Le prêt à la dernière minute du mercato de Dória à Sao Paulo semble, comme son arrivée, beaucoup plus motivée par des motifs financiers que sportifs. Le paiement d'un salaire important pour jouer exclusivement en CFA2, le besoin d'alléger la masse salariale pour recruter Ocampos, et la dévalorisation progressive d'un actif majeur ont finalement été décisifs. Ces enjeux s'opposent clairement à la réalité sportive où faute de trouver un club de L1 qui accepte de le prendre en prêt, il aurait mieux valu le garder dans l'effectif pour lui permettre de parfaire son adaptation.
Néanmoins, son départ peut être perçu comme l'épilogue de son histoire à l'OM, une histoire de rendez-vous manqués et de malentendus, ou comme une entracte salvatrice en lui permettant de retrouver sa confiance et de revenir plus fort. Afin de démêler le vrai du faux et de prendre un peu de recul sur un sujet marqué par l'hystérie médiatique, dans un sens ou dans l'autre, tirons tout d'abord un bilan de ses 5 mois à l'OM, essayons ensuite de nous projeter dans le futur pour proposer une analyse de son avenir au club.
5 mois de rendez-vous manqués et de malentendus
Dória à l'OM, c'est tout d'abord une histoire de rendez-vous manqués et de malentendus. La recrue phare du mercato, le nouveau Thiago Silva, capitaine de la sélection espoirs du Brésil, chipé au nez et à la barbe des plus grands clubs européens et qui signe miraculeusement à l'OM. L'histoire etait belle pour Labrune, qui passait d'un coup de zéro du mercato à héros. Premier tremblement de terre, la conférence de presse de Bielsa qui indique que Dória a signé contre son avis et que selon lui, il n'est pas prêt pour la L1 et que le remplacement de Lucas Mendes par Dória a affaibli l'équipe.
Par la suite, le joueur, victime d'une adaptation difficile au football européen, de difficultés techniques et tactiques, et d'opportunités ratées, voit Morel et N'Koulou faire une excellente demi-saison à son poste de défenseur central axe gauche, et voit même Aloé lui passer devant à deux reprises, lors du match contre Bordeaux (Aloé a eu toute la trêve internationale pour parfaire ses automatismes avec Fanni, alors que Dória jouait un tournoi amical en Chine) et à Nice (Dória etait prévu comme titulaire jusqu'à l'expulsion de Fanni à la 90ème minute du match contre Guingamp). Nous avions alors évoqué avec humour le fait qu'il ne jouerait même pas en cas d'apocalypse zombie.
Après 4 mois d'articles incroyablement à charge contre Bielsa, accusé d'ostraciser le joueur pour des raisons de fierté, de bras de fer contre Labrune et même de racisme anti-brésilien, au point que nous avons questionné l'éthique de certains journalistes, et leur motivation pour traiter ce sujet, on assiste à un retour de balancier tout aussi excessif avec les témoignages de joueurs de CFA2 qui décrivent le joueur comme moyen tout au mieux, et une théorie générale comme quoi, Dória etait finalement une arnaque. Le joueur ne jouait même plus à Botafogo, il est surcôté. Nous avions évalué Dória le joueur de CFA2, et par ailleurs il était blessé lors de ses derniers mois au Brésil. La pensée actuelle est donc aussi fausse et biaisée que celle qui en faisait une star maltraitée.
Quel OM pour Dória à son retour et quel Dória reviendra ?
La réalité est beaucoup plus simple et prosaïque. C'est un très jeune joueur sud-américain encore en phase d'adaptation au football européen, qui est arrivé dans un club avec un entraîneur très exigeant (et droit dans ses bottes il faut le dire) avec un statut de star, probablement prématuré.
Son prêt à Sao Paulo va peut-être lui permettre de retrouver sa confiance, et s'il est capable de se remettre en question, d'appliquer ce qu'il a appris avec Bielsa. Mais le risque est important de le voir stagner un peu, et avoir du mal à se rémotiver pour quitter de nouveau son cocon doré. De plus, sa première entrevue à Sao Paulo lors de laquelle il se plaint d'avoir été victime d'un bras de fer entre Labrune et Bielsa, ne plaide pas pour l'optimisme.
Du côté de l'OM, on peut toujours espérer une qualification en Ligue des Champions si l'équipe retrouve son jeu, et que Bielsa respecte son contrat (moral ou juridique c'est au choix) et fasse une deuxième saison au club. Dans cette optique, et étant donné la tendance est à une prolongation du contrat de Morel, le joueur reviendrait à la case départ.
Un prêt en L1 comme échappatoire ?
Avec une option d'achat à 12 millions d'euros, il est plus que probable que Dória revienne en juin à l'OM. Si Bielsa et Morel restent, il serait alors préférable que le joueur soit prêté dans un club de L1 pour parfaire son adaptation au jeu français et européen. La solution du prêt devrait etre plus facile en début de saison, et le joueur a 5 mois pour prouver son potentiel à d'éventuels clubs intéressés.
Si Bielsa et/ou Morel partent, le pari pourrait également être tenté de réintégrer Dória à l'effectif en espérant qu'il ait suffisamment progressé pour tenir sa place à l'OM. Mais cette solution semble très risquée pour le joueur et pour le club, car l'échec serait alors final et le pari sans filet.
Dernière possibilité, qui m'apparaîtrait comme un terrible gâchis, transférer le joueur dans un club qui sera disposé à faire un pari sur lui. Des clubs italiens, portugais ou espagnols, seraient probablement intéressés par un prêt payant avec une option d'achat à 8 ou 10 millions, pour à leur tour tenter de faire fructifier un actif.
Car malheureusement, et malgré les efforts de Bielsa pour ramener son cas sur des enjeux sportifs, et malgré la très bonne impression que l'homme Dória, sérieux, travailleur et motivé, a laissé à l'OM, Dória reste avant tout un actif financier, dans la tête de Labrune comme dans celle des autres présidents de club. Comme quoi, même s'il n'appartient plus officiellement à un fonds d'investissement, le joueur Dória passe encore au second plan.
