ? Oui, mais pas que. La personne présente ce soir-là sur le banc olympien y est également pour beaucoup.

La tristesse durera toujours. Elle a d’ailleurs déjà commencé. Elle a commencé en fait dès le moment où je me suis mis à aimer Marcelo Bielsa parce que je savais qu’un jour il partirait. Elle a continué quand il nous a montré à quel point le football pouvait être beau et différent quand on le regarde avec ses yeux. Elle a encore continué quand on a annoncé son (très) possible départ en juin. Elle continuera à ce moment-là. Malheureusement, elle ne s’arrêtera jamais car toute ma vie j’aimerai ce club, car toute ma vie ce club m’apportera de la joie et de la peine, car toute la vie ce club me fera penser à Marcelo Bielsa.

La tristesse durera toujours, car le bonheur de me remémorer Marcelo Bielsa sera masqué par le manque que je ressentirai.

La tristesse durera toujours car au moment d’écrire ces lignes je pense à l’Olympique de Marseille sans Marcelo Bielsa. Et je suis triste.

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2 comments

  1. lirone93 28 avril, 2015 at 13:25

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    Voici ce qu’y dit le père de Neymar dans la biographie de Neymar : « Neymar, mon histoire » à propos de la défaite du Brésil en finale des jeux olympiques de 2012 contre le Mexique, une autre équipe Sud-Américaine :
    « Bien sûr personne ne veut perdre. Mais il est important de comprendre que nous ne sommes les seuls responsables d’une défaite. Il y a toujours un adversaire, en face, qui exactement la même chose. Souvent, nous ne sommes pas vaincus. Ce sont les autres qui sont vainqueurs. Ils ont tout fait pour gagner. Ils méritent leur victoire plus que nous ne méritons notre défaite. C’est ce qui s’est passé avec le Mexique, qui alignait une excellente équipe et qui a été meilleur dans le match décisif à Wembley. »
    Les Sud-Américains gagnent donc avant tout par leurs qualités propres et non en cherchant à exploiter les faiblesses de l’adversaire.
    La France est plus généralement l’Europe (dans une moindre mesure) ont un jeu moins “moral”, moins poli, plus attentiste, moins généreux, moins solaire, plus cérébral, plus rugueux, attentif aux fautes adverses.
    La solution est que M. Bielsa déplace son coté cérébral et tactique sur la mise en place d’un système et d’un style de jeu qui saura mettre à néant ce style de jeu.
    Je propose simplement à M. Bielsa déjà de prendre conscience du fait, et ensuite qu’il donne à son équipe en plus des qualités Sud-Américaines : générosité, jeu avant tout offensif, une obsession rationnelle à se restreindre à faire tourner le ballon en défense et au milieu de terrain, en essayant de faire 0 fautes.
    Ceci non par choix de style, mais comme parade au coaching et au style de jeu des entraineurs de L1.

    la solution que je propose dans cet article, n’est pas de s’adapter au jeu à la française car ca voudrait dire adopter le style de jeu de la ligue 1 et ca serait renier ses principes.

    Justement, tout l’article a été rédigé pour ne pas qu’on comprenne cela.

    Le style emprunté et poussif de l’article (j’en conviens) résulte de cette volonté de ne pas tomber dans ce piège. Mais je reconnais avoir loupé un peu mon objectif puisque certains comprennent apparemment encore cela même si c’est peut-être pas forcément une grande majorité.

    Cet article veut exprimer que M. Bielsa n’est pas dos au mur, et qu’il n’a pas comme seule et unique solution de jouer comme les autres équipes de L1 en perdant donc son style et sa particularité.
    Au contraire, l’article dit qu’il lui est possible de s’en inventer un nouveau toujours basé sur son coté puriste, et jusqu’au boutiste mais, orienté mais sur la manière de contrer le jeu francais.

    Ca peut passer par exemple, par une équipe que j’appelle à double visage capable de jouer l’offensive comme elle le fait actuellement, puis dans les phases de moins bien, par un repli radical de toute l’équipe en défense pendant pourquoi pas, de longues périodes de jeu.

    C’est ouvert, mais l’idée de l’article est qu’il lui est possible de conserver son style jusqu’au boutiste, à condition qu’il le focalise en direction d’un combat à mener non pas avec l’équipe adverse mais avec le système de jeu de l’équipe adverse.

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